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Interview Philippe Falardeau

Le 30/10/2007 à 11:30
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Interview Philippe Falardeau

A l'occasion de la sortie de Congorama en dvd (édité chez UGC PH), le réalisateur québécois Philippe Falardeau a répondu à nos questions. Il se penche tout particulièrement sur les suppléments très authentiques (à l'image de son film drôle et sincère) du dvd, l'occasion nous étant aussi donnée d'évoquer son premier long, La Moitié gauche du frigo, qui figure sur le second disque.

 

 Interview Philippe Falardeau

 

Filmsactu : Congorama sort en dvd dans nos contrées le 24 octobre. Bien que le film a reçu un bel accueil de la part de la critique, on ne vous connaît pas encore vraiment. Si on remonte loin dans votre parcours, vous avez d'abord suivi des études de sciences politiques au Canada avant de travailler comme analyste politique. Comment en êtes-vous arrivé au cinéma ?

Philippe Falardeau : Je suis arrivé au cinéma par accident. Alors que je complétais une maîtrise en relation internationale en 1992, j'ai posé ma candidature à l'émission La course destination monde à Radio-Canada. Héritière de la défunte Course autour du monde (France, Belgique, Suisse et Canada), cette émission envoyait chaque année 8 vidéastes amateurs autour du monde pendant six mois. Ces derniers devaient réaliser vingt reportages sur les sujets de leur choix.  À mon grand étonnement, ma candidature fut retenue. Je n'avais aucune expérience avec une caméra. J'ai donc fait mes premières armes au cinéma au Guatemala, en Bulgarie, en Libye, au Burundi, bref dans une vingtaine de pays. À mon retour, j'ai travaillé comme documentariste à l'Office national du film du Canada. Un jour, j'ai eu envie de tourner un documentaire sur la recherche d'emploi de mon colocataire qui galérait depuis un bon moment. Heureusement pour lui, mais malheureusement pour moi, il a fini par trouver du boulot avant que je ne débute. J'ai donc eu l'idée de tourner un faux documentaire avec des vrais comédiens sur le même thème. J'accouchais de ma première fiction, La Moitié gauche du frigo.

 

Interview Philippe Falardeau

 

Dans le film, l'une des collègues de Michel lui demande d'où lui vient l'inspiration en tant qu'inventeur de voitures propres. Et vous comment vous est venue l'idée du scénario qui aborde des thèmes aussi variés que la quête d'identité, la paternité, la famille?

Concrètement, j'ai eu l'idée de ce film dans un avion qui me ramenait de Belgique. J'ai écrit le synopsis sur la serviette qui me servait de sous-verre. Je buvais du rhum et on dit que l'effet de l'alcool s'accentue en altitude ce qui explique peut-être certaines fantaisies dans le film.

Plus sérieusement, après la sortie de mon premier long-métrage, La Moitié gauche du frigo, j'ai rencontré des cinéastes belges dans quelques festivals de films. Je suis allé passer un peu de temps à Bruxelles où je me suis tout de suite senti à l'aise. J'ai trouvé qu'il y avait une familiarité commune entre Belge et Québécois, un humour commun, souvent autodérisoire, ainsi qu'une omniprésence des questions identitaires. Nous vivons dans des pays bilingues où nous sommes des minorités linguistiques. Nous sommes francophones, mais ne sommes pas des français et devons constamment nous positionner par rapport à la culture française : nous profitons de son rayonnement, mais nous nous en distinguons également, chacun à notre manière. Pour toutes ces raisons, j'ai eu goût de raconter une histoire qui se déroulerait chez moi et en Belgique et qui aborderait la question de l'identité.  Au fil de l'écriture, le thème de la famille, mais surtout celui de la paternité, au sens propre et figuré, a émergé naturellement. Par ailleurs, je travaillais depuis quelques années à un projet de documentaire sur les véhicules électriques qui s'est avéré trop ambitieux. J'ai recyclé quelques enjeux autour de la voiture électrique et j'en ai fait le moteur dramatique du film. Ce n'est pas le sujet de Congorama, mais ça participe à la mécanique qui fait avancer l'histoire.

 

Le dvd comporte peu de bonus mais ce qu'on en retient c'est leur originalité, qui va à l'encontre de ce qu'on peut attendre d'habitude du support : commentaire audio, making of, etc... Pourquoi ce choix et comment avez-vous procédé à l'élaboration des bonus ?

Je trouve que les makings of classiques en sont venus à désacraliser un peu notre métier. Par ailleurs, ils s'avèrent être souvent de plates promotions du film déguisés en documentaire. Je ne voulais pas d'entrevue avec les comédiens qui décrivent leur personnage ni de catalogue de moments cocasses pendant le tournage. Tout cela me semblait relativement insignifiant. Il faut dire que le DVD québécois comporte un peu plus de bonus mais dont la portée était moins pertinente pour le public français.

 

Interview Philippe Falardeau

 

Les images de l'Atomium qui figurent au début de votre film ont été tournées en 1958 par Victor Falardeau. Est-ce votre père ? À l'époque ce monument phare de la ville de Bruxelles n'était-il pas déjà protégé par un droit d'auteur ?

Victor Falardeau était mon oncle. Il a beaucoup voyagé et tourné de nombreux films en 8mm. J'étais heureux de pouvoir recycler le patrimoine familial de cette manière. Quant au droit d'auteur, il ne proscrit pas de filmer l'Atomium pour des usages personnels, mais bien de les utiliser dans une oeuvre commerciale sans payer des droits. Victor Falardeau pouvait donc filmer l'Atomium comme des millions de visiteurs.

 

Le « vrai-faux guide » Vincent Lannoo tente d'expliquer dans le bonus « Les couilles du roi » comment est construit l'Atomium. Comment vous est venue cette idée saugrenue de l'intégrer aux bonus du dvd ?

J'ai un faible pour les faux documentaires. C'est une forme narrative qui me permet de questionner le vrai du faux tout en contrôlant bien le récit et les ressorts humoristiques. Puis les Belges sont passés maîtres dans cette forme. Vincent Lannoo a lui-même réalisé l'excellent Strass, un faux documentaire sur l'école d'art dramatique de Bruxelles.

 

Dans un autre des bonus intitulé « L'Auto électrique, de la fiction à la réalité », vous rendez visite à Yves Toussaint, du laboratoire de Green Propulsion à Liège, et créateur de prototypes de voitures non-polluantes. Cet homme partage donc bien des points communs avec le personnage principal de votre film Michel Roy. Comment l'avez-vous rencontré ? Car il faut bien avouer que c'est un hasard très troublant...

En cherchant le lieu de tournage pour le laboratoire du personnage de Michel, le directeur artistique belge m'a proposé l'atelier de Green Propulsion. Je ne connaissais pas cet atelier. Nous avons soumis le scénario à son directeur Yves Toussaint pour qu'il puisse jauger le sérieux du projet. À la lecture, il a vite été troublé par les ressemblances entre sa vie et celui du personnage principal. Pourtant, Monsieur Toussaint m'était totalement inconnu. Le plus drôle, c'est que Congorama aborde aussi le phénomène des coïncidences de par sa construction scénaristique. Preuve que la réalité dépasse toujours la fiction.

 

De manière générale, êtes-vous un gros consommateur de dvd ? Quels sont les derniers achats que vous avez effectué ?

J'achète de plus en plus de dvd, mais ma collection est encore très modeste. Un ami me demandait récemment pourquoi j'achetais des films. Je lui ai répondu qu'on aimait bien conserver les livres qu'on a lus dans notre bibliothèque, alors pourquoi pas les films. D'autant plus qu'il y a plus de chance de revoir un film que de relire un livre. Récemment, j'ai acheté Les Berkman se séparent, Sideways, L'Emploi du temps, Kingdom of Heaven dont la version dvd est de loin plus intéressante que la version sortie en salle, puis la série Rome diffusée sur HBO.

 

Interview Philippe FalardeauPhilippe Falardeau 

 

 

LA MOITIE GAUCHE DU FRIGO

 

Sous ses airs de «vrai-faux» documentaire sur la recherche d'emploi d'un simple quidam, votre premier film dénonce une réalité sociale. Peut-on dire que c'est un film politique voire anti-capitaliste?

Je préfère parler de faux documentaire tout court car c'est bel et bien une fiction, entièrement scénarisé et dialogué, mais qui emprunte la forme du documentaire comme convention narrative. C'est effectivement un film politique. Au début de l'écriture, ce film se voulait une dénonciation d'un système qui dit créer de la richesse sans nécessairement créer du travail. Au Canada, le taux de chômage n'avait jamais été aussi haut depuis des années. Mais au fur et à mesure de l'écriture, je me suis rendu compte qu'au cinéma, on ne s'attache pas à des concepts mais à des personnages. J'ai donc voulu porter un regard socio-humoristique sur le quotidien d'un chômeur à travers le point de vue de son ami qui décide de tourner un documentaire sur sa recherche d'emploi. Au final, si le film est un objet politique, l'histoire, elle, est avant tout humaine. Ça parle moins de chômage que de notre rapport au travail. Et puis, quand on y pense, un film est surtout politique ou engagé quand on le remet dans son contexte. Si je tourne un film sur deux amants qui s'embrassent au parc Montsouris, ce n'est pas très politique. Si je fais le même film dans un parc de Téhéran, le film prend une dimension engagée.

 

Avez-vous eu des difficultés à trouver un financement ?

Pas du tout. Le budget était modeste, environ 500 000 euros. Je n'ai manqué de rien et le scénario a été financé du premier coup.

 

Par l'approche que vous adoptez, utilisation de la caméra à l'épaule, dénonciation d'une vérité sociale et économique, le chômage, on pense souvent à Michael Moore. Que vous évoque son travail ?

Le travail de Michael Moore s'inscrit beaucoup dans l'univers qu'il dénonce. Ses films sont surtout des objets de divertissement. Sa méthode documentaire laisse à désirer même si son propos demeure valable, voire nécessaire.  Dans mon film, le personnage du documentariste reprend certaines techniques de guérilla de Moore, mais il a souvent l'air fou.  Ça se retourne contre lui. Une manière pour moi de faire un clin d'oeil à Moore en même temps que de le critiquer.

 

Comment le film a-t-il été accueilli et perçu au Québec?

Personne n'attendait ce film. Personnellement, je croyais qu'il resterait deux ou trois semaines à l'affiche.  Il y est resté quatre mois. Aujourd'hui, on m'en parle encore beaucoup. Il a marqué toute une génération. Parce que c'était un O.V.N.I., parce qu'il mettait en vedette de nouveaux visages, parce qu'il y avait une charge politique, parce que je traitais d'un sujet grave avec humour.

 

   

PROJETS

 

Votre nouveau film s'intitulera « C'est pas moi, je le jure ». A quel stade du projet en êtes-vous ? Pouvez-vous nous en raconter un peu l'histoire ? Je viens de terminer le tournage. Les dernières images ont été filmées en Grèce. J'ai adapté un roman Québécois qui porte le même titre, écrit par Bruno Hébert. C'est le livre le plus drôle que j'ai lu de ma vie. C'est l'histoire de Léon, un jeune garçon de dix ans, destructeur et autodestructeur, qui voit sa mère quitter le foyer familial en 1968 pour partir en Grèce et ne plus revenir. Totalement épris de sa mère, Léon va transférer tout son amour sur la petite voisine. Ensemble, ils vont connaître l'été de toute une vie.

 

Terminons par une question plus générale, comment se porte le cinéma québécois actuellement et quel regard portez-vous sur celui-ci ?

Cette question nécessiterait à elle seule une réponse de trois pages ! Commercialement, le cinéma Québécois se porte très bien depuis sept ou huit ans. Il y a eu une belle progression des recettes au guichet et on produit plus de films que jamais. La contre partie, c'est que le cinéma à saveur commerciale laisse de moins en mois d'espace au cinéma d'auteur. Nous avons un système de financement public dont la moitié des enveloppes sont attribuées automatiquement aux producteurs ayant produit des films à succès. Ceci pénalise les producteurs qui privilégient un cinéma plus risqué ou plus singulier et qui ne bénéficient pas de mêmes moyens de mise en marché. Il faut dire cependant que les films à succès ont eu comme effet d'aiguiser la curiosité du grand public qui se risque davantage à aller voir des films d'auteur. En analysant l'ensemble des cinémas nationaux, on peut noter des situations similaires.

 







Congorama
Congorama
Sortie : 24 Octobre 2007
Éditeur : UGC Video

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