Wolverine : Interview de Gavin Hood

Le 02/12/2009 à 21:30
Par Kevin Prin

Malgré une fuite jamais vue dans l'industrie du cinéma, le film s'étant retrouvé sur internet un mois avant sa sortie mondiale, X-Men Origins : Wolverine aura connu un franc succès à travers le monde. A l'occasion de la sortie du DVD et du Blu-Ray dans les bacs, le réalisateur Gavin Hood a accepté de parler de son expérience sur ce film... et de son ressenti envers le piratage !

Comment s'est passé votre approche de ce film ?

Avec précaution ! Il s'agit de l'histoire d'un homme avec des griffes, un concept difficile à traiter pour ne pas le trahir. Pour être franc, je ne pensais pas qu'un jour je ferais ce genre de film. J'ai reçu un appel de mon agent, m'expliquant que Hugh Jackman voulait me rencontrer. Je pensais qu'il plaisantait ! Je suis parti le rencontrer et je lui ai demandé ce qu'il pensait qu'un réalisateur comme moi pourrait apporter à ce type de film, en lui précisant bien que je ne m'y connaissais pas en comics. Je connaissais les films en tant que spectateur, sans croire un seul instant que j'en réaliserai un un jour.

Hugh m'a alors répondu qu'il avait vu et beaucoup aimé Tsotsi. Selon lui le film parlait d'un personnage qui avait des tendances violentes et qui essayait de se trouver une nature plus humaine. Il pensait que maintenant qu'il allait devoir interpréter un Wolverine qui est le personnage principal de son film, et non le membre d'un groupe comme dans les trois films X-Men, il avait besoin d'être sûr que cet aspect de sa personnalité soit respecté. Il a eu ses très belles paroles « Je suis le meilleur à ce que je fais mais ce que je fais n'est pas très beau ». Wolverine n'est pas un personnage fier de sa nature. J'avais donc là une bonne raison de faire le film : le personnage. Mais ce n'était pas tout ! Wolverine est aussi un film d'action, ce qui m'intéressait énormément. Je n'arrivais pas à croire qu'on m'autorise tout de suite à en faire un de cette échelle. Faire un film d'action et d'effets spéciaux avec un personnage fort, le tout pour la saison des blockbusters, m'a convaincu.

C'était une bonne expérience ?

Oui. Une expérience stressante parfois, mais oui. C'est comme quand on se tape la tête contre les murs : c'est super quand ça s'arrête.

Quel a été votre plus gros challenge sur le film ?

Cette interview. ... Non, je ne sais pas, il y en a tellement... Je pense que le plus gros challenge était d'assurer toute la partie « scènes d'action » qui serait la première raison pour laquelle les spectateurs allaient venir dans la salle. Mais ces spectateurs n'auraient pas adhéré si le personnage ne provoquait pas l'empathie. L'époque où les gens vont juste voir des effets spéciaux sur grand écran, qu'importe ce que déblatèrent les acteurs, est révolue. Il n'y a plus rien de nouveau à ça. Les gens se disent maintenant « Ok, le personnage parle, mais il a intérêt à avoir quelque chose d'intéressant à dire ». C'est pareil avec les effets spéciaux : ils ont intérêt à être réussis. Les spectateurs ont déjà vu des effets spéciaux, maintenant ils en veulent des bons. Surtout que maintenant ils pensent savoir comment on fait des SFX grâce aux bonus des DVD ! Ils sont prêts à voler des films sur internet et les voir avant même qu'ils soient prêts... si vous voyez de quoi je veux parler !! Donc les spectateurs savent ce qu'est un SFX et ne sont plus impressionnés. Il ne reste plus que l'essence même du cinéma : les personnages, la dramaturgie qui les lie, ... c'est ça aujourd'hui qui est excitant. Si vous rajoutez à cela de l'action, des effets spéciaux spectaculaires et un peu d'humour, et c'est parfait.

Comment s'est passé votre travail avec Hugh Jackman ? Vous arriviez à la diriger alors qu'il interprétait son personnage pour la quatrième fois et le connaissait sans doute par cœur ?

Je lui ai demandé si je devais être intimidé par cela. Il m'a répondu qu'il avait toujours fait partie d'un casting global, qu'il n'avait jamais été le personnage principal et qu'il n'avait jamais abordé son passé. Dans les trois précédents films Wolverine est un personnage au passé mystérieux mais dont on ne sait rien et dont il ne dévoile rien. Donc, dans un sens, puisque Wolverine est une préquelle, le film marche tout seul. Si vous n'avez pas vu les autres, qu'importe. J'ai donc décidé de m'en inspirer mais de ne pas les laisser m'influencer.

Aviez-vous peur de la réaction des fans ?

Bien sûr, et pas qu'un peu ! Surtout lorsque j'ai commencé à regarder les forums et à lire des choses du genre "J'espère que ce type ne va pas ruiner Gambit, car Gambit a des yeux rouges et j'espère qu'il aura des yeux rouges dans le film ! ». OK. Donc je dois tourner une scène où Gambit joue aux cartes autour d'une table avec des gens normaux et personne ne doit remarquer qu'il a des yeux rouges. Ou j'énerve les fans ou je leur fait un clin d'œil en faisant un gros plan sur lui montrant qu'il a des yeux rouges. J'ai choisi la seconde solution. Le film était parsemé de pièges comme celui-ci. C'est un peu comme ceux qui ne jurent que par le costume en cuir jaune de Wolverine. Désolé, j'ai choisi son accoutrement jean/T-Shirt. La raison pour laquelle j'ai pris les comics au sérieux, c'est que Logan est impossible à cerner d'une manière définitive. Nous avons décidé d'être fidèle à ses griffes, ses capacités régénératrices et son conflit interne. Beaucoup se disputent sur le fait que Victor Creed est le demi-frère ou non de Logan. Moi je préfère qu'il soit son grand frère. Pourquoi ? Parce que leur relation devient beaucoup plus intéressante. Et lorsque vous n'avez que moins de deux heures pour raconteur une histoire, la plus dramatique vous la rendez le meilleur c'est. Et j'espère que les hardcore fans s'en rendent compte. Victor Creed est son demi-frère dans le film. Voilà.

C'est notre interpretation. Si dans cinq ans quelqu'un fait un film où il est en costume jaune et que ça marche, tant mieux pour lui. X-Men Origins : Wolverine est NOTRE version.

Qu'avez-vous ressenti quand la version pirate non terminée est tombée sur internet ?

Je me suis senti comme une merde (*). C'était un choc. C'est comme si je prenais votre carnet de notes et que je le publiais sur internet avant que vous en ayez fait une vraie interview intéressante à lire. Bien sûr ce n'est pas la fin du monde, vous avez envie d'aller de l'avant et de finir votre travail. Nous serons jugés sur le travail terminé. Certains vont aimer, d'autre non. Tant pis, il faut que notre travail soit terminé. Donc c'était un choc, je me suis senti soudainement mis à nu, vulnérable. J'avais envie de crier « Les mecs, les mecs, les mecs, ce n'est ça le film que vous vouliez voir !!! ». Attendez bon sang. Si vous voulez vraiment me voir travailler sur le film, si vous voulez vraiment le voir non terminé, appelez-moi et je vous ferais peut-être venir en salle de montage ! L'histoire était là dans la version non terminée, mais il manquait 400 effets spéciaux. La bande-originale n'était pas la bonne, le mixage n'était pas terminé. Je suis content d'avoir reçu autant de retours positifs sur l'histoire, mais à quel prix ? Vous aviez tellement envie de voir Wolverine que vous ne pouviez pas attendre quelques semaines de plus pour le voir terminé ?

Vous avez une solution pour que ce genre d'incident n'arrive plus ?

Je ne sais pas, mais les studios vont devoir trouver une solution. Les gens pensent ne pas nous avoir fait de mal mais Hollywood est un business comme les autres. On a besoin d'investisseurs pour faire des films, alors qu'ils n'ont pas à le faire. Ils peuvent très bien investir dans des hôtels ou des courses de cheveux, dans ce qu'ils veulent ! Si un investisseur pense que son investissement va être volé, il devient nerveux.

Avez-vous alors pensé à des changements pour encourager les gens à voir le montage final ?

Bien sûr. Il y a par exemple plusieurs fins alternatives. Et ces fins ne seront pas les mêmes en fonction des salles de cinéma. Bien sûr qu'on ne va pas se gêner pour leur faire du tort à ces pirates. Bande de bâtards !!! (**)