Tonnerre sous les tropiques
Le 04/09/2008 à 18:20Par Arnaud Mangin
Deux sentiments essentiels sont à retenir de l'expérience Tropic Thunder, et ils sont intimement et inexorablement liés. D'abord le film était monstrueusement attendu, nourrissant les esprits de mille fantasmes. Et dans les faits, le résultat ne répond pas totalement à nos attentes... Alors non, le dernier film de Ben Stiller n'est heureusement pas une déception puisque nous sommes en présence d'une comédie de haut niveau, mais il laisse néanmoins l'impression d'être cerné par la retenue, comme s'il n'avait pas osé attraper toutes les perches qui lui étaient tendues, sans savoir où donner de la tête parmi la multitudes d'idées que lui imposait son propos. Au Final, Tropic Thunder est un film qui a son rythme, changeant, et qui n'est pas tout le temps drôle. Mais lorsqu'il l'est, on s'éclate !
Pas facile, facile de pasticher le tout puissant Hollywood lorsque beaucoup s'y s'ont essayés avec plus (Last Action Hero, Team America) ou moins (Bidule truc muche Movie) et lorsque les dernières tendances à la parodies n'ont tout simplement rien pigé à la psychologie propre du blockbuster américain, bien gras, bien gros, mais répondant à codification Marketingo-artistique d'une grande précision. Un univers bête comme ses pieds, mais pas forcément évident à cerner. Ben Stiller a toujours su s'en amuser, jouant le jeu gentiment pour la télévision parce qu'il en avait saisi tous les rudiments. Son coup de génie consiste à retourner les armes contre elles-mêmes et de ne justement pas tomber dans le bête sketch télévisé (une pensée pour les nullards Seltzer et Friedberg) en posant sa satire culturelle au sein d'une intrigue de fond bien humaine. La caricature commence d'entrée de jeu, durant cinq premières minutes tout bonnement mémorables (mieux vaut revenir à la séance suivante que de voir le film en ayant raté le début), où les traits de fausses bandes annonces sont à peine plus grossis que la normale. De vrais logos de studios sont utilisés (Universal, New Line, Fox Searchlights) et accompagnent d'autant mieux la ghettoïsation des acteurs jusque dans les clichés les plus poussifs... A ce moment là on ne le sait pas encore, on n'y a même pas encore réfléchi (on est occupé à s'essuyer le coin des yeux après avoir pleuré de rire), mais tout est déjà dit...
En effet, au delà de la comédie, du centième degré, des idées qui tombent à pique et de la satire hollywoodienne, Tropic Thunder aborde à notre grande surprise la recherche identitaire de l'acteur - de la star même - dans un univers où chacun reste à sa place pour que les bovins soient bien gardés. Un univers où l'icône bouffe littéralement l'être humain sans considération, laissant même planer l'idée que pour remporter un Oscar, il faut jouer le dernier des attardés mentaux (dixit tout le monde)... mais avec nuance (dixit le personnage de Robert Downey Jr). Loin d'être con, donc, le film de Ben Stiller est avant tout un film de personnages, certes outranciers, mais dont la reconnaissance dans la multiplication étouffe ce que le cinéma pourrait proposer si conçu avec dextérité : Des suites à foison pour le héros de film d'action, un comique raté qui joue tous les personnages de sa comédie grasse et l'acteur reconnu dont toutes les récompenses s'affichent autour de lui à la moindre apparition. Et on sait à quel point la détresse est le fer de lance de toute comédie qui se respecte.
Le hic, c'est que si Stiller est très juste dans son propos en choisissant le film de guerre (genre où se croisent toutes les catégories et toutes les performances) il plombe sa narration de quelques coups de mou qui empêchent Tropic Thunder d'être une déconne de tous les instants. Chose d'autant plus dommage puisque lorsque les idées sont là, elles sont démentes et offrent à ses protagonistes une occasion rare de se lâcher. Saluer Robert Downey n'est pas trop original, même si passer de la tronche de Fred Williamson à celle de Greg Kinnear (en passant par un camouflage de paysan vietnamien) relève d'une géniale démence. On s'esclaffera surtout devant un Tom Cruise totalement métamorphosé pour l'occasion, dans le rôle d'un producteur ordurier s'improvisant en piètre négociateur avec des terroristes mondiaux. De grands, voire très grands moments, dans un film global qui l'est un peu moins... juste un peu.