Nope est-il meilleur que Get Out et Us ? Critique du nouveau Jordan Peele
Le 09/08/2022 à 17:37Par Pierre Champleboux
Avec son troisième long-métrage, Jordan Peele prend son envol et confirme que la réussite de ses deux précédents films n’était pas due à un heureux hasard ou à une hype passagère. Plus maîtrisé que Get Out et Us, Nope s’impose instantanément comme le meilleur film de son réalisateur à ce jour.
Comme un habile mélange entre le Signes de M. Night Shyamalan et le Rencontre du troisième type de Spielberg, Nope a l’allure et la saveur des meilleures productions Amblin des 80's, sans jamais tenter de les singer ou d’en reprendre les codes. Ici, on ne fait pas du neuf avec du vieux : on tente, on expérimente, et le résultat donne une bande fantastique estivale à la fois flippante et fun qui devrait marquer durablement les esprits grâce à ses indéniables qualités. Une mise en scène rusée, quelques plans inoubliables, une écriture extrêmement soignée, et le talent d’une bande de comédiens attachants...
On n’en doute pas une seconde : Nope est appelé à devenir un film culte. Une belle réussite qui laisse à penser qu’en continuant de la sorte, Peele pourrait bien signer un chef d’œuvre dans les prochaines années.
Les bandes-annonces de Nope ont intrigué celles et ceux qui les ont vus. S’agissait-il d’un western, d’une satire, d’un film d’horreur, ou bien d’un film de science-fiction ? Jordan Peele allait-il renouer avec le succès de Get Out et Us ? Après avoir vu le film, la réponse à toutes ces questions est claire : oui, oui, oui, oui et oui !
Jordan Peele, certainement conscient de ce que le public attendait de lui, a décidé de surprendre. Dans Nope, pas de twist surprenant, peu de sous-texte engagé : son nouveau film est une aventure humaine, un film estival destiné à toutes et tous qui fait la part belle au spectacle, aux sensations et ponctue son récit de petits détails qu’il laisse le soin à son public d’interpréter.
En regardant Nope, on ne peut s’empêcher de discerner pléthore de références. Il y a du Spielberg (on pense beaucoup à E.T. et aux Dents de la Mer), du Shyamalan (le comparatif avec son Signes est inévitable), une pincée de Ridley Scott et même un soupçon d’Hitchcock, le tout astucieusement brassé dans un long-métrage qui crie son amour pour le cinéma populaire et les « grands » films, sans oublier de laisser l’occasion à tous ses comédiens de briller.
Daniel Kaluuya joue OJ, un personnage qui évoque clairement les personnages des cow-boys à la fois bourrus et taiseux de l’âge d’or des vieux westerns hollywoodiens. Le genre de type qui garde ses emotions en dedans et qui ne dévoile que très rarement ses sentiments. Un contraste total avec Keke Palmer, qui interprète la sœur d’OJ, Emerald une grande gueule montée sur ressorts qui a à cœur de défendre un héritage familial en perdition.
Car OJ et Emerald sont les enfants d’un dresseur de chevaux spécialisé dans les tournages de films, où ses animaux sont mis à profit. Et ce paternel est mort dans des circonstances troublantes, laissant ses enfants quelque peu dépourvus quant à la gestion de l’entreprise familiale. Mais bientôt, leurs soucis seront tout autres…
Il se passe des choses étranges dans le ranch. Le courant se coupe régulièrement, il y a un nuage bizarre dans le ciel, des tempêtes étranges qui font pleuvoir des détritus, et les chevaux ne semblent plus tranquilles.
Au fur et à mesure que l’histoire de Nope se déroule, l'intrigue a toujours une longueur d'avance sur le spectateur, et si les fils qui tissent son scénario peuvent parfois sembler s’emmêler, il n’en est rien. Une fois sorti de la salle, on continue à cogiter et à remettre les pièces du puzzle en place pour bien saisir tout ce que Jordan Peele essaie de nous dire.
Pour autant, Nope demeure un film qui privilégie le spectacle et l’ambiance aux messages. Visuellement, c’est de loin le film le plus abouti de Peele, qui semble s’amuser comme un petit fou à tour à tour surprendre, faire rire ou terrifier ses spectateurs.
À une époque où les suites, prédelles, spin-offs et reboots sont omniprésents sur nos écrans, Peele nous offre avec Nope quelque-chose d’à la fois familier et rafraîchissant, tout en affichant fièrement son identité singulière. De film en film, le talent du réalisateur s’affine et s’affirme, et Nope s’impose immédiatement comme un classique instantané, nous laissant à penser que d’ici quelques années, Jordan Peelenous pondra un chef d'œuvre.