Freestyle et hip-hop west coast en DVD
Le 30/06/2009 à 12:24Par Yann Rutledge
Freestyle : The art of rhyme retrace à coup d'interviews, de performances et de battles l'histoire de ce mouvement d'improvisation de son apparition au cours des années 80 dans les rues new yorkaises à aujourd'hui. Le freestyle ou comment transformer positivement la colère en créativité, en exprimant dans un micro ou spontanément à même le trottoir sa rage, ses frustrations, ses idéaux... Monté pendant trois longues années à partir de plus 400 heures de rushs accumulées depuis 1993, Kevin Fitzgerald livre avec Freestyle : The art of rhyme est un témoignage sincère sur une forme d'art de la rue (underground même) dans lequel on croisera entre autres Mos Def ainsi que des membres de The Roots, The Last Poets et Jurassic 5.
Mais c'est surtout West Coast Theory qui nous aura fait forte impression. De par leurs rencontres avec nombre de DJs, MCs, producteurs et autres moteurs de la scène hip-hop californienne (Snoop Dogg, Will.I.Am des Black Eyed Peas, DJ Muggs et B-Real de Cypress Hill, etc.), Maxime Giffard et Félix Tissier cassent les a priori qui veulent que le hip hop west coast ne soit qu'une grossière machine bling bling à bouger son cul faite de MC superficielo-égocentrés et dessinent le portrait d'un genre musical en pleine mutation, l'avènement du numérique ayant considérablement modifié la manière de composer et de consommer la musique.
Comment l'expliquent les divers intervenants, le numérique a ainsi permis aux artistes et techniciens une approche plus souple de la composition, du sampling (tous les sons sont emmagasinés sur le disque dur) et de l'enregistrement là où précédemment il fallait s'entourer de vrais musiciens, posséder une tonne de vinyles et/ou s'acquitter de la coûteuse location d'un studio professionnel. Les artistes ont ainsi pu créer et s'exprimer plus facilement. La banalisation des réseaux peer-to-peer et du mp3 comme moyen de découverte et d'écoute à de son côté permis aux artistes non soutenus par les majors et leurs énormes campagnes de marketing de plus facilement se faire connaître du plus grand nombre. La musique est dorénavant partout, la dématérialisation contribuant à une explosion du choix et de la demande.
La contre-partie de cette indéniable simplicité d'utilisation est qu'elle se fait au détriment de la qualité sonore aussi bien en amont (lors de la composition/production) qu'en aval (les nouveaux moyens d'écoute). Aucun ordinateur ou logiciel n'égale la chaleur d'un bon enregistrement analogique ou d'un mastering exécuté par un professionnel. Aucun fichier mp3 pas même encodé à 320Kbps n'égale un bon vieux vinyl des familles ou même la froide perfection d'un CD. Ce qu'un paquet de mélomanes compulsifs et aspirants professionnels composant et mixant dans leur chambre n'ont pas saisis, enchantés qu'ils sont de pouvoir enchaîner les beats sur leur ordi. La créativité s'en retrouve certes décuplée, mais les studios d'enregistrement ferment un à un. Produire un album aujourd'hui coute en moyenne bien moins cher que dans les années 90. Mais pratiquement tous les interviewés semblent s'accorder à dire (sur le bout de lèvres) que la qualité des productions sans retrouve amoindrie. Une page de l'histoire de la musique (et pas que celle du hip-hop) se tourne...
Plus qu'un simple état des lieux du hip hop californien, West Coast Theory est un véritable historique du rythm and blues des débuts de l'industrie du disque au r'n'b que nous connaissons aujourd'hui, et se permet même de s'interroger sur comment et de quoi sera fait l'avenir de l'industrie musicale. Pour peu que vous soyez un tant soit peu mélomane, West Coast Theory saura vous combler.