Tourné en caméra HD numérique (la Genesis de Panavision qui a servi au tournage de Superman Returns de Bryan Singer), 7h58 ce samedi-là bénéficie d'un honnête transfert sur galette, seulement honnête car la définition manque parfois de détails et la palette colorimétrique d'un manque de profondeur. De plus, la présence de nombreux troubles entraine un manque de clarté évident. En fait, dès qu'il y a de l'action dans le champ, les troubles commencent à apparaitre mais la netteté se rétablit lors des plans fixes. Si Sidney Lumet a fait le choix du numérique, c'est pour retrouver des tonalités plus naturelles et réalistes au détriment de couleurs plus chaudes et davantage travaillées. Cela entraine néanmoins une surexposition peu reluisante de certains plans, passant de séquences aux couleurs ternes à des séquences trop lumineuses, rendant les tonalités d'ensemble très froides, quasi cliniques.
Le dvdvore aura ici l'embarras du choix. En effet, quatre pistes sont proposées par l'éditeur : deux Dolby Stéréo en anglais et français et deux mixages Dolby Digital 5.1 dans les mêmes langues. Commençons par les détenteurs de home-cinéma qui bénéficieront d'un bon traitement du son avec notamment une utilisation des canaux très ouverte où retentiront des effets divers et variés et notamment le leitmotiv musical créé par le compositeur Carter Burwell (collaborateur attitré des frères Coen sur tous leurs films) et qui annonce l'irréversible tragédie familiale. Le subwoofer trouve ici toute sa place et les basses retentissent si bien qu'elles feront à coup sûr vibrer votre plancher ! Le 5.1 français est assez égal à son homologue restituant les mêmes ambiances et des résultats sonores très plaisants. Pour le reste, les deux mixages stéréo sont satisfaisants, délivrant des dialogues clairs bien que manquant parfois d'ampleur.
Commentaire du film par Sidney Lumet, Ethan Hawke et Philip Seymour Hoffman (vostf)
Voici un remarquable commentaire audio où les deux acteurs principaux redeviennent comme des gamins quand ils s'adressent au cinéaste âgé de 83 ans. Les questions s'enchaînent : « Eh Sidney, c'était comment de travailler avec Katharine Hepburn ? », « Eh Sidney, Albert Finney a changé depuis Le Crime de l'Orient-Express ? », et le silence religieux qui s'ensuit quand Lumet prend la parole démontre tout l'immense respect des deux comédiens envers leur réalisateur. Bien que ce dernier joue avec son âge (« J'ai tendance à oublier que je suis un vieillard »), Sidney Lumet possède une folle énergie et le commentaire est à son image : passionnant, dynamique, dans lequel ressort son amour incommensurable pour ses acteurs qu'il félicite à de nombreuses reprises. Parallèlement, il dissèque quelques scènes et nous expose les avantages de la caméra HD (facilité de montage, rapidité de tournage, éclairage naturel renforçant le réalisme de l'action). Philip Seymour Hoffman et Ethan Hawke nous racontent quelques anecdotes de tournage, le second déviant quelque peu surtout quand il nous apprend ses tentatives de drague infructueuses envers Marisa Tomei... Autrement les trois protagonistes ne cachent pas qu'ils craquent complètement pour l'actrice et même si Hoffman revient sur la difficulté de tourner la scène de sexe très réaliste au début du film, il avoue que l'expérience n'était pas si désagréable que ça. Le commentaire audio s'inscrit parmi les plus divertissants qu'il nous ait été donné d'entendre depuis bien longtemps. Une véritable discussion emplie de respect, qui plus est didactique.
Les Coulisses du tournage (24min25)
Titre quelque peu trompeur car les images de tournage sont distillées au compte goutte, laissant la part belle aux propos des acteurs (Philip Seymour Hoffman, Ethan Hawke, Marisa Tomei), des producteurs (Michael Cerenzie, Brian Linse) et surtout du réalisateur Sidney Lumet. Ce segment rend hommage au cinéaste, ce qu'il a apporté au cinéma, son éternelle jeunesse et sa direction d'acteurs. Même si les intervenants se penchent peu sur le scénario, on évite cette fois le sempiternel léchage de pompes. La filmographie de Lumet est brièvement évoquée et tous s'accordent à dire qu'il s'agit sans nul doute d'un des plus grands cinéastes américains. Si Lumet a désiré réaliser 7h58 ce samedi-là, c'est avant toute chose pour retrouver un genre aujourd'hui oublié, le mélodrame. A l'origine du scénario, les deux personnages masculins principaux étaient de simples amis. Souhaitant rendre l'histoire la plus intense possible, Lumet revoit le scénario et les deux personnages deviennent frères. Dans la seconde partie de ce « making-of », Lumet passe en revue ses choix pour le casting, tous des acteurs provenant du théâtre. Son amour envers les acteurs n'est pas feint et le cinéaste y dévoile les répétitions faites en amont (de 2 à 4 semaines) pour leur laisser une grande liberté au moment du tournage. Le metteur en scène détaille avec eux le scénario et le comportement de chaque personnage, de sorte de s'adapter aux acteurs et non pas au contraire. Enfin, la dernière partie illustre le choix de Lumet de tourner le film à deux caméras Haute Définition. Même s'il comprend les réticences que peuvent avoir certains cinéphiles sur ce moyen technologique, le cinéaste explique que l'utilisation de cette caméra facilité le tournage et le montage, les prises de vue sont plus rapides et plus maîtrisées. Monsieur Sidney, 83 ans au compteur, peut se targuer d'être un des rares cinéastes encore en activité à avoir suivi l'évolution de son art tout en gardant son intégrale maîtrise. Une bonne et belle surprise que ces coulisses de tournage qui se révèlent être une passionnante leçon de cinéma.
Vous retrouverez en fin d'intéractivité les bandes-annonces vf (1min39) et vostf (1min39) du film.