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J.X. Williams : le génie oublié

Le 13/11/2010 à 10:14
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Focus sur J.X. Williams, génie admiré par Tarantino et Scorsese Est-il envisageable aujourd'hui de dépister la trace d'un cinéaste majeur pourtant tombé dans l'oubli ? Les différentes rétrospectives entreprises ces vingt dernières années par les festivals internationaux, le triomphe du DVD qui a permis aux ayants droits de restaurer et monétiser les films dont ils sont propriétaires, mais aussi et surtout l'avènement du web qui a favorisé autant l'essor de communautés cinéphiles que la simplicité des échanges illégaux, ont contribué à remettre au premier plan des cinémas, des films et des cinéastes méconnus ou oubliés. Tant est si bien que nous pourrions douter qu'il soit encore possible d'exhumer un film ou un réalisateur qui puisse remette en perspective notre approche de l'histoire.

Et pourtant Serious Publishing a récemment déterré l'œuvre de J.X. Williams, réalisateur américain qu'on pourrait introduire, malgré le peu d'information disponible à son sujet, comme le chaînon manquant entre l'avant-gardisme de Kenneth Anger et le côté racoleur de Roger Corman. La poignée de films dont on est parvenu à retrouver la trace esquisse le portrait d'un dingue poussé par l'envie de s'amuser à souiller et corrompre les bonnes moeurs, une envie qui s'est par la suite transformée en une ambition toute autre. Presque inconsciemment, il fallait chambarder les codes des genres filmiques et les règles esthétiques en vigueur dans le cinéma d'exploitation.

Focus sur J.X. Williams, génie admiré par Tarantino et ScorseseUne des rares photos de J. X. Williams

Sauf qu'à ce jour, du bonhomme, on ne sait strictement rien. Premier problème, et pas des moindres : J.X. Williams est un pseudo. On a aucune date de naissance. Pas de photo. Il n'est par ailleurs étonnamment à l'index d'aucun livre de cinéma. Comme si le réalisateur était volontairement resté toute sa carrière en marge de l'histoire officielle du septième art au point que, mis à part quelques anecdotes et racontars par-ci par-là, il demeure encore chez une grande majorité de spécialistes un grand mystère. Seule certitude : J.X. Williams aimait jongler avec les paradoxes et cultiver les contradictions. On le dit effectivement sympathisant communiste mais également proche de la pègre italo-américaine qui lui donnera du travail lorsqu'il fut blacklisté par le comité anti-communiste de McCarthy dans les années 60. Et c'est parce qu'il côtoyait quotidiennement les membres de la Cosa Nostra que le FBI lança une investigation à son encontre. Et même si on ne connait pas son nom, les services fédéraux posséderaient sur lui un dossier de plus de 6000 pages ! Ses accointances avec la pègre ne l'empêcha cependant pas d'être visé dans les années 70 par un attentat commandité par Anthony Spilotro, une figure phare du crime organisé. Il en réchappe de justesse. Se sachant dorénavant menacé, J.X. Williams décide au début de la décennie suivante de quitter le sol américain pour Zurich où il vit encore actuellement. Un exil pour l'Europe qui signera la fin de sa carrière de metteur en scène.

Focus sur J.X. Williams, génie admiré par Tarantino et ScorseseUn hommage aux 400 Coups de François Truffaut

Il ne veut d'ailleurs plus en entendre parler et refuse catégoriquement à quiconque toute demande d'entretien. Il veut qu'on lui foute la paix. Il n'hésite pas à menacer les malheureux qui s'intéressent d'un peu trop près à ses films.
Noel Lawrence avait cofondé la structure Other Cinema afin de permettre la diffusion de films expérimentaux à San Francisco.
L'actuel curateur de la J.X. Williams Archive, Noel Lawrence peut en témoigner : Williams tenta de l'effrayer au téléphone en lui affirmant "manger des petis gars comme toi tous les matins". Mais pour le cofondateur de Other Cinema, structure créée dans le but de diffuser des films expérimentaux à San Francisco, la démarche était simple : J.X. Williams est oublié, il faut corriger tout ça. La mission des archives est de rechercher, restaurer et promouvoir à travers le monde les films du cinéaste. Une initiative des plus nécessaires puisque seule une maigre une poignée de ses pelloches sont aujourd'hui visibles. La plupart estime Lawrence sont probablement perdues à tout jamais... Selon les quelques maigres informations dont on dispose, la filmographie de J.X. Williams serait émaillée de plus d'une centaine de films pornographiques tournés dans les années 60 pour le compte de la mafia (ceux-ci sont pour une large part brûlés à jamais), de films d'exploitation aux titres évocateurs (You Axed for It !, Nunf*cker, Mondo Vietnam...) et d'un paquet de clips tournés au tournant des années 80 pour des groupes de punk et de new wave. Un metteur en scène touche-à-tout qui tourait là où il pouvait tourner. Un cinéaste qui voulait conserver coûte que coûte son intégrité. Et tant pis si cela signifie refuser de réaliser un clip pour U2 (il prétexta plus tard que "le chanteur avait l'air d'une grosse tapette").

Focus sur J.X. Williams, génie admiré par Tarantino et Scorsese
Pour son entrée dans l'édition DVD, Serious Publishing sort une galette comprenant trois court-métrages du cinéaste ainsi Peep Show, docu-diatribe usant des codes du film noir dans lequel J.X. Williams expose les liens étroits tissés par La Cosa Nostra avec notamment Frank Sinatra et Joseph Patrick Kennedy, le patriarche de la famille Kennedy. Distribué deux ans après le décès du Président John Fitzgerald Kennedy à Dallas, le réalisateur sera d'ailleurs l'un des premiers à dénouer publiquement les théories de complot qui entourent l'assassinat, plus de trente ans avant qu'Oliver Stone ne livre son JFK. Tout en s'inscrivant totalement dans le documentaire, Williams innove formellement en concevant entièrement le film à partir d'une bonne centaine de rushes - qu'il découpait alors qu'il était employé en tant que projectionniste dans une salle de ciné miteuse - issus de films d'origines disparates, du nudie anonyme aux plus respectables L'homme aux bras d'or d'Otto Preminger avec Frank Sinatra et Soy Cuba de Mikhail Kalatozov en passant par le film d'actualité. Un film engagé pour un sujet sensible donc, qui valu également à J.X. Williams d'être incarcéré quelques jours par la justice romaine pour cause de pornographie, la faute à quelques inserts olé-olé. Peep Show fut pour ces mêmes raisons interdit dans un bon paquet de pays dont la France du général de Gaulle. En une quarantaine de minutes, Peep Show dévoile un visage peu reluisant des Etats-Unis d'Amérique que certain aurait souhaité à jamais garder secret.

Focus sur J.X. Williams, génie admiré par Tarantino et ScorseseExtrait de L'homme aux bras d'or

Les trois court-métrages qui accompagnent le disque démontrent que si J.X. Williams s'est surtout illustré dans le cinéma d'exploitation, il lui fallait également s'essayer à de nouvelles formes et processus de création. On y trouve ainsi Psych-Burn, une bande psychédélique de trois minutes où fusent formes et couleurs stridentes dont on retrouvera quelques relents dans les oeuvres avant-gardistes de Stan Brakhage et Carmelo Bene ; Fragment 306, un collage surréaliste dans lequel une nonne questionne sa foi ; le coquin The 400 Blow Jobs, enfin, hommage pornographique aux 400 Coups de François Truffaut.

Focus sur J.X. Williams, génie admiré par Tarantino et ScorseseFocus sur J.X. Williams, génie admiré par Tarantino et ScorsesePsych-Burn (au-dessus) et Fragment 306 (au-dessous)

Si le cinéaste refuse de s'épancher sur sa carrière, ses films parlent pour lui : entre le racolage le plus éhonté et expérimentations stylistiques, J.X. Williams a devancé toutes les avant-gardes, quelles qu'elles furent. Mais qui donc se cache réellement derrière ce pseudonyme ? Lorsqu'on creuse la question, nous vient une ligne de dialogue de L'Homme qui tua Liberty Valance : « Quand la légende est plus belle que la réalité, imprimez la légende ».

Focus sur J.X. Williams, génie admiré par Tarantino et Scorsese






Peep Show et autres raretés
Peep Show et autres raretés
Sortie : Courant Septembre 2010
Éditeur : Serious Publishing

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