Max And Co

Les vrais films d'animation made in France - ou plutôt francophones puisqu'il s'agit en fait d'une production Suisse - demeurent suffisamment rares pour ne pas porter un œil curieux dessus. Sur ce qui restera encore un genre propre et surtout atypique dans notre paysage un peu trop calmos du cinéma de papa. Ne parlons bien évidemment pas des quelques essais 3D (du genre Le Vilain Petit Canard) aussi vains techniquement que thématiquement face à la toute puissante concurrence américaine. Non, le dernier exemple en date réellement bluffant reste encore Les Triplettes de Belleville qui ne cherchait justement pas à cibler les cimes infranchissables du cartoon survitaminé et qui assumait surtout plus que jamais le patrimoine dont il est issu. Ca sentait bon la France, presque sans le vouloir, et c'est bien parce qu'il n'en faisait pas des tonnes que Les Triplettes fonctionnait.

Max and Co essaye de jouer dans la même cour. Essaye seulement puisque si la fraîcheur francophone - dans ses décors comme dans ses thèmes très étonnants de part leur maturité et leur affiliation à l'actualité - s'impose à chaque seconde, il ne s'autorise pas le sursaut d'énergie et de folie qu'on en attendait.

Max and Co se veut donc européen et œuvre d'auteur jusqu'au bout des ongles pour s'atteler à des thèmes sociaux bien de chez nous en les abordant de front. Sans allégorie quelconque, il est ici question de licenciement massif, de la suprématie des actionnaires et du manque d'humanité dans une période où l'homme est au service d'une entreprise et non l'inverse. Rien de tel pour foutre le cafard à tout le village qui vivait essentiellement des activités de cette usine de tapettes à mouches. Les solutions les plus louables n'étant pas les meilleures, le nouveau PDG héritier irresponsable profitant gaiement de son nouveau statut (Patrick Bouchitey), juge bon de reproduire à outrance l'insupportable insecte pour accroître sa production. Le paradoxe du marché : plus de mouches = plus de tapettes = moins de mouches... Les choses pourraient se comprendre si l'expérience ne dégénérait pas... Le jeune Max (Lorant Deutsch), musicien d'ascenseur auxiliaire remplaçant les sosies épuisés des Rolling Stones, va alors tenter de sauver la mise.

Un postulat de départ aguichant, qui pourrait même flirter avec les intentions premières d'un certain Monstres et Cie (les similitudes de titres sont troublantes) si ses réalisateurs prenaient le parti du cartoon assumé. En effet, le film brille par une maîtrise technique d'une fluidité étonnante et un design épatant qui font littéralement oublier la conception de ce type d'animation laborieuse. Plus proche d'un Moi Renard que d'un Wallace et Gromit dans la volonté d'humaniser ces animaux dont les traits remplacent l'expression (le renardeau est plus malin que la grenouille surexcitée), Max and Co ne va malheureusement pas plus loin. On pourra certes y déceler quelques tentatives légères (le vieux Rolling Stones Band cité plus haut, un savant fou tout droit sorti de L'Etrange Noël de Mr Jack ou les tapettes géantes repoussant les membres du syndicat), mais on a ici oublié d'exploiter le format dans les nombreuses possibilités qu'il autorise. Ne nous méprenons pas, le film est un ravissement pour les yeux nous encourageant à soutenir ce type cinéma dans nos plus proches frontières. Mais c'est aussi une œuvre souffrant d'un rythme trop mollasson pour garder la cadence sur la durée.