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Robert Redford : entretien avec une légende du cinéma

Le 26/09/2015 à 16:30
Par
Robert Redford Interview

Ce samedi 26 septembre sur la chaîne Sundance Channel seront diffusés deux films présentés cette année au célèbre festival américain de cinéma indépendant. L’occasion, pour FilmsActu, de rencontrer le légendaire Robert Redford, créateur du festival et de sa chaîne éponyme.
 

Comment est né Sundance ?

Sundance est né en 1978, à une époque où les studios hollywoodiens concentraient leurs forces sur un catalogue plus réduit. Et il me semblait alors très important de garder vivant le cinéma indépendant. Le Festival a donc commencé, pour les jeunes artistes, comme un laboratoire où ils pouvaient développer leur savoir-faire. J'ai demandé à mes collègues réalisateurs, acteurs, scénaristes et aux différents techniciens que je connaissais, de venir jouer les mentors pour des cinéastes en herbe. Mais une fois que leurs films étaient faits, nous nous sommes rendus compte qu'il n'y avait pas de place pour eux : la distribution des films mainstream des grands studios les empêchaient d'avoir une visibilité. D’où l'idée d'un festival. Un lieu communautaire où ils pourraient se retrouver, communiquer et échanger sur leurs œuvres.
 

Et Sundance Channel ?

En fait dans les années 90, le Festival a pris une ampleur que je n'aurai jamais pu imaginer. Il faut dire qu’il a été créé dans les montagnes de l'Utah, en plein pays Mormon... (rires). Donc à cette époque je me suis rendu compte qu’on tenait quelque chose de vraiment important. Mais un festival est un évènement limité dans la durée, seulement 10 jours en janvier en ce qui nous concerne. Donc c'était important pour moi d'accompagner ce travail tout au long de l'année. Ainsi est née la chaîne de télévision Sundance. Elle a d'abord été lancée aux Etats-Unis mais avec la mondialisation qui s’est accélérée, on a réalisé qu'on pouvait importer des films étrangers, développer notre concept et créer un dialogue culturel avec d'autres pays. Et à partir de là, le festival a connu une croissance exponentielle, presque hors de contrôle... (rires)
 

"Presque hors de contrôle" ? Le festival est-il devenu trop grand ?

Disons que le festival était très petit à l’origine. Il n'y avait qu’un cinéma, environ 150 films et seulement une centaine de spectateurs. Aujourd’hui il y a peut-être 20 cinémas et plus de 70 000 visiteurs. C'est presque trop gros à gérer. Mais les problèmes ont vraiment débarqué lorsque le festival est devenu suffisamment important pour attirer de mauvaises personnes, des gens extérieurs à l’industrie cinématographique. En clair, les maisons de mode, la parfumerie... etc. Ils ont peu à peu envahi l'espace en offrant aux boutiques de la ville 3 fois le prix du loyer pour les occuper pendant la durée du festival. Puis ils attiraient les célébrités avec des promesses de cadeaux en tout genre et les célébrités attiraient les paparazzis et tout ça prenait le pas sur le cinéma. Mais avec la récession de 2008, les marques sont parties, ce qui nous a permis de renouer avec l’esprit original du festival.

Robert Redford© Pierre-Olivier Photographe

 

Pensez-vous que Sundance a, d'une certaine manière, influencé Hollywood ?

Peut-être un peu, mais Sundance n'a pas été créé pour lutter contre Hollywood. L’idée était plutôt de proposer quelque chose qui soit complémentaire. Hollywood est une très bonne industrie dont je fais d’ailleurs partie. Mais je trouvais qu’il y avait un recentrage dans leur manière de travailler et qu’ils suivaient l’argent facile en s’axant majoritairement sur les blockbusters ou les films à destination du jeune public et en perdant une dimension plus humaine du cinéma. Et ce qui s’est passé c’est qu’au début du Festival, les studios ne venaient jamais. Mais quand il a commencé à prendre de l'ampleur et que les films montrés là-bas trouvaient un écho plus large et entraient dans le paysage cinématographique mainstream, Hollywood a en quelque sorte découvert Sundance et les studios ont commencé à venir pour acheter des films. Dans un sens, ils ont fini par nous adopter.
 

Le sujet principal de la dernière cérémonie des Oscars et du dernier Festival de Cannes était le manque de diversité. Est-ce important pour vous, le Festival et la chaîne de lutter contre cette discrimination ?

Oui, c’est le plus important. Le festival a été créé pour aider et mettre en avant la diversité, parce qu’à l’époque elle n’était presque pas présente dans le cinéma mainstream des grands studios. D’ailleurs dès les années 90 à Sundance on a soutenu et mis en avant des cinéastes noirs puis des artistes féminines comme Nicole Holofcener (All about Albert), Kimberly Pierce (Boys Don't Cry) ou encore Kathryn Bigelow (Zero Dark Thirty). Je pense que les femmes sont importantes dans l’univers cinématographique mais qu’elles n’ont jamais eu le soutien et la reconnaissance qu’elles méritent. Ça commence à changer, mais lentement…
 

En parlant de changement, pensez-vous que le futur du cinéma se trouve à la télévision ? Avec des chaînes spécialisées comme Sundance, l’âge d’or des séries ou encore la VOD ?

Je pense que la qualité des séries a un impact bénéfique sur celui des films, mais je ne pense pas que la télévision remplacera un jour le cinéma. Je pense qu’il y aura toujours un intérêt à aller au cinéma, à s’installer tous ensemble dans une salle obscure et à regarder un film sur un écran géant. Car c’est à cet endroit que chaque film mérite d’être découvert et je déteste vraiment l’idée que ça puisse disparaître un jour.
 

Justement, Steven Spielberg et George Lucas ont récemment prédit une implosion de l’industrie qui engendrerait notamment une réduction de salles et une flambée du prix des places…

Personnellement je ne pense pas qu’il y aura une implosion de l’industrie. Peut-être qu’elle se réduira, qu’elle changera tout simplement de forme ou de système de concentration… Mais les blockbusters auront toujours une certaine valeur et une certaine importance au sein du paysage cinématographique car les jeunes raffolent de ces films. Et je pense que même si certaines de ces grosses productions venaient à se planter au box-office, Hollywood trouverait forcément une solution. Ce que disent George et Steven est peut-être vrai, mais selon moi il y aura toujours de gros films et de petits films, quelle que soit leurs formes.

Robert Redford
En parlant de blockbuster, on vous a récemment vu dans Captain America, le Soldat de l'Hiver. Quel souvenir en gardez-vous ?

J’ai adoré jouer dans ce film parce que pour une fois j’interprète le méchant. J’avais toujours rêvé d’en jouer un, mais les personnages qu’on me proposait étaient très superficiels et je voulais un rôle avec plus de relief et de profondeur. Par exemple, le personnage d’Orson Welles dans Le Troisième Homme est tout à fait fascinant, à tel point qu’on prend du plaisir à observer sa vilenie. Et il m’a fallu attendre Captain America 2 et le rôle d’Alexander Pierce pour jouer un méchant à la fois intelligent et intéressant.
 

Revenons un instant sur une rencontre importante de votre carrière. Comment était-ce de travailler avec Paul Newman ? 

C'était génial. Paul et moi sommes devenus très amis suite au tournage de Butch Cassidy et le Kid. J'ai aimé travailler avec lui car c'était quelqu'un de très généreux et qui m'a toujours soutenu. Par exemple, quand nous avons travaillé ensemble pour la première fois, il était très connu et pas moi, on avait 11 ans d'écart et les gens du studio disaient : "Non, Redford n'est pas assez connu, c'est impossible de le mettre à côté d'une grande star comme Paul Newman". Le réalisateur du film George Roy Hill me voulait pour le rôle, mais pas le studio. Alors j'ai rencontré Paul et c'est lui qui a ensuite dit au studio : "Non, on le fait avec Bob Redford" et c'est pour ça que j'ai eu le rôle, donc je lui doit beaucoup. Au final je pense que les succès de Butch Cassidy et de L'Arnaque appartiennent d'une part à George Roy Hill qui est, au passage, un réalisateur passionnant et dont l'oeuvre est malheureusement trop peu reconnue de nos jours, et de l'autre à Paul Newman.

Robert Redford
Et est-ce vrai que vous lui avez proposé, peu avant sa mort, de jouer avec vous dans A Walk in the Woods ?

Oui, c'est vrai. En fait quand j'ai lu le livre pour la première fois, il y a maintenant 12 ans, Paul et moi on cherchait un troisième film à faire ensemble et je pensais que ça pouvait être sur ce projet. Alors j'ai été voir Paul, je lui ai proposé mais il m'a dit : "J'adore cette idée mais je ne pense pas que je suis capable de le faire". Beaucoup d'années s'étaient écoulées depuis L'Arnaque et notre différence d'âge, à l'écran, était devenue plus évidente qu'à l'époque. Il me disait qu'il se sentait trop vieux et incapable physiquement d'assurer ce que le rôle aurait pu exiger de lui. Il a décidé de s'écarter du projet et pensait déjà à la retraite, donc j'ai cherché un autre acteur un peu plus proche de mon âge. Et c'est là que j'ai pensé à Nick Nolte.
 

 

Ce samedi 26 septembre Sundance Channel diffusera deux films remarqués au dernier festival de Sundance, The Strongest Man et Christmas, Again, ainsi qu'une longue interview de Robert Redford (à partir de 21h).


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Robert Redford
Robert Redford
Né le : 18 Août 1936

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