Kandisha : critique du nouveau cauchemar des réalisateurs de The Deep House
Le 27/07/2021 à 22:56Par Pierre Champleboux
En s’attaquant à la terrifiante légende d’Aïsha Kandisha, Alexandre Bustillo et Julien Maury s’offrent en fait leur version revue et corrigée de Candyman. Une approche intéressante qui permet aux réalisateurs de s’approprier ce mythe pour mieux le transposer dans un contexte plus moderne et urbain. Si le film, pensé comme un slasher, fait souvent penser aux productions des années 2000 (notamment Urban Legend 3 : Bloody Mary, sorti en 2005 et signé Mary Lambert, à qui on doit la première adaptation du Simetierre de Stephen King), on ne boude pas son plaisir. Certes, Aïsha Kandisha n’est pas toujours aussi terrifiante qu’on l’espérait, on aurait aimé que la cité dans laquelle se déroule l’action soit plus “habitée”, les personnages plus développés, et le film semble souffrir d’un manque de budget sans lequel on imagine qu’il aurait pu être bien plus spectaculaire… Mais le fait est qu’en l’état, Kandisha version 2021 remplit parfaitement son job de petite péloche horrifique à visionner en VOD : on passe un bon moment de flippe et on ressent toujours l’amour des réalisateurs pour le genre. Toutefois, on est loin de l’efficacité d’un Conjuring, et ceux qui espéraient en apprendre plus sur Kandisha risquent de rester sur leur faim.
Aïsha Kandisha, c’est l’une des légendes urbaines les plus racontées et les plus terrifiantes du maghreb. La légende de Kandisha est l'une des plus populaires au Maroc, celle d’une séduisante jeune femme qui attirait les soldats portugais avant de les assassiner, alors que la guerre entre le Maroc et le Portugal faisait rage. On raconte que depuis sa mort, son fantôme se manifeste à la nuit tombée, bien souvent près des lacs, des cours d’eau ou en bord de mers, lieux où Aïsha séduirait de jeunes hommes en âge d'être mariés.
Avec le temps, la légende, essentiellement transmise de manière orale, a évolué pour devenir une légende urbaine. Comme Candyman ou Bloody Mary, Aïsha Kandisha se manifesterait après avoir été invoquée face à un miroir. Du pain béni pour les réalisateurs de The Deep House, anciens journalistes chez nos confrères de Mad Movies, qui ont été biberonnés aux slashers et films de croquemitaines des années 80 et 90.
C’est donc tout naturellement qu’ils ont décidé de faire de leur transposition cinématographique du mythe de Kandisha, tourné une décennie après le film éponyme de Jérôme Cohen-Olivar avec Amira Casar, Saïd Taghmaoui et David Carradine, une variation urbaine du mythe.
En situant leur intrigue dans une cité de banlieue, les deux hommes donnent un coup de fraîcheur à la légende datant du XVIème siècle. Ils opposent à Aïsha Kandisha une bande de filles qui n’ont pas froid aux yeux et n’hésitent pas à investir de vieux bâtiments abandonnés pour y faire des graffitis.
Seulement voilà : lorsque l’une d’elle invoque Aïsha pour se venger d’un garçon qui a tenté d’abuser d’elle, la situation va bientôt se retourner contre elle.
Un contexte urbain qui est une excellente idée, mais qui manque un peu d’authenticité. Là où Kim Chapiron, Ladj Ly ou Romain Gavras parviennent instantanément à saisir toute l’essence des quartiers pour y planter leurs histoires, on sent que Bustillo et Maury sont moins à l’aise.
Si Mathilde La Musse (aperçue aux côtés de Gringe dans Comment c’est loin) est parfaite dans le rôle principal, tout n’est pas au diapson, mais on saluera également la performance du jeune Bakary Diombera, impeccable dans un rôle de sidekick malheureusement trop peu présent à l’écran.
L’histoire est assez classique et ne risque guère de surprendre les aficionados de films d’horreur, mais le rythme est soutenu et l’ennui n’a jamais le temps de s’installer. La réalisation, bien que manifestement frappée par un manque de moyens, est à l’image de ce que l’on est en droit d’attendre d’un film sorti directement en vidéo : simple, mais convenable.
Pour ce qui est du personnage d’Aïsha Kandisha, le résultat est assez inégal. Lors de ses premières apparitions, la femme fantôme n’est jamais vraiment terrifiante. Ses traits sont trop visibles, sa beauté trop contemporaine, et ses manifestations un peu trop calquées sur le principe du “jump scare”.
Fort heureusement, c’est dans le dernier tiers du nouveau long-métrage des réalisateurs de “Aux Yeux des Vivants” que la croquemitaine revêt enfin l’apparence d’une créature démoniaque qui fait froid dans le dos. Là, on retrouve enfin le djinn qu’on espérait, et les derniers meurtres commis par Kandisha font enfin mal.
Disponible depuis le 29 juillet 2021 en VOD