Richard J. Thomson : Le pape du Z français fait l'évènement en DVD !
Le 03/02/2011 à 17:30Par Arnaud Mangin
Il y a deux façons d'entrer dans le cinéma, au sens figuré comme au sens propre. En passant par devant et en attendant son tour (ou en connaissant l'ouvreuse, ce qui se fait beaucoup chez nous) ou en tentant une incursion sauvage par la porte de sortie, quitte à être installé sur l'une des places les plus inconfortables. C'est exactement de cette façon qu'à procédé Richard J. Thomson pour fonder son œuvre, son pseudonyme et une certaine forme de mythe. Sorti des écoles de cinéma, Julien Richard - son vrai nom - a de la suite dans les idées. Constant rapidement que les films américains lui parlent beaucoup plus que ce qu'on essaie de lui inculquer par chez nous, il ne se sent pas spécialement à l'aise dans les formats courts auteurisants. Sa carte de visite, il cherche donc à la transmettre à travers ses longs-métrages, conçus en dépit du bon sens et de l'approbation du CNC, et s'octroie une multiplicité de pouvoirs et de libertés de ton pour bâtir un cinéma dont il reste à ce jour le seul représentant sur le sol français.
"Je suis le chainon manquant entre Max Pecas et Steven Spielberg"
Richard J. Thomson fait les choses, peut-être pas tout seul puisqu'il est entouré d'une petite troupe de fidèles, mais avec une indépendance absolue. Epaulé dans le milieu des années 90 par Jean-Pierre Putters, le fondateur de Mad Movies, il prend sur lui de monter des projets de longs à bout de bras en les tournant uniquement en vidéo. Plus précisément en HI8 via des caméra semi-pro, avec une texture magnétique si singulière qu'elle le dédouane de tout esthétisme, des couleurs vives baveuses, de charmants artefacts et aussi cet aspect amateur bricolé qui insuffle à ses films une forme d'enchantement naïf et déterminé. Le cinéma de Richard J. Thomson a des allures de films pornos dont on n'aurait conservé que les scènes de comédie, avec tout leur côté lunaire.
"Mon cinéma est une sorte de mauvais goût assumé qui regroupe un peu tout ce qui m'amuse. En fonction des moyens, on fait du gore, de l'horreur, parfois un peu de malsain. Comme je suis fan du cinéma américain, je n'hésite pas à dévoiler mon amour pour la science fiction des années 50, les robots, les dinosaures, les mutants et beaucoup de choses issues de la série Z, qui nous autorise à peu près tout. C'est pour ça que je peux faire un film d'action avec Hitler qui remonte le temps pour se régénérer et envahir la planète avec des actrices sado-maso. En plus j'y insuffle beaucoup d'humour pataud parce que tout ceci est fait avant tout pour faire rire. J'ai aussi fait des films sérieux, mais j'aime beaucoup la comédie où tout le monde peut se lâcher, et proposer des situations cocasses et improbables. On peut parfois s'attendre à voir débarquer Bernard Menez et c'est ce qui me plait. J'ai envie que mes films soient les plus marrants possibles pour mes spectateurs"...
Si Bernard Menez ne figure pas au générique de Time Demon 1, Time Demon 2 ou Jurassic Trash, on notera néanmoins dans ce dernier la présence du chanteur Edouardo (Je t'aime le Lundi) en paléontologue/scientifique ayant la capacité de calmer les créatures préhistoriques en leur chantant une berceuse, alors que quelques minutes plus tôt, le monstre dévorait la pornstar Elodie Chérie. C'est ça le cinéma de Richard J. Thomson...
"Il y a des gens qui m'aiment beaucoup alors qu'ils n'ont même pas vu mes films"
Ayant connu ses heures de gloire essentiellement à travers les pages de Mad Movies, qui le remettaient souvent en avant, le cinéaste/vidéaste a fait l'objet d'un culte au sein d'un microcosme de curieux qu'Internet a remis un peu au goût du jour ces dernières années. Car, en plus de se faire intimement plaisir et d'être le plus créatif possible, Richard J. Thomson voulait démontrer que l'on pouvait assurer un divertissement léger et généreux pour pas un rond. Le genre de choses qui finit par plaire en ces périodes de vaches beaucoup trop obèses dans la surenchère cinématographiques. D'autant plus que son rejet par les professionnels de la profession et l'absence de subventions en ont fait une sorte de Don Quichotte luttant contre les bobines à vent, à grands coups de VHS fauchées. Il n'hésite d'ailleurs pas à se comparer à John Carpenter, dont le travail est boudé sur son territoire d'origine et qui vogue sur tous les postes possibles de façon indépendante. Richard J. Thomson signe d'ailleurs aussi lui-même ses bandes originales avec sa collection de synthétiseurs et ne cache pas sa référence en affublant Time Demon 2 du sous-titre "Dans les griffes du samouraï" en référence à Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin, toujours de John Carpenter.
"J'ai fait ces films parce que je voulais montrer que pour quelques milliers de francs et avec une bande de jeunes étudiants, on pouvait faire un long métrage en respectant les codes du genre. D'ailleurs je n'en ai pas fait un mais huit. Quand on fait des films dans ces conditions, on fait le maximum pour être compétent, motivé, en s'entourent de gens talentueux. Evidemment, l'absence de moyens se voit à l'écran mais c'était, de mon point de vue, une belle carte de visite et un moyen de montrer aux producteurs que j'avais de la réserve. Un pari totalement perdu puisque cela a provoqué l'effet contraire : on a considéré que des films si peu chers, avec un tel matériel et aussi idiots étaient un scandale. J'étais sincèrement persuadé que je pourrais me faire remarquer de cette manière, tout comme mes comédiens, mais je me suis rendu compte que j'ai surtout interpelé quelques centaines de fans seulement. Au final, je pense que j'ai été avant-gardiste et que j'ai fait ça quinze ans trop tôt. Aujourd'hui avec la démocratisation de la technologie, tout un tas de gens tournent des longs et des moyen-métrages. Si je m'étais lancé récemment, avec le matériel actuel, les appareils photos qui produisent une image magnifique et l'exploitation par le biais d'Internet, j'aurais mis bien plus d'atouts de mon côté".
"On aurait pu faire un coffret intégral en DVD, mais mes premiers films ne sont pas bons. On y a mis les trois meilleurs"
Youtube a bien évidemment été du pain béni pour les bandes annonces les plus délirantes du cinéaste ces dernières années et a beaucoup joué dans la nouvelle popularité de Richard J. Thomson, qui ne suscite plus seulement la curiosité chez les lecteurs de Mad Movies. Nanarland.com joue pour beaucoup dans l'intérêt que les internautes portent au cinéma un peu autre et cette touchante maîtrise du système D qui, quoi qu'on en pense, s'avère rondement mené chez Thomson. Comme il l'admet lui-même, beaucoup de gens sont fascinés par ses films sans qu'ils n'en aient jamais vu un seul et la sortie du coffret 4 DVD portant son nom chez Bach Films relève du miracle. Un courage éditorial qu'on ne peut que féliciter compte tenu de la particularité du programme.
D'un côté trois films (Jurassic Trash, Time Demon 1 et 2) et de l'autre un disque de bonus qui offre une plongée très représentative dans l'esprit de ce créateur un peu fou. Une ode au non sens global, pleine d'énergie et assumant une grosse part de son amateurisme (les trois quarts des comédiens surjouent comme des cochons) et un burlesque délibéré comme assumé par l'absence de moyens qui assurent un spectacle parfois hallucinant.
Imaginez donc, comme évoqué plus haut, un porno dont on aurait viré toutes les scènes de cul, et dans lequel un esprit cinglé aurait balancé tout ce qu'il avait en réserve par peur de manquer d'argument. Les filles montrent leurs seins coûte que coûte, les hommes sont sélectionnés sur leurs capacités sportives ou leur humour outrancier et les scènes d'action s'étirent en longueur et en péripéties, quitte à faire tourner ses personnages en rond. L'un d'eux (le meilleur ami du héros de Time Demon) accepte de le suivre dans une situation très périlleuse parce qu'il a un peu de temps devant lui... Les soldats nazis font du kung fu parce que, bon sang, c'est quand même cool, quand ils ne sont pas tous attroupés dans une Renault Espace pour poursuivre leurs proies, et les dinosaures ressemblent à des attrape-plats géants en forme de crocodiles. Les conditions techniques du tournage sont pour le moins particulières et le résultat l'est tout autant. Un point primordial à savoir avant de se lancer dans l'aventure. Histoire d'enfoncer le clou, l'éditeur s'est amusé à proposer un menu un peu cheap et épuré pour maintenir l'état d'esprit général tout au long de la navigation.
"Ces DVD s'adressent aux gens qui n'ont pas pu voir mes œuvres mais qui s'y intéressent, parce qu'aujourd'hui, il est très difficile d'avoir accès aux VHS, marché auquel ils étaient destinés à l'origine. Ça intéressera forcément les fans de séries Z, de films d'horreur, de comédies et de films de science fiction tournés avec des bouts de ficelles. Sans prétention aucune, je pense que les films proposés dans le coffret sont très bons par rapport au budget, et même excellents pour certains compte tenu des conditions de tournage. Evidemment, en valeur absolue, Jurassic Trash ne cherche pas à tenir la comparaison avec Jurassic Park de Steven Spielberg. D'ailleurs les gens qui les regardent sans savoir qu'ils ont été faits sans le sous par des jeunes ou les producteurs disent que c'est de la merde... Je pense qu'aujourd'hui, notre démarche de l'époque sera d'avantage comprise puisque beaucoup d'étudiants en cinéma parviennent à faire des longs métrages."
Les curieux sont donc invités à se laisser tenter par un objet dont la jaquette joue délibérément avec l'aspect fauché des films, le tout emballé dans un joli digipack dépliable, mais qui permet une découverte pleine et entière de l'univers du personnage fascinant qu'est Richard J. Thomson. Notons que si pour l'instant, le coffret est essentiellement disponible à la vente sur le site de Bach Films ainsi que dans quelques boutiques spécialisées, il est néanmoins prévu que des enseignes comme la Fnac le commercialisent dans les prochaines semaines.
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