Le Dernier Empereur : tout sur le Blu-Ray français
Le 01/10/2012 à 10:46Par Michèle Bori
Disponible depuis quelques années en import chez Criterion Collection, le Blu-Ray du Dernier Empereur de Bernardo Bertolucci se décide enfin à traverser l’Atlantique. Sous la bannière de BAC Vidéo, le film aux neuf oscars s’offre à nous dans sa version "courte" de 2h35, accompagné de plus de 2 heures et demie de suppléments et d'un livret de 60 pages. Sortie prévue le 5 octobre prochain.
Le Dernier Empereur : test Blu-Ray
Avant d'aborder le contenu des bonus - ce qui nous intéresse ici - on notera qu'à l'instar du Blu-Ray de Criterion, le film est présenté dans un transfert 16/9 au format 2,00:1. Pourquoi ce format "exotique" ? Parce que comme Apocalypse Now, ou encore L'Oiseau au plumage de cristal, Le Dernier Empereur a eu comme chef opérateur un certain Vittorio Storaro, technicien surdoué, mais qui a toujours fait des pieds et des mains pour que les films sur lesquels il a travaillé soient exploités en vidéo dans le format Univisium qu'il a créé. En effet, Storaro a longtemps considéré que la résolution vidéo verticale des téléviseurs n'était pas suffisante pour rendre hommage à son Cinémascope chéri (format de tournage et de diffusion salles des films cités ci-dessus). Ainsi, il a conçu le format Univisum 2,00:1, sorte de chainon manquant entre le 1.77 et le 2.35, et qui, selon lui, sied beaucoup mieux aux télévisions. Un parti-pris artistique devenu caduque avec l'avènement du Blu-ray et des téléviseurs HD 16/9. D'ailleurs, il y a peu, le chef opérateur italien avait enfin donné son accord pour qu'Apocalypse Now soit édité en 2.35 (cf. notre test). On pensait qu'il en serait de même avec Le Dernier Empereur. Las. Alors que plusieurs éditions DVD proposent le film de Bertolucci en scope, ce Blu-Ray se contentera de la "version de Storaro", qui nous prive d'un certain nombre d'informations à gauche et à droite de l'image. Cela étant, outre cette histoire de format, on notera l'excellente facture de l'image, qui propose une superbe définition, appuyée par des couleurs naturelles, ce qui est fort appréciable sur les (nombreux) plans de paysage du film.
Le dernier empereur : les bonus du blu-ray
Mais, venons-en à ce qui nous intéresse aujourd'hui, à savoir les suppléments de ce Blu-Ray. Des suppléments que l'on pourrait séparer en deux catégories : les "cinématographiques" et les "historiques". On commence donc avec la première catégorie qui contient un Making-of sur le tournage (47 minutes), une Interview avec David Byrne, compositeur du film (25 minutes, et non 13 minutes comme indiqué sur la jaquette) et Cartes postales de Chine (8 minutes). Le premier cité n'est pas vraiment un making-of, mais plutôt une suite d’entretiens entrecoupés par des photos du plateau. Ce module laisse ainsi la parole à quatre "oscarisés" ayant oeuvré sur le film : Vittorio Storaro (directeur de la photographie), Gabriella Cristiana (monteuse), James Acheson (chef costumier) et Gianni Silvestri (directeur artistique). Très riche en informations et en anecdotes, ce module nous apprendra par exemple que les décors du film ont été influencés par les films des Monty Pythons, qu'il était très compliqué de trouver de la soie de qualité en Chine (sic) ou encore que le principal travail de la monteuse aura été "d'enlaidir" le film pour ne pas qu'il fasse trop "carte postale".
En complément de ce doc très orienté sur l'image, on trouvera donc un long entretien avec David Byrne. Une interview passionnante du leader de Talking Heads, qui raconte son arrivée sur le projet et le processus de collaboration avec, d’une part Bertolucci, et d’autre part ses collègues compositeurs Ryuichi Sakamoto et Cong Su. On apprend donc au début de cet entretien que c’est le film Stop Making Sense de Jonathan Demme qui a donné envie au réalisateur du Dernier Tango à Paris de travailler avec Byrne. Par la suite, ce dernier expliquera comment il a travaillé sur la composition de cette bande-originale, récompensée par un Oscar en 1989, évoquant ses influences, ses doutes et ses choix d’instruments pour coller au mieux à la culture chinoise. Petit détail amusant : le thème d’ouverture du film, le plus connu, était considéré par Byrne comme une tentative de faire "une mauvaise imitation de musique traditionnelle chinoise".
Enfin, le module Cartes Postales de Chine regroupe des images filmées par Bertolucci et son équipe en 1985 pour faire les repérages de son film. La vidéo est montée sur les commentaires du réalisateur et ceux de Gabriele Polverosi, son premier assistant réalisateur, qui est parti au cœur de la Chine pour dénicher les plus beaux panoramas possibles. Des images rares, donc forcément indispensables.
Les deux suppléments qui restent sur le disque peuvent donc être considérés comme "historiques". Pourquoi ? Parce qu'il n'est pas question ici du film de Bertolucci, mais de l'histoire de la Chine. On commence donc avec un Entretien avec Dai Si Je, auteur de "Balzac et la petite tailleuse chinoise" (25mn, et non pas 8 minutes comme indiqué sur la jaquette). Une fois passée une première minute qui aurait pu être coupée au montage (on entend l’intervieweur discuter avec son cadreur), la parole est laissée à l’écrivain et réalisateur qui aborde pendant presque trente minutes l’architecture et l’Histoire de la Cité Interdite, dans laquelle il a eu la chance de séjourner. Une interview très intéressante pour les amateurs de l’histoire de la Chine … dommage que l’on n’y parle pas plus de cinéma, car il aurait été intéressant d’avoir le point de vue de l’écrivain sur le film de Bertolucci.
On termine avec l'Analyse de la période historique par Ian Buruma, écrivain (45mn, et non 25 minutes comme indiqué sur la jaquette). Dans un long entretien, l’historien Ian Buruma (universitaire hollandais spécialisé dans l’histoire de l’Asie) resitue le film de Bertolucci dans son contexte historique, fournissant des informations générales sur une grande partie de l'Histoire de la Chine, et surtout, de sa guerre avec le Japon. Il s'agit d'un cours intensif, illustré par des photos d’époque et des extraits du film, qui enrichie considérablement l'expérience du Dernier Empereur. Très utile pour ceux qui ne seraient pas au fait de la complexité de la politique asiatique durant le XXe siècle.
Vous nous direz que tous ces bonus sont bien sympathiques, mais qu'ils brillent surtout par l'absence du chef d'orchestre, le réalisateur du film Bernardo Bertolucci. Fort heureusement, pour combler ce manque, BAC Vidéo propose un livret de 60 pages qui contient notamment une très longue interview du metteur en scène transalpin par deux plumes des Cahiers du Cinéma : Alain Philippon et Serge Toubiana (réalisée en 1987). Un entretien très intéressant, qui permet d'aborder des thèmes qui ne sont pas forcément traités dans les bonus du film (l'écriture du scénario, le casting, la portée politique du film, le fait de tourner en langue anglaise ...). Egalement dans ce booklet, un Journal de Tournage. Il s'agit d'un extrait du livre "Ombre Jaune" signé Fabien S. Gerard, qui fût un témoin privilégié du tournage du Dernier Empereur.
(NB : les images ci-dessus sont tirées d'un test de l'édition Criterion par DVDBeaver)