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Le tribunal des flagrants délires : Interview de Luis Régo

Le 24/11/2009 à 20:36
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Le tribunal des flagrants délires : Interview de Luis Régo

Luis Rego, né le 30 mai 1943 à Lisbonne, est un musicien et un acteur français. À 17 ans, il fuit le Portugal pour échapper au service militaire en Angola, qui était encore une colonie portugaise. Il débute sa carrière comme musicien dans Les Problèmes qui accompagnent Antoine. Le groupe devient en 1966 "Les Charlots". Il partage avec eux le succès de leurs nombreuses chansons humoristiques (Paulette la reine des paupiettes, On n'est pas là pour se faire engueuler...). En 1971, après avoir tourné le film Les bidasses en folie, il décide de quitter le groupe. Il joue en solo dans plusieurs films à succès (Les Bronzés, Les hommes préfèrent les grosses, La vengeance du serpent à plumes...). Puis, dans les années 80, face au procureur de la République Pierre Desproges, Luis Rego était l'avocat commis d'office ("avocat le plus bas d'Inter") des invités du Tribunal des flagrants délires.

 

Le tribunal des flagrants délires : Interview de Luis Régo

 

A propos des trois émissions filmées.

Déjà, je peux dire que sur toutes les émissions que nous avons enregistrées, ces trois-là ne sont vraiment pas les meilleures. Pour ce qui est du contexte : je crois me souvenir que Claude Berri voulait venir filmer notre émission ... et je ne sais plus trop pourquoi ! Je crois que lui-même ne savait pas trop ce qu'il allait trouver ! C'était un test, pour voir si Le Tribunal pouvait être transposé à la télévision. Mais il faut différencier les deux émissions qui avaient été tournées chez Radio France (Jean-Marie Le Pen et Patrick-Poivre d'Arvor) et celle tournée comme un pilote pour une émission télé (Jean Carmé). Les deux premières ont vraiment été faites dans le même esprit que toutes les autres émissions de radio que nous avions fait jusqu'alors, tandis que la dernière était bien différente. D'abord nous étions sur un plateau de télévision, ensuite nous avions des contraintes liées à la technique, aux caméras, à la lumière.

 

A propos de ses années au Tribunal

J'en garde un souvenir très agréable car c'était une époque où l'on pouvait être créatif. Je n'ai pas toujours eu la chance d'évoluer dans des entreprises où c'était le cas ! Bref, je n'y étais pas dans l'esprit de venir faire mon texte juste pour toucher mon chèque et basta.

 

A propos de son rôle d'avocat

Au début, la tentation était de brancarder l'invité. Je me suis aperçu rapidement que je n'allais pas me moquer d'Annie Cordy ! Vous le savez, le "milieu" a des têtes de Turc et tout le monde s'accorde pour taper dessus. Moi ça m'embêtait de rire des gens qui faisaient le même métier que moi. Je me suis donc vite dégagé de cette contrainte pour faire ce que j'avais envie de faire. Et personne ne m'en a empêché, personne ne m'a dit que je faisais fausse route, donc j'ai continué. Tant que je faisais rire le public, j'avais toutes les libertés. C'est pourquoi je préférais titiller les politiques et les animateurs télé, que je mets dans le même sac. J'attaquais les premiers parce que personne n'osait le faire et les seconds, parce que j'en avais assez de leur plein-pouvoir et de leur propagande quotidienne. Vous savez, en deux ans d'émission sur France Inter, presqu'un quart des invités ont été des animateurs télé. C'était insupportable de voir que la radio servait de lieu de promotion à ces gens de télévision !

 

Le tribunal des flagrants délires : Interview de Luis Régo

 

A propos de ses textes

J'avais la peur de la feuille blanche. J'avais toujours une semaine d'avance sur l'invité, pour ne pas me sentir étouffé. Certains arrivent à écrire à la dernière minute, pas moi. Je suis peut-être trop trouillard pour ça et pas assez doué pour l'improvisation.

 

A propos de ses rapports avec Pierre Desproges

Il y a toujours de la rivalité. Un succès trop bruyant de votre coéquipier se transforme vite en souffrance, ce n'est pas possible autrement. On veut toujours être à la même hauteur que l'autre. Je n'étais pas jaloux de son succès, mais je faisais des pieds et des mains pour qu'il ne récolte pas tous les éloges. C'était compliqué pour moi, car il passait juste avant. Alors, j'écrivais mes textes avec cette contrainte en tête. Parfois, j'avais une idée de jeu de mot ou de blague sur un invité, mais je ne les gardais pas car connaissant Pierre, je savais qu'il allait les faire juste avant moi !

 

A propos de Jean-Marie Le Pen

Pierre n'était pas favorable à la venue de Le Pen à l'émission. Moi non plus d'ailleurs, ce n'était pas ma tasse de thé. Mais comme c'était Claude et France Inter qui faisaient la programmation, nous ne pouvions nous mêler de ça. Aujourd'hui, cette émission a une aura particulière, mais au moment où on l'a enregistrée, il faut se souvenir que Jean-Marie Le Pen n'avait alors pas la cote qu'il a eue par la suite ... et qui lui a été ravie aujourd'hui par Eric Besson et Brice Hortefeux !

 

Le tribunal des flagrants délires : Interview de Luis Régo


A propos de son sketch, la journée du Fasciste

J'ai essayé de faire ce sketch sur scène, mais il fonctionnait beaucoup moins bien. J'avais l'impression de pousser une locomotive à mains nues. Il y a sur scène une sorte de tabou que bizarrement, nous n'avions pas à la radio. Lorsque dans mes spectacles je disais "Je suis fasciste", certaines personnes dans la salle semblaient me croire... Souvenez-vous de l'époque où Guy Bedos faisait son sketch Voyage à Marrakech avec Sophie Daumier, il a eu beaucoup d'ennuis ! Moi je l'ai vu jouer ce sketch à la Comédie des Champs-Elysées, il y avait une voix-off durant le noir disant "ce sketch est à vocation anti-raciste" pour que les gens ne le prennent pas au premier degré !

 

A propos de la liberté à l'antenne

C'est assez paradoxal. On a l'impression qu'on peut tout dire aujourd'hui, mais qu'on a plus autant de liberté qu'avant ! Le seul endroit où l'on parle en toute liberté, je crois que c'est chez Taddei ... mais bon, ce n'est pas franchement drôle. Je crois qu'à l'époque il n'y avait pas cette séparation entre émission de variété et émission culturelle. Le tribunal en était un bon exemple : on parlait de choses sérieuses sur un ton léger. Le marché actuel amène au formatage, c'est certain ...

 

A propos de la radio aujourd'hui

Toutes les radios ont aujourd'hui leur brocardeur de service, mais aucun n'arrive à vraiment déranger. La vanne est devenue systématique, donc elle a un peu perdu de se puissance. Sans compter que la vanne d'aujourd'hui s'attaque souvent à des cibles faciles. Donc, ça ne dérange personne. Ca n'interloque personne. La people-isation a introduit une idée assez étrange : on invite des gens pour se moquer d'eux et non pas pour parler avec eux ! Et puis il y a tellement de gens invités sur les plateaux que tout ça devient bien éphémère. Et il faut le dire aussi : ceux qui osent s'attaquer aux puissants ne font pas long-feu. Et ceux qui acquièrent un peu de notoriété commencent à avoir un carnet d'adresse et décident souvent d'arrêter de faire les pitres.

 

A propos de l'humour actuel

Moi ce qui me fait rire, c'est quand un bon mot met les dirigeants dans l'embarras. Les mecs qui font des vannes sur Carla Bruni ne m'intéressent pas. Vanner sur la vie privée des gens, c'est le degré zéro. Par exemple, quand Stéphane Guillon fait son papier sur DSK, il lui tombe dessus sous un angle qui ne me plait pas trop. J'ai beaucoup aimé le livre de Patrick Rambaud, Le règne de Nicolas 1er. Voilà un homme qui a réussi à trouver un bon angle d'attaque pour parler du Président. Dommage qu'il ne soit pas à l'antenne celui-là.

 

Propos recuillis et retranscrits par Pierre Delorme

Le tribunal des flagrants délires : Interview de Luis Régo

 







Le tribunal des flagrants délires de France Inter
Le tribunal des flagrants délires de France Inter
Sortie : 24 Novembre 2009
Éditeur : Studio Canal Video

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