LLOYD KAUFMAN : interview Toxic Avenger, Paris, Rocky, Stan Lee, James Gunn

Lloyd Kaufman a effectué une grande tournée tournée française en janvier afin de soutenir la sortie française d’un coffret Toxic Avenger par Splendor Film. A 72 ans, le new-yorkais accompagné par sa femme Pat est toujours aussi enthousiaste à l'idée de rencontrer ses fans, de parler de ses créations et des films Troma.

FilmsActu a eu l’occasion de discuter avec lui, en présence de Toxic Avenger en T-shirt Motörhead, dans une des salles de la cinémathèque de Paris qui lui rendait hommage.


( (c) facebook Splendor Films)

Au lieu d’une traditionnelle interview, on a proposé à Lloyd de piocher des mots dans un seau et de nous les commenter. Voici quelques extraits (par écrit et en vidéo) de cet entretien avec cette figure essentielle du cinéma indépendant américain qui tâche.

TOXIC AVENGER


Lloyd Kaufman : On l’aime Toxie. Ma femme dit que Toxie est Lloyd Kaufman et que les 4 films sont autobiographiques. Puisque je suis narcissique, j’adore Lloyd Kaufman. J’aime beaucoup les underdogs, les seconds couteaux. Tous mes films concernent les underdogs.

Comment est venu l’idée de Toxic Avenger ?
Je pourrais en parler pendant des heures. Nous avions tourné des films comme Squeeze Play, Waitress !, The First Turn-on, Stuck On You, avec du sexe et de la satire. C’était alors original. Porky’s (1982) n’était pas encore sorti. Après Porky’s, les plus gros studios ont commencé à produire les mêmes films que Troma. Mais ils trichaient. Ils prenaient des bons comédiens et des bons scénarios. Ce n’est pas correct pour ce genre de films. Dans un journal, c'était Variety je crois, on a lu un article dont le titre était « les films d’horreur ne fonctionnent plus au cinéma.» Michael Hertz, mon partenaire dans Troma, a alors dit « Si les experts disent quelque chose, il faut faire l’opposé ». On a décidé de produire un film d’horreur mais comme nous aimons la comédie, le second degré et la satire, on a voulu les combiner avec l’horreuren plus d'un fond politique. Comme j’aime Charlie Chaplin, j’ai mis une femme aveugle. Comme je suis obsédé avec Frankenstein, il y a un monstre mais on a toujours voulu qu’il survive. J’ai revu des films de Preston Sturges, et j’ai créé la ville de Tromaville qui imite la satire de Preston Sturges au sujet des villages américains. Il y a aussi un gag dans Toxic Avenger qui fait référence à Max Linder. J’ai copié un de ses sketchs.  

Vous êtes surpris de constater que 30 ans plus tard, Toxic Avenger est toujours aussi populaire ?
C’est incroyable. Je ne sais pas pourquoi mais c’est formidable. Il y a même une comédie musicale Toxic Avenger The Musical qui est très amusante. Elle a été jouée à Londres et à Broadway.



Qu’en est-il de cette histoire de remake par Legendary ?
Il y a 10 ans, Akiva Goldsman, qui a eu un Oscar (pour un Homme d'exception en 2001), a voulu faire un remake mais c’est tombé à l’eau. Ils n’ont pas réussi à trouver ce qu’ils voulaient faire. Maintenant, Legendary a payé pour embaucher un scénariste. Legendary a déjà interviewé 5 scénaristes potentiels et ils ont tous travaillé pour Troma par le passé. Il y a Joe Lynch et quelques autres. Mais pourquoi il ne me demande pas à moi ? Je veux le faire. Ca c’est le monde.

Qui verriez-vous incarner Toxic Avenger ?
Je n’en ai aucune idée. Mais pour la fille, ma femme et moi aimons beaucoup Emma Stone. Honnêtement, les vedettes ne m’intéressent pas du tout. Je préfère ne pas avoir de stars. C’est plus réaliste avec des acteurs inconnus. Si vous avez Julia Roberts en Sarah, cela reste Julia Roberts. Ou Sylvie Vartan. Impossible de l’oublier. Alors qu’avec une inconnue en Sarah, on ne verra que Sarah. Surtout dans un film fou.

GROS PINARD

Que veut dire Pinard ? Ha oui Pinard. Merde, je n’avais jamais vu le mot écrit. J’ai passé un an au Tchad. J’aimais beaucoup le gros pinard.

NEW-YORK

Une ville arrogante mais we love New-York. Ma femme a été commissaire de films dans l’état de New-York pendant 20 ans malgré Troma, Blood sucking Freaks, Terror Firmer et toutes ces merdes. Elle a eu une carrière politique incroyable. Mais je préfère Tromaville.

PARIS

Sirap ? '(Lloyd lit le papier à l'envers avant que sa femme ne lui fasse remarquer).
Nous adorons Paris. C’est la ville de France Gall. C’est la ville de Catherine Ringer, Catherine Deneuve. J’aime beaucoup le jeu de Parme, Orsay, les travestis.

Mais vous n’avez jamais fait de film en France ?
J’aimerai mais personne ne veut en faire avec nous. Mais Edouard Baer a joué dans Terror Firmer et Ariel Wizman a participé. Si je trouve quelqu’un prêt à partager les frais, cela serait un rêve de tourner à Paris. On en a parlé avec Edouard Baer. On pourrait faire Toxic à Paris, Toxic concierge à l’hotel Ibis.

BOOBS & MONSTERS

On aime pas le mot boobs. Il me dérange maintenant. Je préfère dire les « mémés ». J’adore les monstres. J’adore ce que sont les boobs mais le mot n’est plus politiquement correct.

Quand j’étais ado pour moi les films Troma signifiaient des monstres et des filles topless.
Tu n’es pas le seul. Dans Shakespeare Shitstorm, mon nouveau film, il y a beaucoup de « mémés ». Tu seras très heureux. Et il y a aussi beaucoup de pénis pour les demoiselles. C’est très politiquement correct.

ROCKY

On adore Rocky. Ma femme est dans Rocky, moi aussi. Troma a produit toutes les scènes à Philadelphie du film. C’était notre équipe non syndiquée qui s’en est chargée comme pour Cry Uncle aussi de John Avildsen. Notre équipe a filmé tous les extérieurs à Philadelphie, notamment lorsque Rocky qui monte les marches. J’ai organisé la production de ces scènes. Quand Avidsen a gagné son Oscar, il m’a remercié. Rocky a été une grande influence et Avidsen mon mentor. On était bons amis jusqu’à sa mort. J’avais filmé en super 8 les coulisses du tournage. Il y a un an, un employé de Troma a retrouvé la pellicule dans la cave et je les ai envoyé à Avidsen qui a monté 10 minutes. Elles se retrouvent sur le Blu-Ray de Rocky. On peut voir comment Rocky a été produit. Comme un film Troma. En utilisant les habitants de Philadelphie comme figurants sans les payer. On utilisait l’eau et les tuyaux d’arrosage des maisons pour mouiller les rues afin qu'elles reflètent les lumières de la nuit. La steadycam a été utilisée pour la première fois sur Rocky. A cette époque chez Troma, pour filmer quelqu’un qui conduisait, on plaçait le caméraman sur le capot de la voiture. Dans les films de studio, les acteurs ne conduisaient pas. La voiture était tirée. Mais là Avidsen était attaché sur le capot tandis que Stallone roule. On le voit dans ce montage.

Vous apparaissez dans Rocky.
Oui je suis un drunk. 



On a mis tous nos films des 40 premières années gratuitement sur Troma Movies sur youtube.  

STAN LEE

Nous étions amis depuis les années 70. Stan Lee, c’était un chinois bien sûr. Il était très gentil. Mon premier nom est Stanley aussi. J’ai été à l’université de Yale. Je n’ai rien appris sauf le cinéma. J’ai vu beaucoup de films et pris beaucoup de drogues. Mais le type à côté de ma chambre avait une énorme collection de comic books Marvel que j’ai lu. C’était en 1965, 1966. C’était incroyable. Après avoir été diplômé de Yale, j’ai recherché Stan Lee. Il n’était pas encore célèbre à cette époque. Il habitait New-York. Il avait une idée de scénario que j’ai écrit : Stan Lee’s Night of the Witch. Cannon a acheté le scénario mais le film n’a pas été fait. Il y a 10 ans, le film aurait pu se faire avec un producteur finlandais. Mais son équipe n’a pas voulu. Stan Lee ne pouvait qu’être associé aux gros films Marvel. Ce film a été important pour moi car quand je l’ai écrit, j’ai eu l’idée que la sorcière ne doit tuer que les méchants. Stan a aimé cette idée et je l’ai reprise pour Toxic. C’est un monstre mais il ne tue que les criminels.

JAMES GUNN


On aime James Gunn. Il est formidable, gentil, généreux, incroyablement doué. Il y a des années, je cherchais un assistant et un ami de ma soeur qui travaillait à HBO, un très mauvais endroit, les gens y sont affreux mais leurs productions excellentes, m'a donné le CV de James qui se déclarait « artiste performeur qui vomit sur scène ». C’était l’assistant qu’il me fallait. J’avais des problèmes avec Tromeo et Juliette. Je venais de passer cinq ans sur le scénario sans parvenir à le boucler. James Gunn avait écrit un livre et je lui ai demandé de m’aider. Il voulait alors être écrivain. Il ne pensait pas aux scénarios. J'ai assisté pour qu'il m'aide. Il a trouvé la solution. Tromeo et Juliette n’aurait pas été si bon sans lui. Il m’a aidé à écrire mon premier livre.

Qu’avez-vous pensé de ses ennuis avec Marvel ?
J’ai été le premier à réagir. J’ai tourné une vidéo pour contester. L’info est apparue pendant le San Diego Comic-Con. Nous avons un stand Troma là bas et j’ai tout de suite tourné une vidéo. Beaucoup de comédiens passaient à notre stand et je leur demandais de témoigner en vidéo pour soutenir James. Ils disaient tous « je reviens plus tard ». Personne ne l’a fait. Ce n’est plus tard que les acteurs des Gardiens ont témoigné. Mais pas suffisamment selon moi sauf Dave Bautista qui a dit quelque chose de fort. Les autres ont signé une lettre mais n’ont pas dit comme lui qu’ils quitteraient les Gardiens si James Gunn n’était pas repris. C’est ce qu’il fallait dire. Mais j’ai parlé avec lui. Il va très bien. Il prépare Suicide Squad 2. Pour lui, c’est parfait. Le premier était une merde. C’était horrible. Et une fois de plus, James Gunn va transformer la merde en or. Ce qui est arrivé c’est stupide. C’est le pendant négatif de #metoo.  Ce mouvement a été bénéfique mais il a aussi ses travers. Comme avec James Gunn. Ses tweets n’étaient que des blagues d’il y a longtemps. De mauvais goût certes mais c’était de l’humour. C’est dommage.



Merci à Lloyd Kaufman, sa femme Pat, Splendor Films, la Cinémathèque de Paris pour cet interview.

Un énorme merci aussi à Pierre Champleboux et Marie Quasi.