Interview de Dante Lam (Snipers)
Le 07/04/2010 à 08:34Par Caroline Leroy
Filmsactu : Qu'avez-vous pensé de l'accueil réservé à Snipers lors de l'avant-première mondiale qui avait lieu hier au Festival du Film Asiatique de Deauville ?
Dante Lam : J'ai trouvé cela plus excitant qu'une avant-première à Hong Kong. En fait, je ne savais pas que le tout premier public du film serait français. J'en suis ravi et je suis très curieux de connaître les réactions des spectateurs.
Qu'est-ce qui vous a attiré dans l'univers des snipers ? Est-ce le culte des armes ?
Le point de départ de Snipers n'est pas l'action en elle-même. Je connais personnellement des snipers et j'ai toujours pensé que leur état d'esprit ferait un très bon sujet. J'ai donc mélangé cela avec du drame à l'intérieur d'un film d'action afin de montrer leur côté humain. Ce qui est le plus important dans le film, ce sont l'histoire et les personnages. L'action est un plus.
A propos d'action, nous nous faisons généralement une idée du sniper comme quelqu'un de très statique car obligé de mobiliser toute sa concentration pour atteindre sa cible. Or vous êtes parvenu à réaliser des scènes d'action très dynamiques qui ne se répètent jamais.
Cela a effectivement été difficile. Comme vous le soulignez, il n'est pas évident d'obtenir de l'action à partir d'un personnage immobile comme le sniper. A force de réfléchir, je suis parvenu à surmonter cet obstacle. C'est ce qui a donné par exemple la scène de l'ascenseur. D'ordinaire, les snipers sont à distance, je me suis donc demandé ce qui se passerait s'ils se retrouvaient dans un espace clos. En l'occurrence, il s'agit là d'un espace très étroit.
Il est vrai que le gunfight à quatre dans l'ascenseur est très osé ! Concernant les personnages, le trio formé par Edison Chen, Richie Jen et Huang Xiaoming rappelle les films d'arts martiaux : celui qui parvient à avancer est celui qui combine les méthodes des deux « maîtres ». Etait-ce le but recherché ?
Vous êtes vraiment très pointues. C'était conscient de ma part d'emprunter au schéma des vieux films d'arts martiaux. Snipers est un peu mon hommage à ce genre. Le jeune sniper joué par Edison Chen veut à tout prix être le numéro un, comme les héros de ces films. Et comme eux, il souhaite gagner avec dignité et non par n'importe quel moyen.
En même temps, pour rester dans l'optique du film d'arts martiaux, Snipers nous plonge constamment à l'intérieur de la tête des personnages avec toute cette emphase sur la technique, sur les méthodes secrètes que le héros va apprendre de l'un ou de l'autre de ses mentors.
Il y a bien cette relation de maître à disciple puisque le film repose sur la morale traditionnelle qui veut que lorsque vous suivez un maître, il faut lui être toujours fidèle. Vous n'avez pas le droit d'apprendre auprès d'autres personnes que lui. Or c'est ce que fait le personnage d'Edison Chen, et Richie Jen ne l'accepte pas du tout.
Quel réalisateur citeriez-vous comme votre plus grande source d'inspiration dans le cinéma d'arts martiaux ?
Je citerais Chang Cheh, qui est excellent dans les films d'action virils. Mais personnellement, je préfère Chu Yuan qui est plus créatif et donne une autre dimension au cinéma d'arts martiaux.
Bien que le film se déroule parfois en extérieur, on a l'impression d'être tout du long dans un huis clos, un effet suggéré par la photographie en demi-teintes. Comment avez-vous envisagé l'esthétique de Snipers ?
Les films d'arts martiaux véhiculent toujours quelque chose de froid car ils mettent en scène des gens très talentueux. Or les gens talentueux sont seuls, leur don les isole des autres. Dans Snipers il y a aussi cette sensation de froid et elle est reflétée notamment à travers les couleurs. J'ai voulu cette esthétique monochrome. Mon intention était aussi de concentrer l'attention du public sur ce que ressentaient les personnages. Je ne voulais pas qu'il soit distrait par autre chose.
Les acteurs ont-ils subi un entrainement particulier pour ce film ?
J'ai recruté d'anciens snipers pour former les acteurs intensivement pendant un mois, afin qu'ils soient crédibles. Dans l'équipe de tireurs du film, il y a d'ailleurs de véritables snipers.
Pourquoi la sortie du film à Hong Kong a-t-elle été autant retardée ? Quel rôle le scandale lié à Edison Chen a-t-il eu dans ce contretemps?
Je pense que ce retard est principalement dû aux thèmes du film et au caractère un peu ambigu de sa morale. Les policiers ne sont pas tous bons, les méchants ne sont pas tous si méchants, et tout cela ne plaît pas beaucoup aux autorités chinoises. L'affaire Edison Chen a peut-être eu une incidence mais elle n'a pas pu constituer un élément déterminant aux yeux du comité de censure.
Un autre réalisateur (NDLR : Stephen Fung) a, lui, décidé de retourner entièrement les scènes d'Edison Chen avec un nouvel acteur à l'époque du scandale.
Il y a des gens qui m'ont proposé de faire la même chose mais j'ai refusé. Je leur ai répondu que ce n'était pas possible.
Quels sont vos prochains projets ? Allez-vous revenir vers la comédie ou continuer dans ce type d'univers très sérieux ?
J'ai trois projets cette année. Je vais tourner un autre film policier en mai qui est censé sortir en Chine continentale et qui est donc plus basique. Je vais ensuite tourner un autre film en juillet. Pour celui-ci, nous laissons tomber le marché chinois et il s'agira donc d'un projet plus personnel. Enfin, je vais tourner une comédie d'action pour le Nouvel An chinois, à destination du grand public.
Propos recueillis par Caroline et Elodie Leroy le 15 mars 2009