Film récent oblige, le transfert de Congorama est élégant et soigné. La définition est largement appréciable offrant une bonne gestion des contrastes et une palette de couleurs large alliant des textures froides à des tessitures plus naturelles, comme les séquences tournées au Québec. Bien que certaines images manquent parfois d'éclat et de piqué, le résultat proposé est plus que correct.
Quant au transfert de La Moitié gauche du frigo, tourné en caméra numérique, il offre un résultat des plus satisfaisant, aucun artéfact majeur ne venant parasiter une copie nette et dotée d'une belle luminosité.
Congorama est doté d'une unique piste française en DD 5.1. Si le film n'abonde pas d'effets en tous genres, la musique et les dialogues s'apprécient tout particulièrement le plus souvent sur les avants. Cependant quelques séquences réservent une belle spatialisation sonore comme la scène impressionnante de l'accident à laquelle on ne s'attend pas du tout et dans laquelle tous les surrounds sont sollicités.
Pour La Moitié gauche du frigo, les dialogues sont moins bien équilibrés et cela nous oblige à bien tendre l'oreille. Autrement, les bruits de fond (les sons de rue et d'ambiance) sont très bien rendus.
Il faudra retenir de cette édition collector double dvd l'originalité des suppléments proposés qui, à moins de ne pas apprécier l'humour belge, devraient vous faire rire.
DVD 1
Scènes supprimées (durée totale : 10min85)
Elles sont au nombre de cinq. La première, Les Gosses de Jésus, se situe lors de la fête champêtre. Michel (Olivier Gourmet) et Priest, légèrement éméchés, dissertent sur le fils imaginaire d'Einstein et sur les gosses (terme québécois pour dire « couilles ») de Jésus. Philippe Falardeau et la monteuse Frédérique Broos interviennent ensuite en disant que la scène n'a pas été retenue au montage final pour cause de longueur. Dans la seconde, Garage Legros et fils, Michel se rend chez un garagiste afin d'obtenir un renseignement. Selon le réalisateur, cette scène n'avait tout simplement pas sa place dans le film, le fil du récit pouvant tenir debout tout sans ces nouveaux éléments. La troisième, La turbine à batterie, met en scène un cultivateur Louis (Paul Ahmarani) dissertant sur le moteur hybride de la voiture de ce dernier. Bien que drôle et poétique, cette scène était interminable et ralentissait le film. Dans la quatrième, Arrivée de Louis à Liège, Louis se rend chez Michel et la femme de celui-ci lui offre à boire en attendant le retour de son mari. Cette scène a été éliminée du montage car le suspense ne fonctionnait pas. Enfin pour Où est le tableau ?, Philippe Falardeau propose un QCM de quatre réponses possibles pour tenter d'expliquer la disparition du tableau dans la chambre d'hôtel. Le ou la gagnante aura droit à passer un magnifique week-end dans la dite chambre d'hôtel !
Atomium « Les couilles du roi » (8min20)
Caméra au poing, Philippe Falardeau se rend sur le site de l'Atomium à Bruxelles où s'est tenue l'exposition universelle de 1958 évoquée dans le film. Il suit un « guide » belge qui lui explique qu'il n'a pas le droit de filmer ce monument impressionnant haut de 102 mètres. Le guide, qui se nomme en réalité Vincent Lannoo et qui n'est autre que le réalisateur et scénariste de Strass (2001), tentera par tous les moyens de représenter l'Atomium grâce aux moyens du bord (en l'occurrence ici des cure-dents et des choux de Bruxelles pour représenter la structure...). Ce vrai-faux documentaire se regarde avec le sourire. C'est de l'humour belge et c'est très drôle !
L'Auto électrique « de la fiction à la réalité » (5min52)
Toujours armé de sa caméra, le réalisateur se rend cette fois-ci à Liège, au laboratoire de recherche Green Propulsion, pour y effectuer un reportage sur son directeur, Yves Toussaint, dont le parcours professionnel (et personnel) ressemble à s'y méprendre au personnage principal de Congorama interprété par Olivier Gourmet. Comme Michel Roy dans le film, le chercheur travaille sur des prototypes de voitures propres. Il nous fait la démonstration d'un kart entièrement électrique qui passe de 0 à 100 km/h en 2,5 secondes ! Pour le futur, Yves Toussaint planche sur des modèles de voiture entièrement électriques.
Making of de l'accident (5min44)
Ce segment permet d'avoir une explication claire et cohérente de la façon dont a été tournée la scène de l'accident de voiture. Reconstituée en studio, cette séquence a nécessité l'utilisation du célèbre fond vert, de l'usage de plusieurs caméras captant les points de vue des personnages de Michel et de Louis, et des bras de quelques techniciens afin de faire bouger la voiture.
L'intéractivité s'achève sur une bande-annonce du film (1min40) qui a l'intelligence de ne rien dévoiler du film si ce n'est l'émeu (sorte d'autruche)...
DVD 2
Long métrage inédit La Moitié gauche du frigo (4/3, 87 min), réalisé par Philippe Falardeau
En recherche active d'emploi, le jeune ingénieur Christophe accepte de laisser son colocataire et meilleur ami Stéphane Demers, un activiste social impliqué dans le domaine du théâtre, tourner un documentaire sur sa vie de tous les jours jusqu'au moment où il trouvera du travail. Sous le regard indiscret de la caméra, le jeune homme multiplie inlassablement les entrevues infructueuses, sort avec des amis, flirte avec la caissière d'un supermarché et tente en vain d'obtenir des prestations d'assurance chômage. Au fil du temps, Christophe trouve de plus en plus envahissante la petite équipe de cinéma, jusqu'au jour où un incident provoque une dispute entre Stéphane et lui, mettant fin abruptement au tournage...
Ayant vécu une expérience similaire, Philippe Falardeau a imaginé filmer son colocataire de l'époque dans sa recherche quotidienne d'emploi. Seulement celui-ci a finalement trouvé un job avant que le tournage ne commence... Dommage pour l'apprenti réalisateur qui décida tout de même d'en faire un film avec de vrais acteurs. On retrouve donc avec plaisir l'alter-ego du cinéaste, Paul Ahmarani de Congorama dans le rôle de Christophe.
Depuis son expérience sur La Course destination monde en 1988 (présentée par Radio-Canada l'émission envoyait des participants armés d'une caméra amateur dans différentes régions du monde afin de réaliser des courts films de genres différents reflétant leurs découvertes), Philippe Falardeau a toujours eu un goût prononcé pour les documentaires ou les faux documentaires. Dans La Moitié gauche du frigo, le réalisateur brouille les pistes sans distinguer le vrai du faux. A nous spectateurs de juger ce qui est réel et ce qui ne l'est pas. Une chose est sûre, le fond de l'histoire, la difficulté de trouver du travail au Québec, s'inscrit bel et bien dans une réalité sociale de notre époque. La caméra de Stéphane Demers (à l'origine du reportage) et donc l'œil de Philippe Falardeau, suit le quotidien de Christophe jusque dans ses moments les plus intimes. Les entretiens d'embauche, les beuveries avec les amis, les nombreux flirts avec la jolie caissière. Le procédé est intelligent car c'est à une véritable recherche identitaire que l'on assiste. Le personnage passe de l'espoir au doute au fur et à mesure que ses perspectives de réussite s'amenuisent. Sa quête existentialiste prend alors le dessus sur le reste et Christophe se remet en question. La pression monte et le documentaire qui devait en principe être de courte durée s'étire en longueur et prend finalement les proportions d'un long-métrage. Stéphane ne cache pas ses intentions, il réalise petit à petit un film politique dénonciateur d'une certaine situation sociale et économique. Il évoque le licenciement abusif, le monopole des grandes entreprises, la délocalisation, la mondialisation et ses conséquences. Ayant suivi des études en sciences politiques, Philippe Falardeau en sait quelque chose.
L'autre force du film est le propos universel de l'histoire : des personnes comme Christophe, on en a tous connu. Paumé et ne sachant plus que faire de sa recherche d'emploi (qui n'en finit pas et qui apporte malgré tout quelques longueurs au film), Christophe réfléchit à plusieurs moyens de sortir de cette impasse. Après s'être querellé avec son ami Stéphane qui s'est permis d'intervenir un peu trop dans sa vie, Christophe décide de partir direction Vancouver. Même à l'opposé du Québec, la réalité est la même. Christophe passe par des jobs précaires pour pouvoir s'en sortir. Il décide donc d'en finir avec l'incertitude d'une vie vouée à l'échec qui ne lui apporte qu'instabilité et découragement. Guitariste amateur, il décide finalement de tout plaquer et de suivre ce que lui dictent ses envies et passions. La caméra s'arrête là et l'amitié entre Christophe et Stéphane aussi sans doute.
Philippe Falardeau livre avec La Moitié gauche du frigo un premier film très prometteur, drôle, et touchant, qui dénonce une réalité sociale palpable. Créatif et original, ce film est le premier d'une œuvre engagée qu'il poursuit avec la réalisation de Congorama.