Fatal
Le 15/06/2010 à 11:25Par Arnaud Mangin
Contre toute attente, Michael Youn s'impose meilleur cinéaste que trublion télévisuel et propose avec son Fatal Bazooka une comédie fraîche et généreusement débile comme seuls les américains savent le faire. Proposant un univers cynique et sans concession plutôt efficace, celui que l'on a souvent aimé détester nous propose une surprise franchement pas désagréable, sorte de pendant français du cinéma de Ben Stiller ou des frères Farelly. Pas totalement parfait, parfois trop lourd, Fatal demeure pourtant la seconde chance que l'on peut accorder à un garçon qui avait finalement gardé quelques atouts...
Découvrez ci-dessous la critique de Fatal
Fatal est un film fondamentalement important pour les dégorgements médiatiques de tous poils. C'est l'un des thèmes de son intrigue propre, certes, mais il ressort du film de Michael Youn quelque chose qui semble aller au-delà de la pellicule. Dans les faits, le garçon est un peu la bête noire du paysage audiovisuel national, ayant entretenu sa propre image d'une manière tellement puérile qu'il en a suscité un mépris rare. De la haine, même. C'est pour cette raison que se lancer à la découverte de son premier long métrage en tant que réalisateur suscite les plus grosses craintes, nourries par des aprioris de la taille d'une montgolfière. Et pourtant, dès ses premières minutes, Fatal provoque quelques chose d'inattendu en cela que le plaisir de spectateur s'installe de la façon la plus sincère qui soit. Comme si le sale gosse totalement irréfléchi avait découvert comment apprivoiser son talent (y aller à fond dans le n'importe quoi), ludiquement, pour le mettre à profit d'une envie réellement cinématographique. Chose jusque là totalement inexistante dans sa filmographie. La seule explication possible, c'est qu'en passant derrière la caméra, Michael Youn peut enfin être lui-même là où son cachetonnage habituel (La Beuze, Iznogoud, Coursier et consort) n'était dû qu'à un travestissement de ses références par des réalisateurs/producteurs qui n'ont vu en lui qu'un pétomane pompe à fric. Même sa scène de nu en dit long sur sa potentielle autocritique.
C'est sans doute aussi étrange à lire qu'à écrire, mais oui, Fatal est un film drôle qui fonctionne plutôt efficacement sur la durée et qui s'inscrit dans un registre de la comédie américaine moderne là où ses collègues s'étaient fourvoyés dans des reproductions de sketchs TV sur grand écran. On est franchement loin d'un Seuls Two, Cyprien ou Coco, calibrés par (et pour) du télévisuel condescendant, relevant plus du caprice filmique friqué qu'autre chose. Et puisque l'on est dans les compliments, on pourra également féliciter le trublion de tirer le statut de la comédie française le haut, en flirtant sans honte vers le cinéma des frères Farelly ou celui de Ben Stiller, c'est à dire faire du débile bien poussif mais dans le bon sens du terme. A ce titre, il est difficile de ne pas penser à Zoolander et surtout Tonnerre sous les tropiques, ce dernier étant aux manœuvres hollywoodiennes ce que Fatal est à l'industrie musicale, souvent horripilante. Et si, à force de tirer à boulet rouge sur tout le monde (chanteurs, marketeux, télévision, consommateurs, maisons de disque, etc), il le fait de façon parfois très facile, Michael Youn reste suffisamment généreux dans son cassage en règle pour amuser la galerie de manière grandiloquente. L'art de faire le con en toute pertinence.... Nous n'en attendions pas tant.
Mais si Fatal fonctionne c'est parce que, là encore à l'inverse d'un Coco, Youn est également le héros central de son propre film mais n'en n'abuse pas pour s'étaler de tout son long. Loin de n'être là qu'en showman - même s'il en fait forcément des caisses, vous êtes prévenus - il propose surtout un univers à part entière, plutôt riche, qui fini presque par l'écraser. Son personnage existe, mais tous les autres aussi - en particulier Stéphane Rousseau. Une collégiale distribution de cartes d'un jeu de sept familles qui a le mérite d'y aller à fond les ballons dans le détournement de clichés, des communautés artistiques plus tordues les unes que les autres (les présentateurs et présentatrices TV sont particulièrement gratinées) et des pastiches culturels et populaires parfois bien trouvées. L'art de prendre ce qui fonctionne chez nos voisins américains pour les adapter à notre sauce. Le vice étant même poussé à un extrême improbable : Catherine Allégret qui cite Eric Cartman au bon souvenir d'un épisode de South Park plutôt scato... Là encore, on peut penser ce qu'on veut de Michael Youn, mais on n'aurait jamais eu droit à ce genre de chose sans lui.
Evidemment, on ne crie pas au chef d'œuvre ni à la comédie révolutionnaire attendue depuis longtemps - Les Beaux Gosses et Lascars le distancent largement - parce que les défauts sont bien là : certains gags tombent à plat à force de lourdeur, ça surjoue pas mal, et la dernière partie perd clairement en punch. Rien de plus normal pour un premier film, mais Fatal a le mérite d'être un rare contre-exemple qui avait tout pour être aligné par des snipers pour simple délit de sale gueule et qui fait pourtant l'effort d'assurer le minimum syndical de façon originale. On ne peut pas appeler ça une mauvaise surprise.
Article publié le 6 mai 2010