Pacific Rim : c'est la taille qui compte ! [Critique]
Le 16/07/2013 à 16:12Par Jonathan Butin
Notre avis
"Des robots géants qui affronteront des Kaijus, sortes de Godzillas sous amphètes, pour le salut de notre espèce." Peu nombreux sont les metteurs en scène qui auraient pris le risque de s'investir autant dans un projet de science fiction totalement original (à l'instar d'Oblivion, sorti plus tôt cette année), sans véritable tête d'affiche pour le porter (contrairement à Oblivion qui avait Tom Cruise) et à ce point enraciné dans la culture geek. Qui d'autre que le réalisateur mexicain multi-casquettes Guillermo del Toro, auteur insaisissable derrière des projets aussi variés que Mimic, Le Labyrinthe de Pan ou les adaptations cinématographiques de HellBoy, aurait pu mettre en œuvre un tel fantasme de petit garçon ?
Petit rappel de l'histoire...
Dans un futur proche, un portail interdimentionnel s'ouvre dans les profondeurs de l'océan Pacifique, libérant un gigantesque monstre fluorescent qui ravage San Francisco. Ce « Kaiju » (en référence aux films de monstres géants japonais des années 50-60) est terrassé à grand mal par l'armée américaine. Mais 6 mois plus tard, un nouveau spécimen apparaît, puis un suivant et encore un autre... Deux millénaires à scruter les étoiles pour découvrir que la menace vient en réalité des abysses, c'est ballot, mais face à son extinction imminente, l'Humanité décide de réagir et de s'unir autour de la conception de robots titanesques nommés « Jaegers » (terme allemand pour « chasseurs »), capables de rivaliser en terme de taille, de force et de résistance avec ces atrocités que rejette l'océan. Ces armes, à la démesure de la menace Kaiju, font des miracles et, dans un premier temps, la guerre semble gagnée lorsqu'en 2020 apparaît une nouvelle et plus meurtrière espèce de monstre. En cinq ans, le coûteux projet « Jaeger » tombe aux oubliettes et les humains appliquent le prochain précepte en matière de gestion d'une espèce étrangère : « si tu ne peux ni l'éradiquer ni la contrôler, fais la disparaître derrière un mur ». Mais comme tous les murs sont voués à tomber, a fortiori chez del Toro, il faut peu de temps avant que la poignée de pilotes de Jaegers encore en exercice incarne, une nouvelle fois, l'ultime espoir de notre espèce.Une pyrotechnie éblouissante
Ce pitch qui pourrait tout à fait sortir de l'imagination fertile d'un garçon de 10 ans n'est de toute évidence qu'un prétexte à délivrer ce pourquoi le spectateur de Pacific Rim a payé son billet : en prendre plein les mirettes dans des affrontements ridiculement fun entre des créatures monstrueuses et des robots de la taille de buildings (à peu près 20 terrains de foot d'après Guillermo del Toro). C'est mission accomplie !Éblouis, nous le sommes dès l'introduction avec un premier accrochage entre un Kaiju et le Jaeger de Raleigh Beckett (héros américain de type caucasien lambda interprété par Charlie Hunnam, connu pour son rôle dans Sons of Anarchy) et son frère Yancy (campé en coup de vent par Diego Klattenhoff de Homeland). Sous une pluie battante, au beau milieu de l'océan, les deux colosses se rendent coup pour coup dans un déluge de feu, de métal et d'écumes, l'aura fluorescente du monstre, luisante contre l'armure du Jaeger. La photographie, comme d'habitude de la part de Guillermo Navarro, est exemplaire. Les designs des machines et l'aspect « tuning » des Kaiju collent à merveille à l'ambiance nocturne de la baie de Hong Kong, où une grande partie de l'action est située, et à ses couleurs flashy.
La hargne et la puissance des belligérants sont palpables lors de chaque affrontement. Lorsque le poing d'un « Jaeger » rencontre la mâchoire d'un Kaiju, c'est toute la salle qui ressent l'onde de choc et c'est là l'une des grandes réussites de Pacific Rim. On a beau être devant l'un des pitchs les plus improbables depuis Godzilla contre Megalon, on y croit à 100 %, même lorsqu'un robot géant tranche un Kaiju-Pterodactyle d'un coup d'épée. Le montage des séquences de combat est extrêmement fluide. Chaque plan déborde de détails et le moindre mouvement d'un Kaiju ou d'un Jaeger met en branle une infinité de particules qui s'agitent à l'écran. Le résultat est juste superbe.
De belles idées avortées...
Même si l'amour de del Toro pour les univers et les monstres qu'il met en scène transparaît toujours autant à l'écran, force est de constater que cette fois-ci (et malgré son titre) la profondeur n'est pas de la partie. La faute en grande partie à des personnages sous-développés. On peine à s'intéresser à Beckett et sa romance un peu forcée avec Mako Mori (irrésistible Rinko Kikuchi, vue dans Babel en 2007).Le rôle du Marshall Stacker Pentecoste, chef de la résistance, nuit étonnement au charisme naturel d'Idris Elba qui ne brille pas vraiment. Seule la relation conflictuelle entre les docteurs Newton Geiszler (Charlie Day) et Hermann Gottlieb (Burn Gorman), deux spécialistes des Kaijus aux points de vue très divergents, parviennent à divertir dans l'attente de la prochaine échauffourée qui, heureusement, ne tarde jamais à venir. N'oublions pas non plus le savoureux Ron Perlman dans le rôle de l’exubérant contrebandier Hannibal Chau, qui, en quelques apparitions et chaussé de ses Santiags dorées, parvient à redéfinir le mot « style ». Mais hormis les interventions comiques de ces trois personnages secondaires voire tertiaires, le reste tient du « bla-bla » plus ou moins inspiré.
Quelques bonne idées semées ici et là comme la « Dérive », l'unique moyen de diriger les titans de métal que sont les Jaegers et qui consiste en une fusion parfois dangereuse des esprits (donc des souvenirs) des deux pilotes pour ne faire qu'un dans la tête géante du robot. Un concept brillant mais sous exploité qui aurait d'ailleurs pu servir un message plus universel si les binômes (ou trinômes) en question n'étaient pas constitués pour l'essentiel de personnages ayant un lien de parenté (ou une certaine attirance physique...). Explorer d'éventuelles accointances d'ordre plus psychique, moins biologique entre les membres d'un même équipage auraient été bienvenu, d'autant que l'un des thèmes affichés de Pacific Rim est la coopération entre deux personnes incompatibles lorsque les circonstances l’exigent.
A la fois hommage à tout un pan de la japanimation et film de monstres ultime bourré de références (d'ailleurs dédié à la mémoire du précurseur Ray Harryhausen, mort cette année, et Ishirô Honda, entre autres réalisateur de Godzilla), allant de Lovecraft au jeu vidéo Portal (Ellen MacLain, qui double GLaDOS dans Portal est également la voix des Jaegers), Pacific Rim n'en subit pas moins certaines pertes de vitesse lorsque les Kaijus ne sont pas à l'écran. Malgré certaines idées lumineuses qui auraient mérité de se voir accorder plus d'importance et des personnages qui manquent pour la plupart d'épaisseur, Pacific Rim assure là où on l'attendait et dépasse même la naïveté de son synopsis avec finesse et fracas !