Bangkok Dangerous : Top Nanar !
Le 19/08/2008 à 09:46Par Arnaud Mangin
Dans le mille ! Parmi nos rêves les plus fous, on n'aurait jamais espéré que Nicolas Cage, acteur ô combien recommandable lorsqu'il sait s'entourer, ne creuse si profond dans son incompréhensible descente aux enfers. Vous savez, comme lorsque l'on a un agent tout pourri ! Justement, là il s'entoure diablement mal puisqu'il se laisse mollement diriger par les parfaitement incapables frères Pang, qui ne savaient plus trop comment rebondir si ce n'est signer le remake de leur propre film. Les gaillards, ils ont envie de faire encore mieux que l'original. Grand bien leur fasse, surtout que ce n'est franchement pas un exploit, mais ils n'y arrivent pas. Ils en profitent même pour faire sombrer la star (?) dans une production simili musclée d'une pauvreté désarmante. On ne sait plus si l'on doit encore rire du pauvre Nicolas, qui persiste en plus dans la diversité capillaire, ou bien avoir de la peine pour lui. Probablement les seules divergences véhiculées par ce machin...
Avant toute chose, un coucou à Yannick Dahan dont on regrette sincèrement la mise en Stand By de son Opération Frisson tant il y a là de quoi plonger, creuser, et extirper à pleines mains tous les superlatifs dont il raffole avec son inévitable accent toulousain. Ben ouais, Bangkok Dangerous, jusqu'à aujourd'hui, ce n'était qu'un mauvais film d'action Thaï qui essayait maladroitement de repiquer quelques thématiques classieuses à John Woo (du style un tueur à gages à donf dans son job puisque coupé pour cause de surdité et donc de mutisme) sans les moyens, ni le talent et encore moins de style. En gros un machin dont on se cognait un peu jusqu'à maintenant, prouvant que les réalisateurs du faussement roublard The Eye (plagier Nakata sans style, ni talent, etc) étaient doublement mauvais, puisque deux. Frères et jumeaux de surcroît ! Dieu merci, ce petit bout de péloche finalement insipide a croisé la route de Nicolas Cage. On ne sait pas exactement pourquoi et encore moins comment les Américains ont pu avoir un coup de cœur là-dessus (personne n'est à l'abris des goûts de chiotte) mais ça permet au moins de revivre en salle une expérience un peu oubliée dans le domaine. Celle du gros nanar, du pur, du vrai, du bien costaud qu'il faut découvrir en groupe pour pleinement apprécier (pour s'en moquer grassement à gorge déployée comme une bande de vilains salopards) et qui nous renvoie aux grandes heures de gloire de la bonne parole américaine à travers le reste du monde à grands coups de kicks dans ta face. Façon Braddock dans Portés Disparus 3.
Regarde, je vais te montrer comment on flingue une carrière
Cage a encore le mérite d'être un brin bankable avec des purges comme Benjamin Gates 1, Benjamin Gates 2 et Benjamin Gates 34. Ce qui l'autorise mathématiquement à bénéficier d'exploitation en salles là où ses futurs congénères (s'il ne redresse pas illico la barre, Oscar ou pas) Mario Van Peebles ou Dolph Lundgren n'auraient eu droit qu'à un malheureux direct-to-DVD simple couche chez Columbia s'ils avaient obtenu le rôle. Une aubaine, donc, pour ceux qui n'en peuvent plus des productions surfriquées insipides puisque Bangkok Dangerous n'a pas un kopek en poche et le peu que la production devait posséder a du passer dans la colle spéciale moumoute de l'acteur, actuellement dans sa période mi-long. Avec une prédilection pour le gras appuyant les teintes brunes foncées. "Ca vous va à ravir monsieur Cage". Tu m'étonnes, nous, on adore. D'abord parce que ça nous détourne un peu l'attention de la médiocre pauvreté du projet (ce n'est pas le remake d'un film thaïlandais... c'est vraiment un film thaïlandais, mais avec Nicolas Cage dedans), mais surtout parce que ça nous permet de rajouter une coupe supplémentaire sur la roue de notre grand jeu "Le Cheveunoscope" dont l'acteur est indéfectiblement la star incontestée. Parce que son coiffeur doit partager la même cellule de prison que son agent, Nicolas compose avec le personnage de Joe, un physique aussi épuisé que le film et sa carrière actuelle. Double menton naissant, fringues nazebroques, photo peu avantageuse, tout y est.
Mais il nous sort surtout sa botte secrète, celle qui lui sauve la mise lorsqu'il est dirigé par des incapables (il y est habitué maintenant), une panoplie de regards adaptables en toutes circonstances, comme les têtes du jeu "Qui est-ce ?". Parce que son rôle est quasi muet (il n'aligne pas un mot en thaïlandais et tombe amoureux d'une fanatique du langage des signes), il nous sort le grand jeu : le regard perplexe, le regard amoureux, le regard enragé, le regard rempli de regret ou le regard du type qui se demande ce que devient son coiffeur. Ouais, il assure un max Nick Cage et il fallait bien ça pour affronter des méchants mafieux locaux, dont certains ont les cheveux plus longs que lui (c'est dire s'ils sont méchants). Ce qui permet en tout cas au film de ne pas seulement être drôle lorsque la bête entre en scène d'une façon faussement shakespearienne, mais aussi d'être hilarant dans des scènes d'action qui n'ont rien à envier à la dynamique légendaire de Jean Girault. Y'en a pour tous les goûts, ça canarde pas mal, Bing Boum Pang (forcément), Cage attaque sous l'eau comme un crocodile, mais il y a aussi une poursuite avec ses pirogues aux moteurs tranchants et sa mobylette qui fonce à 12 kilomètres heure. Typiquement le genre de truc que Michael Dudikoff aurait adoré... s'il ne l'a pas déjà fait.
Donc oui, en théorie, Bangkok Dangerous est suffisamment poilant pour faire encore parler de lui dans quelques années, lors d'une conversation un peu éméchée entre cinéphiles compatissants sur la carrière en dents de peigne de Nicolas Cage. Mais dans les faits, c'est tout de même sacrément mauvais, passablement ringard et suffisamment naïf pour prôner sérieusement la rédemption criminelle à travers la trompe d'un éléphanteau. Ca veut dire quoi ça ? Allez voir le film, on ne va quand même pas vous spolier tous les gags...