Évanouis (2025) : un cauchemar entre Prisoners et Barbare - critique
Le 06/08/2025 à 09:02Par Pierre Champleboux
Avec Évanouis, Zach Cregger confirme que Barbarian (Barbare) était loin d’être un simple coup de bol : il maîtrise désormais parfaitement l’horreur qui palpite et fascine.
Il nous plonge dans un cauchemar collectif, tissé sur un montage choral kaléidoscopique façon Magnolia ou Pulp Fiction, parsemé d’humour noir et traversé d’une tension constante : le résultat est diablement efficace.
C’est du cinéma d’horreur avec des tripes et de l’esprit, et l’un des films de genre les plus marquants de 2025. Pour les cinéphiles fans d’épouvante à la recherche de sang neuf qui se seraient (déjà) lassés des productions A24, Évanouis constitue une proposition solide et un film à ne surtout pas louper.
Après Barbare, Zach Cregger persiste et filme
Barbarian (Barbare) commençait comme un thriller assez classique, avant de nous balancer en pleine tronche une avalanche de twists complètement fous, avec un humour noir bien dosé et des passages bien crades.
C’était une réussite, ça sortait du lot et c’était une belle surprise… mais c’était perfectible. Avec Évanouis, Zach Cregger a clairement affiné son style.
Cette fois-ci, ce n’est plus simplement un petit film d’horreur rusé qu’il nous livre : c’est carrément un blockbuster flippant de bout en bout, avec toujours pas mal d’humour, mais surtout un suspense et un stress constant.
Zach Cregger passe à la vitesse supérieure
Le film démarre fort. Dans la petite ville de Maybrook à 2h17 du matin, 27 enfants d’une même classe se réveillent au beau milieu de la nuit, quittent leur maison… et disparaissent. Sans raison. Sans explication.
Zach Cregger ne perd pas de temps à faire les présentations : il vous plonge immédiatement dans ce mystère, raconté par la voix d’un enfant.
Visuellement, la première séquence est une vraie claque : on y voit les enfants traverser les rues, les bras tendus comme des petits avions déglingués. Une image en apparence anodine qui devient instantanément glaçante et iconique.
On fait d’ailleurs le pari que le fait de se filmer en courant exactement comme ça risque de devenir viral sur les réseaux sociaux, comme l’a été à son époque la sequence de course de Get Out.
Le reste du film se construit autour de cette énigme, dans la petite ville de Maybrook, comme si le trauma pouvait contaminer chaque foyer et chaque conscience. On plonge dans un cauchemar qui dérape lentement, jusqu’à nous happer entièrement.
Six perspectives pour un cauchemar
Zach Cregger organise son film en six chapitres. Six points de vue complémentaires qui s’imbriquent. On passe du regard de la prof Justine (Julia Garner), au père dévasté Archer (Josh Brolin), en passant par un flic local (Alden Ehrenreich) ou un dealer/délinquant marginal (Austin Abrams).
Chaque segment prend le temps de nous montrer à quel point cette disparition collective a bouleversé la vie des gens impliqués, et Cregger s’applique vraiment à nous montrer les failles de sa ribabmbelle de personnages.
Le film ne privilégie jamais un point de vue plus qu’un autre. Chaque personnage a sa propre importance, et à chaque chapitre, on découvre de nouvelles informations qui nous obligent à gamberger sur la façon dont on percevait l’histoire jusque là.
Une idée brillante (empruntée à Tarantino et Paul Thomas Anderson) qui, en plus de donner de la profondeur aux personnages, fait monter la tension crescendo.
La recette est simple mais efficace : le chef Cregger fait monter la sauce jusqu’à ce que ça explose… et puis il repart à zéro avec un autre personnage.
Le stress, en revanche, ne redescend jamais vraiment. Zack Cregger garde la tension bien au chaud pour mieux nous l’envoyer dans les dents le moment venu, jusqu’à un final complètement dingue, où tout ce qu’il a mis en place s’imbrique à la perfection… pour nous balancer une fin complètement dingo.
Un cocktail d’horreur et de stress qui fait autant penser au Prisoners de Villeneuve qu’on aurait passé au shaker Magnolia… avant d’y saupoudrer de bonnes grosses gouttes de gore et d’humour venues de Barbarian.
Des performances alignées sur un tempo impeccable
Côté casting, c’est également du solide. Julia Garner et Josh Brolin tiennent la tête d’affiche, entourés de Benedict Wong, qui joue le principal du collège, et d’Alden Ehrenreich, qui incarne Paul, le flic du coin.
Mention spéciale à James, un personnage de junkie paumé joué par Austin Abrams. Un type à côté de ses pompes, défoncé au crack et nerveux comme pas possible, qui traverse les moments les plus importants du film avec un timing comique impeccable. Un personnage détestable mais attachant, qu’on croirait tout droit sorti d’une péloche des frères Coen.
De la beauté dans l’horreur
Visuellement, le film est porté par le travail remarquable du chef-opérateur Larkin Seiple, qui officiait déjà sur Everything Everywhere All At Once. Sa maîtrise des ombres, des lignes de fuite, et sa capacité à transformer le moindre coin sombre en un trou noir qui pourrait planquer n’importe quelle démon de l’enfer font mouche.
Un talent particulièrement palpable lors de deux séquences de rêve bien flippantes, où Cregger et Seiple s’amusent à créer une ambiance onirique dérangeante qui rappelle les petits décalages sensoriels de nos vrais cauchemars.
Et que dire du gore ! S’il n’est pas aussi présent que dans Barbarian, il y est beaucoup plus viscéral. On souffre : on voit des objets contondants qui se plantent là où on ne voudrait surtout pas les sentir, des coups de boule qui explosent des boites crâniennes, des patates de forains qui explosent des mâchoires… Évanouis frappe fort, et ne nous épargne pas !
ne preuve supplémentaire du fait que tous les talents réunis autour de Zach Cregger sont au diapason de son funambulisme tonal, dont l’équilibre fragile est maintenu du début à la fin.
Évanouis, est un film de genre totalement abouti, et Zack Cregger un réal qui n’a plus rien à prouver. Il nous tarde de découvrir son Resident Evil.