Conjuring 4 : on juge L’Heure du Jugement – Critique
Le 09/09/2025 à 14:40Par Pierre Champleboux
Avec Conjuring 4 : L’Heure du Jugement, Michael Chaves ramène la saga sur les rails qui ont fait son succès : une maison hantée, une famille persécutée par des forces obscures et le clan Warren au centre de l’intrigue.
Si son film n’évite pas quelques longueurs, le cinéaste surprend par une réalisation plus maîtrisée que sur les médiocres La Nonne 2 et Conjuring 3.
Le scénario perd de vue les Smurl pour mieux dire adieu aux Warren, et bien qu’on puisse y trouver à redire, ce parti pris sert habilement le but de cet ultime opus : clore une bonne fois pour toutes les aventures du couple de démonologues au grand cœur imaginé par James Wan et les frères Hayes.
Une conclusion imparfaite mais néanmoins solide, qui devrait satisfaire les fans du Conjuringverse et les amateurs d’horreur mainstream.
Après un troisième épisode qui s’était aventuré du côté du film de procès et s’était éloigné de la formule originelle, ce quatrième opus recentre le récit sur ce qui a fait le succès de la franchise.
On retrouve une famille lambda harcelée par des forces démoniaques dans une maison hantée, cadre idéal pour relancer la mécanique du frisson.
Les jump scares sont mieux dosés, les créatures démoniaques offrent quelques sueurs froides, et le crescendo horrifique s’installe efficacement, notamment en privilégiant des séquences flippantes qui ne versent pas toujours dans le spectaculaire.
Le troisième acte enchaîne les visions cauchemardesques dans une surenchère visuelle qui maintient la tension jusqu’au bout, et si Michael Chaves n’a pas le talent de James Wan, force est de constater qu’il surprend par une maîtrise qu’on ne lui connaissait pas.
Michael Chaves : une réalisation en progrès
Après le très moyen Conjuring 3 et l’ignoble La Nonne 2, Michael Chaves étonne en livrant une mise en scène beaucoup plus aboutie et inspirée que lors de ses précédentes incursions dans le Conjuringverse.
La photographie est soignée, les mouvements de caméra inventifs, et certains plans marquent la rétine.
En la matière, la scène d’essayage de robe de mariée dans une pièce exiguë pleine de miroirs où s’incruste une entité malveillante est une vraie réussite.
Le réalisateur s’amuse aussi à transformer des objets du quotidien en sources d’angoisse : un simple téléphone fixe dont une force invisible tire le cordon, un lit dans lequel se glisse une entité monstrueuse…
Des séquences qui, bien qu’elles soient peu spectaculaires, sont de loin les plus terrifiantes, puisque ce sont celles qui semblent les plus réalistes.
On s’imagine bien plus facilement seul chez soi en proie à un esprit farceur qui agit de la sorte que face à un revenant brandissant une hache, et c’est ce qui fait toute la force de ces images.
L’ombre de James Wan plane sur ces dernières et on ne peut s’empêcher de repenser aux séquences de cache-cache du premier opus… et de se dire que bien que le résultat ne soit pas honteux, on aurait quand même bien aimé voir sa version de Conjuring 4.
Car si Michael Chaves est plus à l’aise qu’auparavant, le fait est que lorsque l’action s’emballe et que le long-métrage tente des choses plus ambitieuses, on sent que notre homme atteint là ses limites.
Un film plus émouvant que prévu
La vraie bonne surprise de Conjuring 4 : L’Heure du Jugement n’est donc pas dans l’horreur : elle réside en fait dans l’aspect émotionnel de son histoire.
Et c’est autour de Judy (Mia Tomlinson), la fille désormais adulte du couple de démonologues que celles-ci s’articulent.
La jeune femme porte le film et finit par voler totalement la vedette à ses parents chasseurs de démons, en grande partie grâce au talent de son interprète, à qui on prévoit une belle carrière à l’avenir, que ce soit dans le Conjuringverse ou ailleurs.
Entre deux séquences d’épouvante, le film parvient à tirer quelques larmes, nous offrant un mélange étonnant mais bienvenu, qui apporte une profondeur inattendue à la saga.
Patrick Wilson et Vera Farmiga restent impeccables, et leur alchimie fonctionne toujours à merveille.
Clairement, cette version idéalisée des Warren va nous manquer.
Les limites de Conjuring 4
Le film n’est toutefois pas exempt de défauts. Avec plus de deux heures au compteur, il traîne parfois en longueur.
En multipliant les sous-intrigues (la famille Smurl, les Warren, Judy et son fiancé Tony) il disperse son énergie et relègue la famille Smurl et les multiples entités qui les hantent au second plan.
Là où les premiers films donnaient de l’épaisseur aux familles, ici, les victimes de la hantise servent davantage de toile de fond que de repère pour le spectateur.
Et comme toujours dans cette saga, la mention “basé sur des faits réels” reste un brin mensongère.
Qu’on croit au paranormal ou pas, une chose est certaine : ni les Warren ni les Smurl n’ont jamais parlé d’un miroir maléfique… qui est ici au centre de l’intrigue.
Et bien que les vrais Warren aient effectivement croisé un miroir supposément hanté au fil de leurs pérégrinations, celui-ci n’a jamais été lié à la hantise des Smurl.
Conjuring, The Haunted et l’inspiration cachée de James Wan
Petite anecdote : l’affaire Smurl avait déjà été portée à l’écran dans un téléfilm de 1991, très judicieusement intitulé La Maison Hantée (The Haunted en version originale, facilement trouvable sur YouTube pour les curieux).
Michael Chaves, interrogé par nos soins à ce sujet, assure ne pas l’avoir visionné afin de ne pas être influencé, et avoir collaboré étroitement avec les sœurs Smurl pour retranscrire au mieux ce qu’elles auraient vécu.
Le miroir inventé pour l’occasion n’existe donc sur grand écran que pour les Warren. C’est lui qui les lie, eux et leur fille Judy, aux Smurl, et c’est sa présence qui apporte au scénario tous les éléments qui rendent l’affaire plus spectaculaire et terrifiante qu’elle ne l’est sur le papier.
Car dans les faits, comme le montrent le téléfilm de l’époque et les témoignages de Jack et Janet Smurl, ce que la petite famille affirme avoir vécu dans cette maison n’est finalement pas très cinématographique.
Transposer leur supposé calvaire tel quel au cinéma aurait certainement donné lieu à une fin soporifique pour les Warren incarnés par Patrick Wilson et Vera Farmiga.
Alors mieux vaut voir le film pour ce qu’il est : une œuvre de fiction, et la conclusion efficace d’une saga entamée il y a plus de 10 ans.
Verdict : une conclusion solide, mais pas parfaite
En définitive, Conjuring 4 : L’Heure du Jugement réussit à proposer un spectacle horrifique plutôt efficace et souvent émouvant.
Ce n’est clairement pas l’opus le plus effrayant de la franchise, mais en l’état, il s’agit tout de même d’une conclusion solide qui referme la saga sur une note positive.
Les amateurs de frissons “grand public” y trouveront leur compte, tandis que ceux qui recherchent un cinéma d’horreur plus radical continueront de se tourner vers des titres plus racés comme Évanouis ou Substitution : Bring Her Back.