Halloween 2
Le 02/04/2010 à 15:20Par Arnaud Mangin
Véritable étrangeté, slasher multi-théorique et sabotage en règle du produit de commande bateau (c'est bien), Halloween 2 est une petite expérience qui suscite la fascination par sa volonté de chambouler intégralité des poncifs imaginables. Une œuvre introspective étonnante presque faite pour déplaire. A découvrir...
Il y a des cinéastes incontrôlés et surtout incontrôlables. Lorsque les frères Weinstein ont eu la fructueuse idée de proposer à Rob Zombie de remettre la franchise Halloween sur pattes il y a 2 ans, ils ne savaient clairement pas dans quoi ils s'engageaient. Après un premier opus carré, solide et d'une sèche efficacité pour un produit dit mainstream, il fallait tout simplement passer à autre chose. En tout cas, la pire manœuvre possible était de pousser le bonhomme dans des impératifs commerciaux crétins à mille lieux de ses convictions. Insistants, déterminés, pressés et à l'affût du moindre prétexte à faire gonfler les pépettes - alors que le réalisateur avait fourni une fin irréversible et sans suite possible - les frangins avaient juste besoin d'un truc torché vite fait... et éventuellement bien fait. Ils ont voulu Halloween 2. Ils l'ont eu !
Comme un employé de fast-food qui cracherait dans le gobelet après avoir reçu une commande sans pincettes, Rob Zombie a alors la géniale idée de fournir un film bâtard improbable, fascinant et parvient à devenir sa propre antithèse. Tout ça en répondant littéralement aux poncifs de producteurs... Pour le simple plaisir de se défaire des conventions, certes, mais aussi pour jouer avec les tics purement mercantiles en les tournant à l'avantage de son thème de prédilection : les freaks dangereux et attachants. On lui demande de faire revenir son boogeyman d'entre les morts : il s'exécute, sans explication. On lui demande plus de meurtres : il les enchaîne à tour de bras, plus malsains les uns que les autres, avec une insistance prononcée sur la douleur et les faiblesses de l'organisme. On lui demande plus de sexe : gérontophilie, allusions nécrophiles et adoratrices de "douche dorée" sont au programme. Mais plus fort que tout : lorsqu'on lui demande un retour en fanfare des héros du premier film, il les transcende littéralement.
Zombie décide donc de remplir la coupe à ras-bord et signe un film raisonnant comme une rupture de contrat filmée, empêchant toute pérennité de la saga. Il ne fallait pas le faire chier. Le plus gros délire du film repose en partie sur la métamorphose complète des personnages d'un épisode à l'autre, histoire de rendre ce slasher métaphysique encore plus déconcertant et imperméable au grand public. Une façon de s'approprier cet univers encore plus que précédemment et mettre ses employeurs dans le rouge. Dr Loomis, jusque là grand sauveur, est désormais devenu un écrivain opportuniste vivant sur les droits de son incroyable aventure. Tandis que Laurie Strode, jadis fille sage de banlieue pavillonnaire, a basculé dans la culture néo-gothique et satanique, accro aux pentagrammes et s'exprimant comme une charretière. Zombie a d'ailleurs eu la grande idée de lui caser au moins un "fuck" à chacune de ses lignes de dialogue, que la censure ne puisse pas agir. Quand à Myers lui-même, il se voit réévalué en figure de proue habile du tueur monolithique à qui l'on ne demande rien d'autre - en temps normal - que dessouder le péquin de passage. Pour le fond, on vous laisse la surprise.
Halloween 2, comme le fut le diptyque La Maison des 1000 morts / Devil's Reject, n'a finalement strictement rien de commun avec son précédant opus. Une œuvre agressive, désagréable mais fascinante en tout point, s'imposant comme un dessoudage en règle de la façon dont les slashers contemporains prennent vie. Un vrai exercice de style qui, plus qu'un film à part entière, s'amuse à remettre en question la simple notion de "suite" tout en en étant une. Pas mal comme pari.