US : le cauchemar éveillé de Jordan Peele le réalisateur de Get Out - critique
Le 26/03/2022 à 14:07Par Veronica Sawyer
Notre avis
(critique publiée pour la sortie cinéma le 20 mars 2019).
Après s’être bâti une carrière de comique aux Etats-Unis, Jordan Peele a choisi de plonger dans le cinéma de genre avec Get Out, son premier essai cinématographique. La réussite est telle que le réalisateur est récompensé de l'Oscar du meilleur scénario original.
Mais Jordan Peele a regretté que Get Out soit essentiellement perçu comme une oeuvre engagée et sociétale et non pas comme un film d’horreur. Pour US, il rectifie le tire et vise à reproduire à l’écran un cauchemar à l’état pur.
Vous entrez dans la Quatrième Dimension
Imaginez-vous être traqué par votre double maléfique. C’est le pitch de départ de US. Jordan Peele cherche à déranger. Ceci dès le premier trailer génial du film au son de "I Got 5 On It" de Luniz.
US s’approche comme un épisode de la Quatrième Dimension, série que le réalisateur adule tellement qu’il en produit un remake pour la télévision (qu’il va lui-même présenter à la manière d’un Alfred Hitchcock presents). Le film est d’ailleurs inspiré d’un vieil épisode de la série, Mirror Image, dans lequel une femme qui attend le bus est subitement confrontée à son double.
Le début de US est balisé. Presque trop. Peele joue avec les codes du film de genre. Les Wilson, une famille afro américaine à priori ordinaire, se rendent dans leur maison de vacances. Mais très vite, à la manière d’une histoire de Stephen King, on sent que tout va déraper. Déjà avec la peur de la mère (sublime Lupita Nyong’o) de se rendre sur la plage où elle a vécu une expérience traumatique enfant puis avec cette fête foraine qui n’est pas sans évoquer celle de CA ou de Dead Zone. Sans oublier quelques plans en hommage aux Oiseaux de Hitchcock et aux Dents de la Mer.
Mais tout dégénère quand cette famille afro-américaine voit débarquer chez elle de terrifiants doppelgängers, soit des doubles identiques de ses membres en combinaison rouge et sandales (il y a beaucoup de plans de sandales dans ce film). Muets, ils sont armés de gigantesques ciseaux. Les doppelgangers doivent autant à Michael Myers, Freddy Krueger, Jason que Leatherface et les créatures désarticulées de The Descent..
Un Home Invasion brutal et angoissant
Si Jordan Peele a demandé à ses acteurs de regarder Funny Games ou Martyrs afin de mieux comprendre ce qu'il attendait d'eux, on reste cependant très loin de leur sauvagerie sans limite. Il y a des moments de respiration dans US et Peele ne peut s’empêcher de faire ressortir sa passion pour la comédie dans certaines de ses situations et dans ses dialogues.
Mais US est vénéneux. Si la violence est souvent hors champ, elle n’en demeure pas moins viscérale. Le réalisateur sait décupler l’immonde, le dégoût et l’impact d’une scène de violence sans tomber dans le torture porn. US exacerbe la part noire de chacun et joue avec les nerfs dans son jeu du chat et la souris tout en se présentant comme une digression inquiétante sur le thème de la dualité entre le bien et le mal qui cohabitent en chacun de nous.
Mais pourquoi tout ce blah blah ?
US est un électrochoc jouissif qui n’est cependant pas exempt de défauts. Notamment dans un twist prévisible à des kilomètres et dans une volonté de tout expliquer qui finalement anéantie l’angoisse liée au mystère. Le film aurait gagné en force à rester dans le flou et dans l’énigmatique.
Mais qu’importe, US lâche les chiens très vite et plonge rapidement dans l’horreur là où Get Out tissait son ambiance paranoïaque méticuleusement. Il serait dommage de bouder un tel plaisir. Un véritable cauchemar éveillé.