Le Vilain

Tout cinéphile normalement constitué ne pouvait qu'attendre la dernière bobine de l'ami Albert, dont la filmographie s'est montrée d'une pertinence épatante dans ce que le cinéma français devait imposer en terme de ''proposition'' au cœur d'une industrie patraque. Le bonhomme est effectivement l'un des rares à savoir manier le fouet chez nous. Forcément, se rendre compte que Le Vilain n'est pas aussi jouissif qu'on l'aurait espéré nous met face à une vraie contrariété, mais, même dans ses élans de génie, le quatrième film de Dupontel n'arrive pas à égaler les trois précédents. Une cruelle vérité à accepter pour se plonger malgré tout dans cette nouvelle aventure joliment improbable, une fable comme le cinéaste les transcende systématiquement. Un fond bien caché sous une couche formelle autrement plus aseptisée qu'à l'accoutumée. En fait, si Le Vilain n'est pas une œuvre malade, elle semble trahir quelques symptômes un peu fâcheux ayant totalement contaminé le voisin de palier Micmacs à tire-larigot. Si le film de Jeunet est un bel écrin absolument vide là ou ce Vilain a de très belles choses à raconter, les deux films souffrent en tout cas de la popularisation quasi-industrielle d'auteurs hors-normes finissant par proposer des produits s'adressant à un public croyant les connaitre. Le frein serré, assagi, Le Vilain est un film avec Catherine Frot s'adressant concrètement au public de cette dernière avec tout ce que ça peut avoir de mainstream et dans lequel l'univers Dupontel s'impose avec quelques difficultés. En étant méchant, certains passages - premier degré à mort - ressemblent même à du Etienne Chatillez.

Autant s'y faire, même si on y décèlera quelques pincées de chaque, on ne retrouvera jamais franchement la furie d'un Bernie, la décadence du Créateur et seulement un sympa mais bref rappel Keatonnien à Enfermés Dehors. Néanmoins, ce que Le Vilain perd en jubilation réelle, il le conserve en sous-couche dans cette poésie naïve demeurant le vrai fil rouge de la filmographie du réalisateur. Dupontel aime ses personnages plus que tout et c'est assurément dans ce film qu'il leur fait sa plus belle déclaration, au cœur d'une intrigue simili-fantastique où Dieu refuse de rappeler à lui une vieille dame exemplaire, parce qu'elle a mis au monde la dernière des crapules, un voyou se refusant à bien se comporter pour justement conserver sa maman le plus longtemps possible. C'est bête, ça pourrait être niais, mais c'est assurément là que le film fonctionne le mieux en proposant un petit substitut d'évasion à ce que le reste du film ne nous offre pas réellement.

Evidemment, rien ne prêterait à bouder, surtout que sortent comme des diables d'un chapeau moult séquences ouvertement très fun ça et là (dont une scène hilarante de manipulation téléphonique) ainsi qu'un nouvel univers communautariste riche en couleur où des retraités remplacent les SDF et troupes théâtrales de ses précédentes œuvres. Mais Le Vilain, dans ce qu'il peut véhiculer de sympathique, se retiendra sans doute comme le Dupontel le plus mineur. Et ça, c'est un peu une sale histoire.