Paris By Night Of The Living Dead : C’est la guerre !
Le 03/02/2009 à 19:18Par Arnaud Mangin
C'est bien joli le flash des appareils photo, les acclamations du public, les strass, les paillettes, les récompenses (méritées), les shoots public sur les pistes, le joli minois de notre Garance internationale, la horde de zombies ayant attaqué Marcus dans notre hôtel (qui fut également victime d'un fantôme mexicain nain à pull rayé quelques jours auparavant), la neige et le lac gelé à travers lequel on a failli passer en voulant tester sa solidité. Mais le plus drôle à Gérardmer, c'est quand même ce qui se passe en off.
Malheureusement, la bienséance nous oblige à couvrir quelques secrets honteux entrainés dans les méandres de l'alcoolisme (même si Yann Rutledge ne regardera plus jamais une bouteille de champagne de la même façon) qui nous enverraient illico devant le juge si nous étions amenés à les répéter. Néanmoins l'une de nos plus folles aventures a concerné le très attendu court-métrage de Gregory Morin Paris By Night Of The Living Dead, un gros splapstick bricolé pour défourailler du zombard comme dans un jeu vidéo. Sagement installés dans notre fauteuil pour assister la projection d'une série de courts fantastiques (dont certains demeurent absolument géniaux), on ne se doutait pas qu'à cet instant l'histoire basculerait dans une empoignade potache.
Chapitre 1 : Satisfaction cadavérique
Le film commence dans une délirante acclamation qui fait trembler les sièges, entamée, encouragée et entretenue par l'équipe du film à qui il ne manquait plus que le tambour et les trompettes. Ben oui, Gregory Morin aimerait bien foutre un gros coup de pied au cul du cinéma français comme s'il attaquait une boutique de pétards au lance-flammes. Ca rigole fort, mais dans le fond les mecs ne déconnent pas : buzz longuement entretenu, tournage maousse dans son genre, donc compliqué, et cette revendication fièrement affichée de faire ce que le public a enfin envie de voir. On entend par là le geek conciliant, conquis avant l'heure et prêt à régurgiter quelques raclages de gorge lorsqu'un personnage explosera à l'écran. Bon jusque là, on soutient à fond. C'est aussi ce qu'on veut voir, finalement. Le problème, c'est que sans être le pire de la sélection (et là on s'abstiendra de citer la concurrence) et malgré un générique de fin qui laisse défiler une floppée de noms, on a la triste sensation d'assister un fanfilm bricolé en vitesse par deux ou trois gus qui assurent (un peu) avec After Effects. Un grand n'importe quoi assez généreux dans sa démarche, compressant vulgairement un pitch de long-métrage en 10 pauvres minutes sans trop se fier à une quelconque démarche narrative. Défilent donc quelques séquences gentiment gores, trop peu inspirées (on veut bien applaudir devant une tête qui éclate, mais on aimerait bien être surpris) restant tristement dans l'ombre de Versus, un modèle devant lequel il n'y a pas non plus de quoi s'accroupir. Ajoutons à cela quelques gags un brin lourdingues piochés dans la boite magique des frères Wyans mais suffisamment populos pour satisfaire le geek visé. Ouah ! Un zombie Zidane et un zombie Amélie Poulain... Drôle, non ? Bref, on n'est pas du tout convaincu, toujours persuadés qu'il ne pleut décidemment pas un Bad Taste ou un Evil Dead à chaque coin de rue. La bonne nouvelle dans tout ça, c'est que le réalisateur aurait lui-même confié à la fin du festival que ce n'était pas grave si la presse n'aimait pas, il avait le public avec lui.
Chapitre 2 : Le couteau dans la plaie
Bon, si ce n'est pas grave, on peut y aller à fond alors... Enfin, on aurait cru pouvoir parce que l'interview qui a suivi quelques heures plus tard semble avoir pris tout le monde de court. L'auteur de ces lignes, d'une part, étonné par sa propre impassibilité devant 2 ans de travail et de passion (car même si c'est raté, c'est quand même passionné) , Gregory ensuite qui ne s'attendait pas à ce que quelqu'un énumère les défauts de son film après avoir vu des 2 thumbs up à chaque fois qu'il croisait quelqu'un pendant toute l'après-midi et surtout mon collègue Yann Rutledge, presque admiratif. ''J'aurais jamais pu faire ça, moi'' me dit-il à l'issue de l'entretien. Comme je ne réponds pas, il poursuit ''Je n'aurais jamais pu dire à un mec : ton film est pourri et je vais te dire pourquoi !''. Dans les faits, c'était quand même plus soft, et la volonté n'était pas directement de blesser le réalisateur. Néanmoins, le sujet abordé ''A force de trop penser à son propre plaisir en compressant absolument tout ce qu'il aime dans son projet, un cinéaste ne risque-t-il pas de pénaliser son propre film ?''. Boum ! Le couperet est tombé. Filmsactu n'a pas aimé et ils ont suffisamment de culot pour le balancer tout de go. Alors que c'était un peu la teuf à l'étage du dessus, l'ambiance est devenue un peu glaciale. Difficile de rattraper le coup sur seulement un quart d'heure, d'autant plus que les propos de l'un ne faisait qu'accroitre les convictions de l'autre dans les deux camps. Qui ne sait pas s'amuser, qui a des idées bizarres ? On ne sait plus vraiment... L'art de s'enfoncer mutuellement. Greg nous explique néanmoins que ce sera son dernier court-métrage, que son idée de long se situerait dans une maison de retraite en pleine canicule avec des vieux qui boivent le sang du personnel puisqu'il n'y a plus d'eau. Et comme personne ne sourit à ce moment là, tout le monde se tire la gueule... Une ambiance de mort. C'est de circonstance.
Chapitre 3 : La Vengeance se mange très froide...
La vie continue et se consomme plutôt gaiement puisque pour clôturer ce 16ème festival de Gérardmer, nous avons eu droit à un traditionnel dîner où tout le monde (presse, invités, jury, personnalités) est logé à la même enseigne. Le nez plongé dans une assiette de belle tenue, j'avais un peu laissé Gregory Morin dans un coin de ma tête. J'espèrais que lui aussi. Pourtant, nos chemins se sont à nouveau croisés dans le grand salon de l'hôtel. Une première étape qui engage la conversation où l'on découvre qu'Arnaud Mangin et Greg Morin sont finalement des gens sympas, si l'on excepte que le travaille de l'un consiste à dézinguer celui de l'autre. Après s'être plus ou moins mis d'accord sur les films ''supers'' et ''merdiques'' qui ont confectionné la session de cette année, nous avons été interrompus par John Carpenter... Enfin, le thème d'Halloween joué en live sur le piano non loin de là, qui nous persuada que Vladimir Cosma (Président du Jury Courts-métrage) était en train d'animer la deuxième partie de soirée sur des symphonies inattendues. Nous voilà dans la deuxième étape. Finalement, c'était Alexandre Poncet de l'équipe de Mad Movies, très talentueux, qui était derrière l'instrument et improvisait un blind-test pour un attroupement joyeux, accompagné de quelques coupettes (cf les premières lignes à propos du sieur Rutledge). Et cet attroupement-là avait envie de s'amuser. Ce qui nous propulse illico dans la troisième étape, dans les jardins de l'hôtel où s'était soudainement abattue de la neige durant les deux étapes précédentes. Bataille de boules de neige générale durant laquelle l'un de nos confrères a même terminé le pantalon sur les chevilles à force de trop courir sans ceinture. Pour préserver l'intégrité de RLV, nous n'évoquerons pas son nom. C'était drôle jusqu'à ce que je vois surgir sur moi ce bon Greg, à peine plus civilisé que les monstres de son film, bien décidé à régler son compte au journaleux qui l'a contrarié. "Potes", tu parles ! Après avoir esquivé deux ou trois fois l'étrange créature qui a basculée en t-shirt dans la poudreuse toute fraiche, il m'aura néanmoins fallu me débattre lorsqu'il essaya de m'entarter le visage avec une nouvelle poignée de neige... Par -10°C en extérieur. Ni l'un ni l'autre ayant la carrure de bagarreur, l'affrontement n'aura pas dépassé les 5 secondes.
Epilogue
Même si je ne me réjouissais pas particulièrement de déblayer mon col soudainement devenu glacial, j'étais content de voir Greg baisser les armes, persuadé de m'avoir eu au visage. D'autant plus qu'il était devenu plus occupé à courir après une Garance qui avait poliment accepté sa carte de visite. Passé 5 heures du mat', il nous aura quand même fallu rejoindre notre hôtel, histoire d'être un peu plus frais pour le départ du lendemain... C'est finalement le destin qui m'aura fait chambrer ce pauvre Gregory pour la dernière fois. Parce que nous avons obtenu le dernier taxi encore en circulation, laissant ce dernier en plan et paré pour rentrer à pied, j'ai placé sans le vouloir mon dernier bon mot : ''T'as qu'à faire Gérardmer By Night By Foot !''. Depuis, je n'ai plus aucune nouvelles. Sans rancune Greg, ok ?