Street Fighter : La Légende de Chun-Li
Le 04/03/2009 à 07:59Par Arnaud Mangin
Véritable calembour involontaire sur pellicule, Street Fighter : la Légende de Chun-Li est au célèbre jeu vidéo ce que Max Pecas avait repris à la littérature de Stephen King : un improbable machin nonsensique ne fournissant absolument aucun effort pour être apprécié, même pas son quota de nanardise, et qui nous renvoie à ce que les films d'action pouvaient livrer de plus naïfs il y a 20 ans. Pire encore : la condescendance envers le jeu dont il s'inspire (parce que ''ce n'est pas possible de faire un film avec des costumes et des personnages pareils'') achève totalement toute la crédibilité des responsables de cette entreprise, mise sur pied pour des raisons purement pécunières. Une régression absolue qui ne touchera ni les fans du jeu, ni les autres. Poubelle !
Regarder un film du bousard Andrzej Bartkowiak, un type dont il faut plus s'arracher les yeux pour supporter ses oeuvres que la langue pour bien prononcer son nom, c'est un peu comme replonger dans les mauvais actionners du début des années 90. Vous savez, ces films un peu cheaps où les mecs plongent en écartant les bras pour éviter une explosion alors qu'on voit parfaitement le fond bleu, où les méchants se sentent obligés de pendre le gentil par les pieds pour le tuer, où tous les hommes de mains sont campés par les trois mêmes figurants avec des cagoules, et dont la scène finale se déroule dans un entrepôt portuaire de nuit avec plein de gens qui se tirent dessus sans qu'on parvienne à les dissocier parce qu'ils sont tous habillés avec les mêmes fringues. Evidemment, il n'y avait strictement rien à attendre de ce film, mais le bonhomme ayant déjà bien fait rire la terre entière avec Roméo Doit Mourir accompli un exploit impensable avec cette pseudo relecture du mythe Street Fighter : réaliser un film encore plus épouvantable que celui de Steven E. De Souza, où Jean Claude Van Damme arborait un Guile blond vermillon en brosse pourtant bien ringard (et donc ''avec un capital sympathie''). Ici, il n'y a aucune sympathie à avoir à l'égard de ce truc passablement crétin dans ce qu'il raconte (enquête, vengeance, coup de pied, coup de nez) et dont on cherche encore le dénominateur commun avec le jeu Street Fighter, si ce n'est les noms de quelques protagonistes.
Histoire d'ancrer l'intrigue dans un univers pseudo réaliste, le réalisateur et ses producteurs ont jugé bon de coller le titre de la franchise sur une pellicule qui n'a au final plus grand-chose à voir avec les personnages avec lesquels nous avons pris l'habitude d'affronter nos amis. Imaginez un peu : Chun-Li n'est plus chinoise... déjà, avec un nom pareil, ça calme. Enfin dans l'histoire, on apprend quand même que sa môman était américaine (ahhhhh), mais Fox aurait un peu de mal à laisser reposer une entreprise entière sur le dos d'une nana avec des yeux bridés (comme pour DragonBall). Du coup, on a plutôt affaire à mademoiselle Michu(n li) qui décide soudainement de laisser son concerto de piano pour se rendre à Bangkok et casser la gueule à Bison, l'homme qui a détruit sa famille. Là encore, Bison change de look et arbore des traits ariens (normal, il est méchant), orné d'un bouc changeant de couleur d'une scène à l'autre, et roulant en Mercedes avec son pote Balrog tandis qu'ils se font caillasser par des autochtones à coup de pastèques. Et oui, personne ne l'aime Bison, il est méchant depuis sa naissance (flashback à l'appui !) et demeure à la tête d'un empire financier qui lui vaut d'avoir une tripotée d'ennemis à ses trousses. A commencer donc par Chun-Li qui fini par remettre la main dessus en tapant son nom sur Google (véridique !) et par des flics composant une intrigue secondaire dont on n'a absolument rien à secouer et qui mettent tout le film à aller arrêter le gus alors qu'ils ont pourtant leurs locaux juste en face de sa grande et diabolique tour. Voilà pour le scénario !
"Sus à la caillera, Chun-li est là !"
"Street Fighter" rime avec baston. On ne comprend donc toujours pas pourquoi ce mauvais téléfilm s'enorgueillit d'un titre aussi prestigieux quand les rares scènes de dites bastonnades n'excèdent pas les 25 secondes (comme les autres scènes d'action, d'ailleurs) et que le personnage le plus fidèle à la franchise originale, Vega (25 secondes à l'écran aussi) ressemble ici à un croisement entre Prédator et Belphegor. Au final, les seules vraies références aux jeux reposent dans les coups exécutés par les personnages, justement le seul truc à ne pas réutiliser dans une adaptation live. Chun Li, en robe ras-les-fesses, qui assomme douze mecs en effectuant une toupie sur la tête, ça ne ressemble à rien. Alors, pour éviter que nous nous posions trop de questions, le réalisateur de Doom nous gratifie des fameuses fautes de goût dont il est le seul à avoir le secret en ponctuant son ouverture musicale de RnB et Hip Hop ça et là, de petits ralentis et accélérés vite torchés au montage et surtout d'une séquence parfaitement improbable où l'héroïne tente de piéger une (méchante) lesbienne en se trémoussant devant elle sur du rap thaï en boite de nuit avant de lui péter la tronche sur le lavabo des toilettes où elle l'attire ensuite.
"Tournez les serres viets !"
Comme ça, ça a l'air de donner envie tellement c'est con, n'est-ce pas ? Vous espérez tous une bonne tranche de rigolade ? Raté ! Street Fighter : la Légende de Chun-Li n'arrive même pas à faire sourire et ne provoque que consternation. Rendez-vous service, ainsi qu'a l'industrie cinématographique : abstenez-vous et retournez-vous soit vers l'excellent film d'animation, soit, dans une autre mesure, vers Nicky Larson avec Jackie Chan qui propose une scène assez culte rendant hommage au jeu. Et pendant ce temps, nous tirons la chasse d'eau sur cet étron à rajouter en pierre angulaire des adaptations foirées de jeu vidéo au cinéma.