Focus sur les Blu-Ray d'Un Singe en Hiver, Le Président et Mélodie en Sous-Sol

"Verneuil était capable du meilleur comme du pire, mais plusieurs de ses films ont été réhabilités depuis longtemps" expliquait il y a peu Bertrand Tavernier dans une interview accordée en marge du festival des Lumières à Lyon. De réhabilitation il est question aujourd'hui, puisque l'éditeur EuropaCorp vient de sortir en Blu-Ray trois des plus grands films du réalisateur : Le Président (1961), Un Singe en Hiver (1962) et Mélodie en Sous-Sol (1963). Trois œuvres incontournables du cinéma hexagonal, nées de la formation d'un carré magique composé de Verneuil à la réalisation, Michel Audiard au scénario, Jacques Bar à la production et Jean Gabin devant la caméra.

Edités pour la première fois en HD et ayant bénéficié d'une restauration complète, ces trois films retrouvent ici une jeunesse que les moins de 50 ans ne peuvent pas connaître - on pourra même parler "redécouverte" pour ceux qui, comme l'auteur de ces lignes, étaient habitués à quelques VHS usées car regardées un trop grand nombre de fois. Ce qui est valable pour l'image l'est d'ailleurs également pour le son, puisqu'avec leurs pistes en DTS HD Master Audio 2.0, ces disques redonnent aux dialogues d'Audiard la clarté et la limpidité qui leur sont dues. Bref, pour faire simple et utiliser la vieille formule habituelle des tests Blu-Ray : on a jamais vu les films de Verneuil comme ça. C'est pourquoi nous ne nous étalerons pas sur les spécificités techniques de ces disques, mais plutôt sur leur contenu et plus particulièrement sur leurs bonus. (On notera tout de même que Mélodie en Sous-sol est – fort heureusement – présenté dans sa version noir et blanc et non dans sa version colorisée, qui en plus de défigurer le film s'avère plus courte de 15 minutes).

Chacun de ces trois disques contient donc un making-of inédit, mélangeant interviews récentes, entretiens d'époque et images d'archives (dont de sublimes photos sur le tournage de Mélodie en sous-sol). Réalisées par Jérôme Wybon, ces vidéos (de 30 minutes chacune environ) reviennent sur la mise en chantier de ces films nés d'un accord entre Jacques Bar et la MGM, sur leur tournage, sur le travail de Verneuil et celui de Gabin et le rapport de ce dernier avec ceux qui lui donnaient la réplique (Blier, Belmondo et Delon). "Chaque documentaire que j’ai réalisé pour ces éditions, et qui sont produits par l’Atelier d’images, comportent de nombreux documents inédits et rares" explique Wybon sur son site Forgotten Silver. "Sur Le Président, il y a une interview de Jean Gabin sur le tournage ; sur Un Singe en Hiver, on peut voir le tournage de la corrida avec Belmondo, et sur Mélodie en sous-sol, j’ai retrouvé une interview d’Alain Delon alors en voyage promotionnel aux Etats-Unis, lors de la sortie d’Any Number can Win, le titre américain du film. Sur Un Singe en Hiver, j’ai également découvert une émission de radio de 1970 qui est en fait une Masterclass dans un cinéclub parisien où, juste après une projection du film, Henri Verneuil, Jean Gabin et Paul Frankeur répondent avec plaisir aux questions des spectateurs." Du côté des interviews inédites, la parole a été donnée à Michel Wyn (assistant réalisateur), au très instructif Philippe Lombard (auteur du livre "Les Grandes gueules du cinéma français") et à Françoise Bonnot (monteuse), qui viennent compléter des entretiens de Jacques Bar et Claude Pinoteau (Assistant Réalisateur devenu par la suite Réalisateur).

Le visionnage de ces trois suppléments complète à merveille les films, puisqu'en plus de les resituer dans leur contexte économique (Gabin, Audiard et Verneuil avaient quasiment signé un CDD de trois ans avec Bar pour faire ces films) et artistique (bien qu'ils aient été tournés au début des années 60, ces films sont clairement à l'opposé des dogmes de la Nouvelle Vague qui était en plein boom à cette époque), ils se montrent riches en anecdotes en tous genres. Ainsi, on apprendra qu'Un Singe en Hiver et Mélodie en sous-sol ont été tournés presque "par défaut" - à la base, deux autres films avaient été proposés à Gabin, qui les a refusé car ils impliquaient tous deux des séquences en mer (et Gabin n'aimait pas naviguer) – ou encore que lorsqu'il a découvert que la production ne voulait pas payer son cachet (jugé trop cher), Alain Delon a accepter de faire Mélodie à l'œil. Sur les conseils de Verneuil, il a demandé en échange de son travail les droits d'exploitation du film pour le Japon. Là-bas, le film a été un succès tel qu'il a finalement gagné plus d'argent ainsi que si la production avait accepté de payer le salaire qu'il désirait ! Des petites histoires telles que celles-ci, vous en trouverez d'autres sur ces Blu-Ray, vendus séparément ou en coffret.

Deux choses pour finir. Toujours du côté des suppléments, il faut préciser qu'Un Singe en Hiver dispose d'un module en plus intitulé "Retour à Tigreville" (4 minutes), qui comme son titre l'indique est consacré au lieu de tournage du film : la petite ville de Villerville dans le Calvados, qui n'a pas beaucoup changé depuis 1962. Concis et instructif. Enfin, ceux qui suivent l'actualité Blu-Ray au quotidien savent qu'un autre Verneuil / Gabin est prévu pour cette fin d'année : Le Clan des Siciliens (1969, avec Delon et Ventura). Ce disque n'est pas édité par EuropaCorp mais par Fox, qui compte le sortir le 27 novembre prochain. Comme nous n'avons pas eu l'occasion de recevoir ce disque, nous n'avons pu le traiter en même temps que les autres. Mais dès que nous l'aurons reçu, nous vous en parlerons, promis.