Sept Vies
Le 08/01/2009 à 10:03Par Michèle Bori
Sept Vies, ou comment sacrifier un beau sujet en cherchant à tous prix à offrir une explosion d'émotions dans un final grandiloquent. Ce qui aurait pu être "beau et touchant" n'est finalement qu'"intéressant et pas trop mal fichu". Will Smith est très bon, Rosario Dawson chante du Charles Aznavour, Muccino fait des gros plans somptueux, mais l'accumulation de séquences pleurnichardes et de trop grosses ficelles scénaristiques font de Sept Vies un film inabouti, manquant de ce petit quelque chose qui aurait rendu l'ensemble profondément poignant.
Deux ans se sont écoulés depuis la sortie d'A la recherche du bonheur, comédie dramatique plutôt bien emballée qui avait séduit la critique et le public et qui marquait la première collaboration entre le metteur en scène italien Gabriele Muccino et Will Smith. Deux années durant lesquelles les deux compères n'auront pas chômé, puisqu'ils y ont trouvé le temps de tourner ensemble Sept Vies, tirée d'un scénario original du novice Grant Nieporte. Un film qui a longtemps laissé planer le mystère autour de son sujet (si quelqu'un dans la salle a compris la bande-annonce, qu'il parle maintenant ou se taise à jamais) mais qui laissait néanmoins présager d'un drame humain dans la directe lignée de leur précédent travail. Bingo ! De drame humain il est bien question ici, puisque Sept Vies nous raconte comment Ben Thomas, un homme "brisé par la vie" va décider de consacrer sa vie à changer celles de sept personnes qu'il ne connaît pas, ces personnes étant plus ou moins "dans le besoin". Dans sa quête, il tombera amoureux d'Emily Posa, une jeune femme qui va lui redonner le goût de vivre ... Avec ce résumé plus qu'évasif, difficile de cerner précisément de quoi parle le film. On pourrait bien sûr vous en dire plus. On pourrait oui, seulement voilà, cla reviendrait à révéler les 15 dernières minutes du film.
Et il est bien là, tout le problème du film de Muccino. Car si la bande-annonce et le synopsis du film intriguaient en suscitant les interrogations sur la personnalité du bon Ben, on pourrait en dire autant des deux premiers tiers du film ! Las, pendant presque 1h30, Sept Vies enchaîne les séquences dont nous ne comprendrons que très vaguement les enjeux. Qui est Ben ? Qu'est ce qu'il fait ? Qu'est ce qu'il a ? Qui c'est celui là ? Autant de questions que l'on pouvait se poser en entrant dans la salle, autant de questions sans réponses concrètes après 90 minutes de bobines. Et dans ce genre de cas, il n'existe que deux solutions possibles, (maladroites certes, mais qui cachent parfois la misère) : soit le scénario joue la carte du mystère à fond les ballons, avec un dernier acte totalement renversant qui viendra conclure en apothéose l'histoire en nous apportant toutes les réponses d'un seul coup ; soit le scénario nous égraine les indices, nous laisse supposer d'une fin, et nous balance un twist monumental qui remet tout le film en cause. Seul hic, Muccino opte pour la troisième solution : il nous donne quelques indices et une fois qu'on a tout compris, il nous dit de manière très lourde et très appuyée "vous aviez raison, même si normalement vous n'étiez pas censés". Et comme en deux heures de temps on a eu le temps de bien réfléchir à ce qu'il se passait à l'écran (on est tout de suite plus méticuleux dès lors qu'on ne comprend pas tout), la fin tombe dramatiquement à plat, puisque ce qui devait se poser comme un pic émotionnel intense n'est finalement que la confirmation de nos déductions.
En d'autres termes, on crame la fin à 10km. Et c'est d'autant plus dommageable qu'il y avait matière à faire de ce film un très beau drame poignant. Les acteurs (Will Smith en tête, présent dans quasiment tous les plans du film) sont tous très convaincants, que ce soit dans les scènes intenses où celles - plus rares mais tout aussi réussies - légères. On notera au passage l'excellence performance de Woody Harrelson, catapulté troisième rôle officiel du film alors qu'on ne le voit que 5 minutes en tout et pour tout à l'écran (les 5 meilleures minutes du film), dans un rôle d'un aveugle puceaux particulièrement bien écrit. Muccino, qui nous avait déjà prouvé son savoir faire dans A la recherche du bonheur, confirme son talent à capter les émotions sur les visages de ses comédiens (les allergiques du gros plan seront vite rebutés) et nous offre ici un magnifique travail (bien aidé par le chef opérateur frenchy Philippe Le Sourd), jouant à merveille sur la mise au point pour plonger ses personnages dans des zones aux contours brumeux. Un travail de réalisation fort minutieux, dont on aurait aimé qu'il déteigne un peu plus sur le scénario, pas vraiment digne du reste. Allez, on attend le prochain film du tandem Muccino/Smith, avec un peu de chance, celui-là saura pleinement nous convaincre.