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"Marianne peut être vue comme une déclaration d’amour à Stephen King" interview

Le 17/09/2019 à 19:01
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Marianne est la première série française d'horreur de Netflix. Une initiative que l'on ne peut que saluer et encourager ici à FilmsActu. (et que Stephen King vient d'ailleurs d'adouber sur twitter).

On a l'occasion d'en discuter avec son réalisateur et créateur Samuel Bodin (Lazy CompanyTank). Adolescent, il rêvait qu'une sorcière le poursuivait et possédait les personnes qu'il aimait. Aujourd'hui, Samuel en a fait une série sur Netflix à forte influence Stephen King. 

Films d Horreur / Fantastique

L'histoire : Découvrant que ses histoires terrifiantes deviennent réalité, Emma, une romancière d'épouvante, retourne dans sa ville natale pour affronter les démons du passé qui l’ont poussée à écrire.

Qu’est ce qui est le plus compliqué en France quand on se lance dans une série d’horreur ? 

Samuel : C’est d’arriver jusqu’au tournage (rires). Même si les mentalités changent. Les spectateurs de genre ou d’épouvante ont toujours été là. Mais en France, on ne s’intéressait pas à eux. Du moins à la télévision. En ce moment, plus de gens se rendent compte qu’il y a ce public qui aime les histoires qui font peur et qu’il faut peut-être commencé à lui proposer des histoires. D'autant plus que sa tranche d'âge est vaste. Mais les choses changent. Marianne en est la preuve.

 

Dès que l’on se tourne vers le fantastique ou l’épouvante en France, il y a un rejet du public qui se dit « c’est français donc c’est nul ». Le ressens-tu ?

Oui. Cela vient de notre culture. Comme tout le monde, j’ai été éduqué aux films anglo-saxons, surtout dans le fantastique. C’est pour cela que j’ai voulu faire une série comme Marianne. Dès l’adolescence, j’ai entendu parler anglais sur ce genre d’histoire. Quand on raconte ces histoires en France, il y a presque une barrière invisible. Mais c’est notre travail à nous d’essayer de changer les mentalités. De briser ces réflexes. Et de placer nos dialogues, nos textes en français dans ces univers visuels.

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En parlant d’univers visuel, Marianne se déroule à Elden, une ville imaginaire en Bretagne qui aurait tout aussi bien pu être située dans le Maine. Notamment avec son phare, ses ambiances…

Complètement. Marianne peut être vue comme une déclaration d’amour à Stephen King. Je ne sais plus si j’ai commencé à inventer des histoires après avoir lu Stephen King ou si parce que je voulais raconter des histoires, je me suis mis à Stephen King. C’est vrai que cette petite ville pourrait être dans le Maine au bord de la mer. Les histoires qui font peur s’installent dans ce genre de ville pour moi. C’est un village qui est en France mais on ne sait pas où. Comme on ne sait pas où se situe Springfield dans les Simpson par exemple (rires). J’espère qu’ainsi la barrière du oh ‘c’est français, c’est nul’ va s’atténuer.

 

Quel cinéma a nourri Marianne ? As-tu conseillé des films à tes actrices ?

On s’est fait des projections avec les acteurs. J’aime bien faire ça. On s’est regardé l’Exorciste de William Friedkin, Shining aussi qui est une de mes références absolues.  Marianne s’en nourrit dans l’ambiance. Pas que l’on prétend arriver au même niveau de terreur blanche parce qu’il faut être un cinéaste grandiose mais j’ai beaucoup regardé Shining pour voir comment Kubrick plaçait l’humour dans ses dialogues. On a peur mais on rit en même temps. Personne n’a jamais aussi bien réussi à le faire sans tomber dans la parodie ou le burlesque. J'ai aussi montré Conjuring de James Wan à mes acteurs pour le côté ludique de l’horreur. James Wan est virtuose avec ce film là. J’ai aussi beaucoup regardé Insidious car malgré les faibles moyens qu’il avait, le résultat est exemplaire. Puis j’adore les westerns. Je m’endors et je me lève avec Sergio Leone. On a aussi regardé Wes Anderson pour le rapport entre les personnages dans un environnement qui n’est plus le réel.

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Tu as décrit la série comme Hank Moody à l’Overlook Hotel.

Stephen King encore. Qu’un personnage ait le sens de l’humour est pour moi une preuve de son intelligence.  Ce n’est pas se moquer des situations. Dans Marianne les situations sont horrifiques et dramatiques et les personnages se les prennent de plein fouet, mais leur système de défense est l’humour. En ce qui concerne Emma (son personnage principal) c’est aussi son système offensif. Quand je regarde une fiction j’ai envie de me réveiller le matin en riant et me coucher le soir en pleurant. Je n’avais pas envie que Marianne soit un tunnel sombre du début à la fin. Je voulais rire, pleurer et avoir peur avec les personnages. Qu’ils ne soient pas figés. Cela demande parfois de marcher sur le fil du rasoir. Je ne dis pas que je n’ai jamais dérapé par moment mais c'est ce que je voulais faire.

 

Est-il plus dur aujourd’hui de faire peur ?

Il y a des gens tellement talentueux qui l’ont fait avant, donc oui. C’est une peur que j’ai depuis longtemps. Est ce que je vais y arriver ? Je n'ai pas arrêté de me le demander (rires). On a beaucoup travaillé en amont pour y arriver et pour que les moments de peur soient sincères. Même si nos temps de tournage sont réduits par rapport au cinéma et que l’épouvante demande beaucoup de préparation/

 

Qu’est ce qui t’a inspiré l’histoire de Marianne ?

Il y a deux choses. Cela fait longtemps que je voulais écrire une histoire de femmes. Je voulais créer Emma, ce personnage féminin qui n’avait pas de cellule familiale à défendre, qui avait du mal à trouver sa place alors qu’elle avait tout ce qu’elle voulait. J’ai beaucoup pensé à Bojack Horseman, à ce genre de personnage sauf que j’avais envie de voir une femme dans cette situation. Et de voir comment elle allait la gérer. Ou pas. Puis je voulais qu’elle affronte une entité féminine. C’est un combat de femmes. L’autre chose, c’est un cauchemar que je faisais pré-adolescent. Le mien était que j’étais poursuivi par une sorcière qui se logeait dans les gens que j’aime. Je courrais, j’étais aidé par des potes, des proches mais elle les possédait et je devais courir dans l’autre sens. C’était naïf mais récurrent. Cela a duré un an et demi. ça s’est arrêté quand j’ai commencé à regarder des films d’horreur. Cette idée de faire une histoire d’épouvante avec ce souvenir me trotte depuis très longtemps. En lisant, je me suis rendu compte qu’il y a pas mal de pré-adolescents masculins qui faisaient ce cauchemar. Notamment le créateur de It Follows. L’idée de ce film lui est venu de ce genre de cauchemar.


 

Comment travaille-t-on avec Netflix ? Y-a-t-il une chartre à suivre ? T’a-t-on refusé des scènes ou imposé d’autres ?

Il n’y a jamais eu de censure. Quand Netflix nous a rejoint, on avait déjà bien avancé le scénario avec Quoc Dang Tran et mes producteurs. Ils nous ont rejoint en nous demandant que la série soit prête à telle date ce qui était beaucoup plus tôt que ce que l’on avait imaginé. Il a fallu avancer en conséquence. En échange, ils se sont engagés à nous laisser une grande liberté. Ils ont tenu leur parole. En ce qui concerne la violence ou l’horreur, ils n’ont jamais mis leur véto sur quoique ce soit. Ce qui a pu les déranger, on en a parlé avant. Il y a toujours eu des discussions artistiques. Parfois, ils m’ont même demandé pourquoi on n'allait pas plus loin. Le réel ennemi de Netflix aujourd’hui c’est la cigarette (rires). Pour le reste, ils sont dans l’histoire de ce qu’ils produisent. Notre relation a été créative et à visage humain.


La force de Netflix, c’est aussi les débouchés immédiats à l’étranger.

Oui et j’ai dû mal à me projeter là-dedans. La série sort dans 150 pays en même temps, c’est assez impressionnant. Cela m’intimide beaucoup. Mais c’est assez excitant. Même si Marianne est au fin fond du catalogue Netflix dans beaucoup de pays, le public là-bas peut regarder une série d’épouvante française s’il en a envie.

 

Pourrait-il y avoir une saison 2 ?

Oui. Il pourrait y avoir une suite. Marianne n’est pas une mini- série même si cette saison se suffit à elle-même. On attend de voir ce qu’il se passe. Mais on nous a demandé de réfléchir à une suite. On y travaille. Quand Netflix valide une suite, cela va vite. Le spectateur aime que les saisons suivantes arrivent vite. C’est compliqué (rires). Je n’ai pas envie de compresser l’écriture. C’est ce qui manque dans les séries françaises à mon sens, plus de temps pour l’écriture. Le mieux est de commencer le plus tôt. On y réfléchit beaucoup et on attend de voir si le public est demandeur.

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Au début du premier épisode, il y a une comptine en chanson sur Marianne. On pense forcément à Freddy Krueger, Candyman et à d’autres.

Oui forcément. La peur se raccroche souvent à quelque chose de naïf et à l’enfance. Les comptines m’ont toujours fait peur. Celle de Freddy même traduite en français, on s’en souvient tous. C’est le côté ludique, effrayant et naïf. Avec la sorcière m’est très vite venue une comptine. J’ai écrit les paroles et le compositeur de la série en a fait une comptine d’enfant. La vision de la sorcière dans Marianne est très naïve, cela vient de la sorcière de Blanche-Neige. Forcément, les enfants du village devaient lui inventer une chanson.

 

As-tu étudié la possession ou tes références sont essentiellement cinématographiques ?

Elles sont cinématographiques et littéraires. Les histoires qui m’ont le plus terrifié sont celles que j’ai lues. La littérature est un véhicule incroyable et peut nous effrayer encore plus profondément que le cinéma. J’ai très peu lu sur la réalité de la possession. Je voulais que l’on reste dans la fiction. Après je me suis régalé en me documentant sur la liste des démons et sur les manières de les convoquer.

Quel est le dernier film fantastique ou d’horreur qui t’ait marqué ? 

Ce que fait Ari Aster est dingue (Midsommar, Hérédité). Quand on préparait Marianne est sorti Hérédité. J’ai pris une grande claque. J’ai emmené les acteurs de la série le voir au cinéma. On retrouve la terreur blanche que l’on a dans Shining. C’est-à-dire une horreur cinématographique et cinégénique. 

 

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