La journée de la jupe
Le 13/02/2009 à 08:33Par Michèle Bori
Ne vous fiez pas au titre, ne vous fiez pas à la bande-annonce, ne vous fiez pas à l'affiche, ne vous braquez sur un casting très théâtreux et laissez donc une chance à ce petit film imparfait mais plein de bonnes intentions qu'est La Journée de la jupe, série B efficace qui arrive à allier discours social et intrigue haletante au sein d'un véritable scénario de film de divertissement. Et puis, un film dans lequel Isabelle Adjani dit "J'ai vu Le Négociateur, c'est un putain de bon film" est forcément une curiosité à découvrir.
Qu'on ne s'y trompe pas : derrière ce titre pas forcément emballant et cette affiche de pièce de théâtre expérimentale se trouve une des jolies surprises françaises de ce début d'année 2009. Quatrième film de Jean-Paul Lilienfeld (à qui l'on doit entre autres la comédie culte des années 90 Quatre garçons pleins d'avenir), La journée de la jupe raconte l'histoire tragi-comique d'une professeure de français prenant sa classe en otage après avoir récupéré un peu par hasard une arme à feu appartenant à l'un de ses élèves. Un événement qui va vite se retrouver médiatisé, entrainant un ramdam socialo-politico-policier autour de la ZEP où se déroule le drame. Un point de départ plutôt audacieux pour un film qui a l'immense mérite de réussir à jouer pleinement sa chance sur deux tableaux bien distincts. D'un côté la peinture sociale et de l'autre, quelque chose à quoi nous ne nous attendions pas, la pure série B comme on l'aime, celle qui arrive à divertir tout en restant intelligente.
Lilienfeld a compris qu'il était possible de distinguer "histoire" et "sujet" au sein d'un scénario et parvient, chose rare en France, à faire du cinéma conscient tout en l'enrobant dans un récit qui pourrait être qualifié d'entertainement. Comme quoi, les deux ne sont pas incompatibles, et sous ses allures de bobine auteurisante à message bien pensant - qui pourrait vite être pris pour un Entre les murs de plus - La Journée de la jupe n'est ni plus ni moins qu'un vrai film de prise d'otage, respectant tous les codes du genre en y saupoudrant ça et là quelques réflexions bien malignes sur l'intégration, la sexualité adolescente ou encore le rôle de l'éducation dans les quartiers défavorisés. Tout n'y est pas toujours abordé de manière totalement fine, mais il n'empêche qu'en une heure et demie de film, Lilienfeld arrive à dresser un tableau plutôt juste et assez pessimiste de la situation actuelle, sans jamais ennuyer le spectateur.
Au cœur de cet habile scénario, la revenante Isabelle Adjani signe un retour plus que réussi, puisque c'est son premier rôle en 5 ans. Dans son opposition tendue avec ses jeunes élèves, elle arrive à la fois à rendre touchante et crédible cette femme fragile "au bord de la crise de nerf" et à porter une bonne partie du film sur ses épaules. Malgré quelques excès de jeu cabots, la comédienne se rappelle à notre bon souvenir dans ce film où elle semble avoir trouvé un rôle en adéquation avec ses convictions et ses engagements politiques (on l'a souvent vu monter au créneau contre le racisme ou encore contre les signes ostentatoires de religion dans les établissements laïques). A ses côtés, les personnages secondaires de l'histoire sont tous très convaincants, que ce soit les élèves (tous de jeunes comédiens inconnus, mention spéciale à Sonia Amori) ou les adultes, en particulier le très bon Denis Podalydès, qui incarne un négociateur du RAID.
Adjani, Podalydès, mais aussi Jacky Berroyer, Yann Collette et Stéphan Guerin-Tillié dans une série B pleine de tension mise en boite par le réalisateur de Quatre garçons pleins d'avenir, franchement, qui l'eu cru ? On regrettera cependant que ce dernier n'ait pas accordé un peu plus de soin à sa mise en image, qui, étant donné la nature du sujet, aurait pu se permettre un peu plus de maniérisme. Manque de temps ou de budget peut-être, toujours est-il que nous n'aurions pas rechigné à l'idée d'une dimension visuelle plus musclée. Malgré cela, La journée de la jupe a définitivement sa place dans ce que l'on peut appeler le "cinéma de genre français", qui, quoi qu'on en dise, ne se limite pas seulement à des films d'action crétins d'EuropaCorp ou des métrages d'horreur fauchés tournés en forêt ou dans des maisons vides.