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Chaque film propose un commentaire écrit et dit soit par Madeleine Malthête-Méliès, petite fille de Georges Méliès, ou par Marie-Hélène Lehérissey, arrière petite-fille du cinéaste. De plus, chaque film est accompagné d'une musique originale composée et interprétée par Lawrence Lehérissey, arrière-arrière petit-fils de Méliès.
Enfin, en guise de supplément original, les boniments d'après Georges Méliès dits par André Dussollier : Méliès écrivait lui-même, comme lors de ses tours de prestidigitation, ce qu'on appelle le boniment, à savoir le discours qui accompagnait habituellement l'exécution d'un tour ou ici d'un film. Ce discours souligne l'action, donne quelques indications sur les personnages comme les noms des protagonistes ou leur statut social. C'est l'acteur André Dussollier qui se prête au jeu en jouant le bonimenteur pour les films suivants : Les Incendiaires, Une chute de cinq étages, Les Malheurs d'un photographe, Cendrillon, Il y a un dieu pour les ivrognes, L'Ile de Calypso ou le géant Polyphême, Barbe-Bleue, Les 400 farces, Le Sacre d'Edouard VII (ici, véritables commentaires de Dussollier, revenant sur l'actualité politique de l'époque), Le Fakir de Singapour, Voyage dans la Lune, Le Génie du Feu, A la Conquête du Pôle.
Vous retrouverez ci-dessous la liste détaillée des 29 films (accompagnés d'un synopsis) présentés en exclusivité sur le premier disque agrémentés de propos tenus dans les commentaires :
1) Voyage dans la Lune - A trip to the Moon (1902, 12min19) : Six savants, membres du club des astronomes, entreprennent une expédition qui doit les conduire sur la lune. Ils partent dans un obus tiré par un canon géant. Arrivés sains et saufs sur la lune, ils y rencontrent ses habitants : les Sélénites échappent à leur Roi et reviennent sur la terre grâce à leur obus qui, tombé dans la mer, est repêché par un navire. Décorés, ils exposent un sélénite prisonnier, resté accroché à l'obus lors du voyage de retour.
Réalisé, écrit, photographié, produit et interprété par Georges Méliès, Voyage dans la Lune est le premier film dit de science-fiction ainsi que le premier film nommé par l'UNESCO en 2002 sur la liste représentative du cinéma mondial. 106 ans après sa conception, le film le plus féérique de Georges Méliès demeure aussi son plus célèbre. Il s'agit probablement du premier film contant une histoire originale. Devant nos yeux naissent les effets visuels et on se souvient tous de l'alunissage avec l'obus éborgnant l'astre. La copie ici présentée est d'une grande beauté et la bande-son est issue de la partition rajoutée en 1910 seulement. Chose rarissime, le film ne contient pas de cartons narratifs qui ralentissaient souvent leur rythme.
Trois mois de tournage ont été nécessaires dans les studios de Montreuil. La figuration y est importante et on peut aisément parler de la première superproduction de l'histoire du cinéma avec son budget de 10 000 francs or. La durée du film était alors inédite, 16 minutes d'émerveillement. Drôle, fantaisiste, poétique, le Voyage de Méliès sera un succès mondiale et sera immédiatement copié par d'autres cinéastes. Méliès s'inspire du roman de Jules Verne De la Terre à la Lune et du roman de H.G. Wells Les Premiers hommes dans la lune. Le film comprend 30 tableaux et exploite tout le savoir-faire de Méliès avec des décors peints à la main, trompe-l'œil, carton-pâte, projections, perspective... et la caméra ne bouge jamais ! La partie n'était pourtant pas gagnée pour son auteur et les premières ventes s'étaient révélées difficiles en raison de la durée du film. Méliès organisera une projection gratuite à la Foire du Trône. Le bouche-à-oreille fera le reste. Voyage dans la Lune est sorti le 1er Septembre 1902 en France et le 4 octobre 1902 aux Etats-Unis.
2) Une partie de cartes - A game of cards (1896, 1min07) : Trois amis sont réunis paisiblement autour d'une table dans un jardin. Ils jouent aux cartes, trinquent et commentent l'actualité.
On y retrouve Méliès lui-même, sa fille de 8 ans, un ami et un voisin. Ce film a été retrouvé en 1996 à Londres. Il s'agit du premier court-métrage de Méliès tourné en juin 1896 dans son propre jardin de Montreuil-sous-bois, 6 mois seulement après la projection du premier film des frères Lumière. Méliès commençait à filmer des petits sujets du quotidien afin de tester le matériel, en pastichant ouvertement les films des frères Lumière. Il s'agit de la première curiosité de cette rétrospective.
3) Le Déshabillage impossible - Going to the under difficulties (1900, 2min08) : Dans une auberge, un voyageur tente de retirer son chapeau et son pardessus. Mais à peine les a t-il accroché au portemanteau que des nouveaux vêtements lui apparaissent sur le dos. Le phénomène se reproduit indéfiniment jusqu'à ce que le voyageur devienne enragé. Il saute sur son lit... qui disparaît à son tour.
Il s'agit d'un des rares films de Georges Méliès utilisant l'accéléré comme trucage. Il manque quelques images à la fin du film. Cette perte est due notamment au fait que le film avait tendance à casser lors du changement ou du chargement de la pellicule dans l'appareil de projection. On appréciera la gestuelle inimitable du Méliès prestidigitateur. Une fois de plus, le cinéaste utilise l'arrêt de la caméra comme trucage principal lors de la disparition ou de l'apparition de vêtements entre autre. A noter que Méliès fit cette découverte suite à un petit incident de tournage place de l'Opéra à Paris. L'appareil s'étant malencontreusement arrêté en cours d'une prise, Méliès reprit le tournage quelques minutes après. Lors d'une projection il se rend compte qu'un bus disparaît pour laisser la place à un corbillard. Le trucage par substitution est né.
4) Le Chevalier Mystère - The Mysterious Knight (1899, 1min32) : Dans un château, un magicien dessine sur un tableau noir une tête avec une craie. Il la détache, la pose sur une bouteille puis sur la lame d'une épée.
De grandes imperfections subsistent malgré la restauration. Le film a été retrouvé aux Etats-Unis en 1989 par un historien grâce à des descriptions faites dans le livre 158 scénarios de films disparus de Georges Méliès publié en 1986.
5) Sorcellerie culinaire - The Cook in trouble (1904, 4min09) : Pour avoir chassé un mendiant qui lui faisait l'aumône, un cuisinier est puni. Des phénomènes paranormaux surviennent dans sa cuisine avec notamment l'apparition de diablotins.
Ce film annonce le surréalisme. Ce genre de film dit de « poursuite » sera repris dans le cinéma américain particulièrement chez Mack Sennett. On notera que le commentaire n'excède pas une minute pour ce film, qui est un poil longuet...
6) Le Mélomane - The Melomaniac (1903, 2min40) : Accompagné de ses élèves, un mélomane multiplie sa propre tête qu'il accroche à une portée musicale géante, afin d'y créer les notes correspondantes à l'hymne anglais.
Marie-Hélène Lehérissey nous lit un extrait d'entretien accordé par Georges Méliès en 1925 sur la mise au point de ses trucages et ficelles. Méliès utilisait principalement l'arrêt de la caméra, les fondus, les caches pour les apparitions et les disparitions, etc... Pour ce film aux surimpressions multiples, 7 expositions du film étaient nécessaires à Méliès afin d'y apparaître 7 fois simultanément. La caméra, très lourde, devait pour les prises de vue être d'une stabilité absolue. Le maximum de surimpressions est ici atteint avec le matériel disponible à l'époque. Formidable.
7) La Sirène - The Mermaid (1904, 3min48) : Un gentleman se métamorphose en pêcheur à la ligne et met dans un aquarium des petits poissons qu'il pêche dans son chapeau. Se retransformant en bourgeois, le décor change autour de lui et une sirène apparaît dans l'aquarium. Elle se change également en charmante femme. Dans le dernier tableau, l'homme se métamorphose en dieu Neptune entouré de ses naïades.
En véritable magicien, Méliès joue avec la complicité du public et avec la mythologie. Il utilise dans ce film un faux travelling avant. C'est en effet le décor et le personnage qui se déplacent vers la caméra qui reste fixe.
8) Les Incendiaires - A Desperate Crime (1906, 7min21) : Des bandits ont mis le feu à une ferme. Leur repaire est assiégé par les gendarmes. Ils s'enfuient, mais l'un d'eux est arrêté et emprisonné. Dans sa cellule, il voit la guillotine dans un cauchemar. On vient lui annoncer que son pourvoi en grâce est rejeté, on l'emmène et nous assistons à l'exécution capitale : sa tête tombe dans le panier et son corps est emporté dans une malle en osier.
Dans l'œuvre de Georges Méliès, Les Incendiaires fait office de film sérieux, un mélodrame. Il manque les six premiers tableaux dont un triple meurtre. Pour le tournage de ses films, Méliès ne sortait quasiment jamais de son studio de Montreuil. Il fait ici une exception en tournant dans les anciennes carrières de gypse de Montreuil et Bagnolet. Madeleine Malthête-Méliès lit une lettre écrite par son grand-père au maire de Montreuil le 3 avril 1906, demandant l'autorisation de tourner dans les carrières. Il était déconseillé aux forains de montrer la dernière scène, par ailleurs ahurissante pour l'époque, celle de la décapitation. Une autorisation devait être signée par le maire de la commune où était diffusé le film pour la montrer au public.
9) Le Portrait mystérieux - A mysterious portrait (1901, 1min05) : Un illusionniste fait apparaître son double dans un cadre et dialogue avec lui avant de le faire disparaître.
Comme un peu plus tard chez Buster Keaton avec Sherlock Jr. et Woody Allen pour La Rose pourpre du Caire, George Méliès réalise un rêve matériellement impossible, parler avec lui-même. On remarquera qu'il se moque de sa propre calvitie.
10) Une chute de cinq étages - A mix-up in the gallery (1906, 2min55) : Un couple de jeunes mariés vient chez un photographe se faire tirer le portrait. Suite à un incident, l'appareil photo tombe des cinq étages de l'immeuble et s'écrase sur un passant. S'ensuit une véritable corrida où le passant est prit pour un taureau.
Film burlesque, les américains appellent ce genre le slapstick. Une fois de plus, Lehérissey nous lit un extrait d'entretiens datant de 1895 où Georges Méliès explique que lorsqu'il a assisté à la première représentation du cinématographe des frères Lumières lors de la séance inaugurale du Grand Café le 28 décembre 1895, il propose aux frères Lumière de leur acheter leur appareil. Ces derniers refusent sous prétexte qu'il ne s'agit uniquement que d'une expérience scientifique et que le Cinématographe n'aura aucun avenir commercial. Il construit alors une caméra lui-même.
11) Les Malheurs d'un photographe - Mischances of a photographer (1908, 3min13) : Un auteur de pièces de théâtre convoque sa troupe chez lui afin d'y faire quelques essais de costumes. Il leur demande ensuite de venir poser devant l'objectif dans son studio annexe. Suite à une farce, l'appareil est relié à un tuyau qui asperge d'eau toute la troupe.
Suite à un contrat passé avec les américains, Georges Méliès doit tourner 15 à 20 minutes de films par semaine. Dans Les Malheurs d'un photographe, on aperçoit les portes du studio B à Montreuil qui venait tout juste d'être créé.
12) Cendrillon - Cinderella (1899, 5min42) : Cendrillon est le souffre-douleur de sa marâtre et de ses deux sœurs. Cependant, sa Fée-Marraine lui permet d'aller au bal à condition qu'elle soit rentrée pour minuit ! En s'enfuyant du palais royal où elle dansait avec le prince, Cendrillon a perdu sa pantoufle de vair. Le Prince l'essaye à toutes les jeunes filles du royaume : seule Cendrillon peut la mettre à son pied. Ils se marient au milieu de l'allégresse générale.
Georges Méliès adapte pour la première fois le conte de Charles Perrault. Le film est un peu long mais le final est beau.
Dans sa carrière, Méliès signa deux adaptations de Cendrillon. C'est son premier film qui dépasse les 100 mètres de pellicule. Les tableaux s'enchaînent sur un rythme soutenu, Méliès joue dans le film et interprète le gnome barbu dans la pendule.
13) Cendrillon ou la pantoufle merveilleuse - Cinderella on the Marvelous slipper (1908, 27min46) : Deuxième adaptation du conte de Charles Perrault.
Remake du Cendrillon de 1899 (voir court-métrage précédent), le traitement est ici différent notamment à cause de sa durée. A ce titre, l'œuvre de Charles Perrault est fidèlement adaptée. A l'époque le film ne remporte aucun succès en salle et le public boude Méliès. Les trucages sont toujours aussi formidables, les décors ahurissants de beauté et on se souviendra longtemps des multiples transformations, la plus belle restant celle de la citrouille en carrosse.
14) Le Chaudron infernal - The Infernal Cauldron (1903, 1min44) : Un démon fait brûler dans son chaudron infernal trois malheureuses victimes dont les fantômes s'élèvent dans les airs, puis disparaissent.
Dès 1897, Méliès souhaite proposer des films coloriés au public. Il fait retravailler la pellicule et la fait peindre à la main par des miniaturistes ou des retoucheuses de photos. La pellicule couleurs n'existant pas, le film est tourné en noir et blanc puis colorié sur commande des forains. Un film colorié coûte deux fois plus cher qu'un film normal. Afin de lutter contre le piratage (déjà !), Méliès intègre un copyright dans son décor. On y remarque le logo « Starfilm » (propriété de Méliès) écrit sous le chaudron.
15) Une nuit terrible - A terrific night (1896, 1min07) : Un jeune homme est attaqué par de gros insectes alors qu'il s'apprête à dormir. Il se bat avec eux et en met plusieurs sur le tapis.
Ce film a été tourné dans le jardin de Georges Méliès, en plein air, avant la construction du studio A de Montreuil. Il s'agit d'un de ses films les plus anciens. Deux versions du film existent, un montrant le protagoniste avec un pot de chambre et l'autre sans pot. « Déjà la censure ? » comme le dit justement Marie-Hélène Lehérissey.
16) Dislocation mystérieuse - Dislocation Extraordinary (1901, 1min36) : Au lieu de se déplacer, un Pierrot envoie ses membres et sa tête chercher les objets dont il a besoin. Puis les bras, les jambes, le tronc et la tête mènent chacun leur propre danse avant de se réunir et reformer le corps entier de Pierrot, qui salue.
Ce film demeure l'un des plus surprenants de Georges Méliès. Il démontre tout l'éventail des "trucs" utilisés par Méliès tout au long de sa carrière : substitution, caches, etc...
17) Les 400 farces du Diable - The Merry Frolics of Satan (1906, 17min18) : L'ingénieur anglais William Crackford, amateur de records de vitesse, vend son âme à un alchimiste - qui n'est autre que Satan - en échange de pilules magiques qui lui permettent de voyager selon ses désirs. Après une chevauchée céleste en compagnie de son valet John, d'un cheval apocalyptique et d'une voiture astrale, Crackford, entraîné aux enfers par Satan, finit sur le feu au milieu de l'allégresse générale.
Le film présenté ici est un mélange des deux versions existantes, celle en couleur et celle en N&B. La version coloriée reste incomplète. Les 400 farces du Diable est un des films que Méliès ait tourné comprenant le plus de figurants. Le voyage céleste est certainement le plus magique jamais filmé par son auteur et les décors sont tous plus ahurissants les uns que les autres. Le jeu des malles, véritable tour de prestidigitation est admirable. L'élément le plus célèbre du film demeure sans conteste le cheval apocalyptique traînant ses voyageurs attrapant au passage des croissants de lune pour manger ou allumant leur pipe au moyen d'une étoile. Magnifique.
18) Un homme de têtes - The Four troublesome heads (1898, 59 secondes) : Un illusionniste joue avec sa tête : il l'ôte de ses épaules et la pose sur la table. Il réussit ainsi à avoir trois têtes vivantes qui chantent ensemble. Comme elles chantent faux, il les écrase avec son banjo. Il en lance une en l'air, qui retombe sur ses épaules.
Exemple frappant du rythme cher à Georges Méliès : son don de mime. On y retrouve également le thème de la décapitation que Méliès exploitait déjà sur la scène du théâtre Robert Houdin avec le tour du Décapité récalcitrant.
19) Les Affiches en goguette - The hilarious Posters (1906, 3min14) : Des affiches publicitaires s'animent, discutent entre elles et bombardent des sergents de ville venus constater l'agitation dans la rue. Les affiches tombent sur eux, puis ils se retrouvent accrochés à une grille pendant que les personnages vivants des affiches défilent devant eux en les moquant.
Méliès se moque des affiches publicitaires en les détournant, Tripaulin remplace par exemple Ripolin. Critiquant l'autorité, le cinéaste signe « Mort aux flics » sur la devanture du décor principal.
20) Il y a un dieu pour les ivrognes - The good luck of a « souse » (1908, 3min54 ) : Dans une crise d'éthylisme, un ivrogne casse tout chez lui et jette sa femme et sa fille par la fenêtre. Pris de remords, il veut mettre fin à ses jours mais rate son suicide. Son pistolet s'enraye. Il tente de se pendre mais sa famille arrive à temps. Il jure ensuite de ne plus jamais boire...
Ce film a été tourné entre autre devant la propriété des Méliès à Montreuil. La maison étant en rénovation, Méliès n'a pas retiré les échafaudages. Il y a un dieu pour les ivrognes a été tourné durant la construction du studio B.
21) Spiritisme abracadabrant - Amazing spiritism (1900, 1min08) : Un homme rentre dans un château et tente de retirer sa veste et ses gants, seulement à chaque fois, ceux-ci réapparaissent sur lui.
Retrouvé en Suisse en 1997 dans une boite à chaussures, ce film a une fois de plus été identifié grâce au livre 158 scénarios de films disparus de Georges Méliès publié en 1986. On retrouve le thème principal du film Le Déshabillage impossible.
22) L'Ile de Calypso ou le Géant Polyphême - The Mysterious Island (1905, 3min36) : Le récit de deux épisodes de l'Odyssée : Ulysse arrive dans l'île de la nymphe Calypso après avoir fait naufrage. La nymphe le séduit. La légende dit qu'elle le retint sept années dans son île. Puis Ulysse rencontre le cyclope Polyphème et lui crève l'œil unique avec une lance.
Méliès était bachelier latin-grec en 1880, très rare pour l'époque. Il a toujours été fasciné par la mythologie grecque. Il s'agit sans nul doute d'une des plus belles interactions entre un personnage principal avec une incrustation. A noter la belle crème anglaise sortant de l'œil crevé du cyclope.
23) Barbe Bleue - Blue Beard (1901, 10min20) : Le seigneur Barbe-Bleue, déjà sept fois veuf, convole en justes noces. Partant en voyage, il interdit à sa nouvelle femme l'entrée d'une chambre du château. Mais, tentée par le diable, elle y entre pour y découvrir les cadavres des sept épouses. Voyant qu'elle lui a désobéi, Barbe-Bleue veut la tuer, mais les frères de la jeune femme arrivent à temps pour la sauver. Le tyran sera abattu.
Première adaptation au cinéma de la légende de Barbe-Bleue, le film s'impose comme un des meilleurs films de Méliès, tant au niveau de la mise en images que de l'histoire, des costumes, des décors...
24) Le Cake-Walk infernal - The infernal Cake-Walk (1903, 4min54) : Dans son royaume, aux Enfers, le Diable fait venir un couple de danseurs professionnels qui font une démonstration d'une danse à la mode en 1903 : le cake-walk. Ensuite, un diable grotesque sorti d'un grand gâteau exécute une danse comico-acrobatique puis disparaît dans une explosion. Tous les habitants des enfers dansent ensuite une folle sarabande.
Méliès use une fois de plus du démembrement. Claude Debussy, grand compositeur, était très impressionné par la musique jazz et avait écrit un Cake-Walk, danse syncopée à deux temps. Cette « danse du gâteau » était très à la mode au début du vingtième siècle. Georges Méliès y joue deux rôles de diable. Un piano jouait durant le tournage afin de donner le rythme aux acteurs. Quand il n'est pas à l'écran, Méliès joue lui-même alors qu'il ne sait pas lire la musique.
25) Le Sacre d'Edouard VII - Special Coronation film (1902, 5min20) : Ce film est une anticipation. C'est la répétition de diverses phases du couronnement du Roi d'Angleterre Edouard VII qui succédait à sa mère, la reine Victoria. Il s'agit d'une actualité reconstituée comme pour L'Affaire Dreyfuss.
Film de reconstitution d'actualité par anticipation. Le film débute par 3 photos issues du véritable cortège royal. Méliès n'avait pas reçu l'autorisation de filmer le véritable sacrement, de plus la caméra était trop lourde et la pellicule trop faible pour filmer véritablement sur place à Westminster. Qu'importe, Méliès reconstitue l'abbaye dans ses studios de Montreuil et sélectionne les moments caractéristiques du Sacre. A savoir que les journalistes hurlèrent au scandale et à l'escroquerie.
26) Le Fakir de Singapour - The Indian Sorcerer (1908, 5min05) : Un fakir fait grandir un œuf de façon démesurée, puis le coupe en deux, en met chaque moitié dans les plateaux d'une balance qu'il a fabriqué magiquement avec un lorgnon, et en fait sortir des poules, puis deux enfants.
Un des films que Georges Méliès a eu le plus de plaisir à tourner. Il a particulièrement soigné les décors luxuriants et les trucages vidéo. On passe un excellent moment.
27) La Cardeuse de Matelas - The Tramp and the Mattress maker (1906, 4min05) : Un vagabond trouve refuge à l'intérieur d'un matelas destiné à être rembourré. Il se réveille et effraie les habitués d'un bar.
Ce film fait partie des oeuvres les plus burlesques de Méliès, ou slapstick pour les américains.
28) Le Génie du Feu - The Genii of fire - 1908 - 4min53 : Une jeune fille trop curieuse entraîne son fiancé dans une grotte mystérieuse malgré les mises en garde d'un prêtre. Pour avoir violé l'entrée du palais du Génie du Feu, les fiancés sont aveuglés. A la sortie de la grotte, le prêtre parvient à leur faire retrouver la vue.
Passionné de cultures orientales, Méliès y a souvent planté ses histoires. Il y crée de magnifiques décors et use des effets pyrotechniques qu'il manie en expert.
29) A la Conquête du Pôle - The Conquest of the North Pole (1912, 30min56) : La multiplication des expéditions polaires provoque une réunion des savants. On doit choisir le meilleur moyen pour parvenir au pôle. C'est l'aérobus de l'ingénieur professeur Maboul qui est désigné. Six savants de différentes nations l'accompagnent dans la périlleuse mission. D'autres voyageurs employant différents moyens de locomotion échouent lamentablement. L'aérobus atteint le pôle mais s'écrase à l'atterrissage. Le Géant des Neiges effraie les explorateurs puis l'aiguille magnétique, axe du pôle, les retient collés à elle. Enfin, ils sont sauvés par un ballon dirigeable et regagnent triomphalement l'institut.
A la Conquête du Pôle est le plus long film de Georges Méliès. Il a été retrouvé en Autriche d'où des intertitres en allemand, non sous-titrés datant de l'après seconde guerre mondiale. A la Conquête du Pôle est l'un des trois derniers films de Méliès. On y retrouve le thème de l'exploration, du voyage. Méliès voyage très peu mais demeure fasciné par les scientifiques et les explorateurs. Le film est boudé par le public, lassé de ce genre de féérie et à cause de la concurrence sévère. Le public est plus accoutumé à aller au cinéma et le cinéma évolue rapidement. A la Conquête du Pôle se solde par un grave échec commercial.
A la Conquête du Pôle se place parmi les trois plus beaux films de cette rétrospective avec mention spéciale pour les véhicules divers et variés.
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Interviews et documents
Les 90 ans de Mme Méliès (37 secondes)
Sont présentées ici des images d'archives de la dernière épouse de Georges Méliès fêtant ses 90 ans et les 60 ans de l'invention du cinéma. Jeanne D'Alcy, étant elle-même actrice, fut aussi considérée comme la première star du cinéma.
Méliès, père et fils de Georges Franju (5min51)
Tourné au chateau d'Orly où Méliès a passé sa retraite, ce segment permet de voir des images d'époque du fils du cinéaste, André Méliès, racontant brièvement la carrière de son père. On ne connait malheureusement pas l'année du documentaire.
Interview de Madeleine Malthête-Méliès (16min07)
La petite-fille de Georges Méliès poursuit le récit de la carrière de son grand-père. On y apprend qu'à la fin de sa vie, le grand magicien du cinéma s'était reconverti dans la vente de jouets en gare Montparnasse. Ruiné après la première guerre, ses talents de prestidigitateur étaient toujours appréciés des passants. Grâce aux films retrouvés à droite et à gauche (qui avaient été perdus), il retrouvera un regain de popularité. L'intervenante raconte ensuite que son grand-père est devenu président du Cercle du cinéma qui deviendra la Cinémathèque française. Madeleine-Malthête Méliès sera quant à elle désignée à l'âge de 20 ans secrétaire de la Cinémathèque d'Henri Langlois. Elle s'occupera toute sa vie durant d'animer des conférences autour des films de son grand-père, de retrouver des films de Méliès complètement disparus. Certains d'entre eux ont été repêchés chez des forains. Ainsi, 200 films sur les 520 réalisés par Méliès entre 1896 et 1912 ont été retrouvés. Elle ne compte pas s'arrêter là...
Interview de Marie-Hélène Lehérissey (6min32)
L'arrière petite-fille de Georges Méliès a créé l'association Les amis de Georges Méliès dans le but de retrouver d'autres films disparus. Ses autres missions sont de les restaurer, les conserver et les montrer au public. Outre les films, l'association a retrouvé des photographies, dessins et affiches qui ont servi à des publications et des expositions au fil du temps.
Interview de Lawrence Lehérissey (3min02)
Déjà évoqué un peu plus haut dans la partie "critique son" de notre test, Lawrence Lehérissey (fils de Marie-Hélène Lehérissey, photo ci-dessus) accompagne au piano les films de son arrière arrière grand-père dans le monde entier. Pour la création de ce coffret dvd, le musicien a créé des musiques différentes de celles qu'il compose en salle lors des projections, aux sonorités modernes. Il rappelle que des pianistes accompagnaient déjà les films des frères Lumière en 1895.
Interview de Christian Fechner (12min01)
Le célèbre producteur français (les Charlots, les films de Patrice Leconte, Claude Zidi, etc...) est aussi un prestidigitateur qui connait sur le bout des doigts la vie de Georges Méliès. Il retrace sa carrière avant (propriétaire du théâtre Robert Houdin à l'âge de 26 ans) et après l'invention du Cinématographe. Méliès n'a pour ainsi dire jamais quitté le monde de la magie qui était selon lui indissociable du cinéma.
Présentation du film « L'Affaire Dreyfus » par Madeleine Malthête-Méliès (6min12)
Introduction rapide et rappel de la véritable affaire Dreyfus. Tourné en 1899, L'Affaire Dreyfus est un film rare qui touche à la fois l'histoire du cinéma mais également l'Histoire en général. Ce film a divisé la France en deux par son engagement et devient le premier film politique de l'histoire du cinéma.
L'Affaire Dreyfus (9min37, 1899) : Le commandant Du Paty de Clam dicte un texte au capitaine Dreyfus et compare son écriture avec celle du bordereau qu'il a en main. Il lui tend un pistolet pour qu'il se donne une mort honorable, mais Dreyfus refuse de se suicider.
Ce film est divisé (et chapitré) en plusieurs tableaux : La Dictée du bordereau, L'Emprisonnement à L'Ile du Diable, La Mise aux fers, Le Suicide du Colonel Henry, Le Débarquement à Quiberon, L'Entretien de Dreyfus avec sa femme à Rennes, L'Attentat contre Maître Labori, Bagarre entre journalistes, Le Conseil de guerre en séance à Rennes. L'équipe de restauration a pu retrouver 9 tableaux sur 11, il manque la dégradation ainsi que l'épisode de la venue du Capitaine au tribunal. Tout le film est accompagné des commentaires de Madeleine Malthête-Méliès qui approfondit son introduction précédente. L'image n'est certes pas au top mais pouvoir découvrir cette oeuvre est un évènement. L'Affaire Dreyfus est un film extraordinaire montrant un suicide de manière très crue et réaliste. De plus, Méliès en véritable orfèvre et soucieux du détail, reconstitue avec minutie des épisodes successifs de l'affaire de la même façon qu'il reconstituait le sacre d'Edouard VII. Il reconstitue les décors, les costumes et les situations à partir d'illustrations publiées dans la presse.
D'un grand retentissement, la préfecture de Police interdit la diffusion du film suite aux bagarres entre le public à chaque projection en salle.
Méliès, esprit libre et radical, incarne l'avocat de Dreyfus, Maître Labori, choix qui le fait se brouiller avec sa famille.
Restauration d'images (3min05)
Voici des exemples de restauration d'images avec un avant et un après, commentés par Ronald Boullet, directeur des restaurations numériques Eclair Laboratoires. Tous les films présentés dans cette rétrospective ont été restaurés à partir d'éléments de pellicule divers dont des négatifs au nitrate très endommagé. Les principaux problèmes à régler ont été les instabilités, les poussières, les moisissures. Le but n'était pas d'atteindre la perfection mais rendre les films plus agréables à regarder tout en conservant leur patine originale.
En ce qui concerne l'instabilité, la cause est due aux caméras à manivelles utilisées à l'époque. Le fait de tourner la manivelle entraînait des sautes d'images inévitables. Le choix a été d'atténuer les instabilités sans les enlever complètement afin de respecter le côté vivant si particulier aux films du début du vingtième siècle. L'élément le plus impressionnant de ce travail de titan demeure la suppression des moisissures et autres champignons.
Cette très belle intéractivité se clôt sur une petite galerie de trois affiches seulement issues du Théâtre Robert Houdin, des films A la Conquête du Pôle et Cendrillon.
Chaque film propose un commentaire écrit et dit soit par Madeleine Malthête-Méliès, petite fille de Georges Méliès, ou par Marie-Hélène Lehérissey, arrière petite-fille du cinéaste. De plus, chaque film est accompagné d'une musique originale composée et interprétée par Lawrence Lehérissey, arrière-arrière petit-fils de Méliès.
Enfin, en guise de supplément original, les boniments d'après Georges Méliès dits par André Dussollier : Méliès écrivait lui-même, comme lors de ses tours de prestidigitation, ce qu'on appelle le boniment, à savoir le discours qui accompagnait habituellement l'exécution d'un tour ou ici d'un film. Ce discours souligne l'action, donne quelques indications sur les personnages comme les noms des protagonistes ou leur statut social. C'est l'acteur André Dussollier qui se prête au jeu en jouant le bonimenteur pour les films suivants : Les Incendiaires, Une chute de cinq étages, Les Malheurs d'un photographe, Cendrillon, Il y a un dieu pour les ivrognes, L'Ile de Calypso ou le géant Polyphême, Barbe-Bleue, Les 400 farces, Le Sacre d'Edouard VII (ici, véritables commentaires de Dussollier, revenant sur l'actualité politique de l'époque), Le Fakir de Singapour, Voyage dans la Lune, Le Génie du Feu, A la Conquête du Pôle.
Vous retrouverez ci-dessous la liste détaillée des 29 films (accompagnés d'un synopsis) présentés en exclusivité sur le premier disque agrémentés de propos tenus dans les commentaires :
1) Voyage dans la Lune - A trip to the Moon (1902, 12min19) : Six savants, membres du club des astronomes, entreprennent une expédition qui doit les conduire sur la lune. Ils partent dans un obus tiré par un canon géant. Arrivés sains et saufs sur la lune, ils y rencontrent ses habitants : les Sélénites échappent à leur Roi et reviennent sur la terre grâce à leur obus qui, tombé dans la mer, est repêché par un navire. Décorés, ils exposent un sélénite prisonnier, resté accroché à l'obus lors du voyage de retour.
Réalisé, écrit, photographié, produit et interprété par Georges Méliès, Voyage dans la Lune est le premier film dit de science-fiction ainsi que le premier film nommé par l'UNESCO en 2002 sur la liste représentative du cinéma mondial. 106 ans après sa conception, le film le plus féérique de Georges Méliès demeure aussi son plus célèbre. Il s'agit probablement du premier film contant une histoire originale. Devant nos yeux naissent les effets visuels et on se souvient tous de l'alunissage avec l'obus éborgnant l'astre. La copie ici présentée est d'une grande beauté et la bande-son est issue de la partition rajoutée en 1910 seulement. Chose rarissime, le film ne contient pas de cartons narratifs qui ralentissaient souvent leur rythme.
Trois mois de tournage ont été nécessaires dans les studios de Montreuil. La figuration y est importante et on peut aisément parler de la première superproduction de l'histoire du cinéma avec son budget de 10 000 francs or. La durée du film était alors inédite, 16 minutes d'émerveillement. Drôle, fantaisiste, poétique, le Voyage de Méliès sera un succès mondiale et sera immédiatement copié par d'autres cinéastes. Méliès s'inspire du roman de Jules Verne De la Terre à la Lune et du roman de H.G. Wells Les Premiers hommes dans la lune. Le film comprend 30 tableaux et exploite tout le savoir-faire de Méliès avec des décors peints à la main, trompe-l'œil, carton-pâte, projections, perspective... et la caméra ne bouge jamais ! La partie n'était pourtant pas gagnée pour son auteur et les premières ventes s'étaient révélées difficiles en raison de la durée du film. Méliès organisera une projection gratuite à la Foire du Trône. Le bouche-à-oreille fera le reste. Voyage dans la Lune est sorti le 1er Septembre 1902 en France et le 4 octobre 1902 aux Etats-Unis.
2) Une partie de cartes - A game of cards (1896, 1min07) : Trois amis sont réunis paisiblement autour d'une table dans un jardin. Ils jouent aux cartes, trinquent et commentent l'actualité.
On y retrouve Méliès lui-même, sa fille de 8 ans, un ami et un voisin. Ce film a été retrouvé en 1996 à Londres. Il s'agit du premier court-métrage de Méliès tourné en juin 1896 dans son propre jardin de Montreuil-sous-bois, 6 mois seulement après la projection du premier film des frères Lumière. Méliès commençait à filmer des petits sujets du quotidien afin de tester le matériel, en pastichant ouvertement les films des frères Lumière. Il s'agit de la première curiosité de cette rétrospective.
3) Le Déshabillage impossible - Going to the under difficulties (1900, 2min08) : Dans une auberge, un voyageur tente de retirer son chapeau et son pardessus. Mais à peine les a t-il accroché au portemanteau que des nouveaux vêtements lui apparaissent sur le dos. Le phénomène se reproduit indéfiniment jusqu'à ce que le voyageur devienne enragé. Il saute sur son lit... qui disparaît à son tour.
Il s'agit d'un des rares films de Georges Méliès utilisant l'accéléré comme trucage. Il manque quelques images à la fin du film. Cette perte est due notamment au fait que le film avait tendance à casser lors du changement ou du chargement de la pellicule dans l'appareil de projection. On appréciera la gestuelle inimitable du Méliès prestidigitateur. Une fois de plus, le cinéaste utilise l'arrêt de la caméra comme trucage principal lors de la disparition ou de l'apparition de vêtements entre autre. A noter que Méliès fit cette découverte suite à un petit incident de tournage place de l'Opéra à Paris. L'appareil s'étant malencontreusement arrêté en cours d'une prise, Méliès reprit le tournage quelques minutes après. Lors d'une projection il se rend compte qu'un bus disparaît pour laisser la place à un corbillard. Le trucage par substitution est né.
4) Le Chevalier Mystère - The Mysterious Knight (1899, 1min32) : Dans un château, un magicien dessine sur un tableau noir une tête avec une craie. Il la détache, la pose sur une bouteille puis sur la lame d'une épée.
De grandes imperfections subsistent malgré la restauration. Le film a été retrouvé aux Etats-Unis en 1989 par un historien grâce à des descriptions faites dans le livre 158 scénarios de films disparus de Georges Méliès publié en 1986.
5) Sorcellerie culinaire - The Cook in trouble (1904, 4min09) : Pour avoir chassé un mendiant qui lui faisait l'aumône, un cuisinier est puni. Des phénomènes paranormaux surviennent dans sa cuisine avec notamment l'apparition de diablotins.
Ce film annonce le surréalisme. Ce genre de film dit de « poursuite » sera repris dans le cinéma américain particulièrement chez Mack Sennett. On notera que le commentaire n'excède pas une minute pour ce film, qui est un poil longuet...
6) Le Mélomane - The Melomaniac (1903, 2min40) : Accompagné de ses élèves, un mélomane multiplie sa propre tête qu'il accroche à une portée musicale géante, afin d'y créer les notes correspondantes à l'hymne anglais.
Marie-Hélène Lehérissey nous lit un extrait d'entretien accordé par Georges Méliès en 1925 sur la mise au point de ses trucages et ficelles. Méliès utilisait principalement l'arrêt de la caméra, les fondus, les caches pour les apparitions et les disparitions, etc... Pour ce film aux surimpressions multiples, 7 expositions du film étaient nécessaires à Méliès afin d'y apparaître 7 fois simultanément. La caméra, très lourde, devait pour les prises de vue être d'une stabilité absolue. Le maximum de surimpressions est ici atteint avec le matériel disponible à l'époque. Formidable.
7) La Sirène - The Mermaid (1904, 3min48) : Un gentleman se métamorphose en pêcheur à la ligne et met dans un aquarium des petits poissons qu'il pêche dans son chapeau. Se retransformant en bourgeois, le décor change autour de lui et une sirène apparaît dans l'aquarium. Elle se change également en charmante femme. Dans le dernier tableau, l'homme se métamorphose en dieu Neptune entouré de ses naïades.
En véritable magicien, Méliès joue avec la complicité du public et avec la mythologie. Il utilise dans ce film un faux travelling avant. C'est en effet le décor et le personnage qui se déplacent vers la caméra qui reste fixe.
8) Les Incendiaires - A Desperate Crime (1906, 7min21) : Des bandits ont mis le feu à une ferme. Leur repaire est assiégé par les gendarmes. Ils s'enfuient, mais l'un d'eux est arrêté et emprisonné. Dans sa cellule, il voit la guillotine dans un cauchemar. On vient lui annoncer que son pourvoi en grâce est rejeté, on l'emmène et nous assistons à l'exécution capitale : sa tête tombe dans le panier et son corps est emporté dans une malle en osier.
Dans l'œuvre de Georges Méliès, Les Incendiaires fait office de film sérieux, un mélodrame. Il manque les six premiers tableaux dont un triple meurtre. Pour le tournage de ses films, Méliès ne sortait quasiment jamais de son studio de Montreuil. Il fait ici une exception en tournant dans les anciennes carrières de gypse de Montreuil et Bagnolet. Madeleine Malthête-Méliès lit une lettre écrite par son grand-père au maire de Montreuil le 3 avril 1906, demandant l'autorisation de tourner dans les carrières. Il était déconseillé aux forains de montrer la dernière scène, par ailleurs ahurissante pour l'époque, celle de la décapitation. Une autorisation devait être signée par le maire de la commune où était diffusé le film pour la montrer au public.
9) Le Portrait mystérieux - A mysterious portrait (1901, 1min05) : Un illusionniste fait apparaître son double dans un cadre et dialogue avec lui avant de le faire disparaître.
Comme un peu plus tard chez Buster Keaton avec Sherlock Jr. et Woody Allen pour La Rose pourpre du Caire, George Méliès réalise un rêve matériellement impossible, parler avec lui-même. On remarquera qu'il se moque de sa propre calvitie.
10) Une chute de cinq étages - A mix-up in the gallery (1906, 2min55) : Un couple de jeunes mariés vient chez un photographe se faire tirer le portrait. Suite à un incident, l'appareil photo tombe des cinq étages de l'immeuble et s'écrase sur un passant. S'ensuit une véritable corrida où le passant est prit pour un taureau.
Film burlesque, les américains appellent ce genre le slapstick. Une fois de plus, Lehérissey nous lit un extrait d'entretiens datant de 1895 où Georges Méliès explique que lorsqu'il a assisté à la première représentation du cinématographe des frères Lumières lors de la séance inaugurale du Grand Café le 28 décembre 1895, il propose aux frères Lumière de leur acheter leur appareil. Ces derniers refusent sous prétexte qu'il ne s'agit uniquement que d'une expérience scientifique et que le Cinématographe n'aura aucun avenir commercial. Il construit alors une caméra lui-même.
11) Les Malheurs d'un photographe - Mischances of a photographer (1908, 3min13) : Un auteur de pièces de théâtre convoque sa troupe chez lui afin d'y faire quelques essais de costumes. Il leur demande ensuite de venir poser devant l'objectif dans son studio annexe. Suite à une farce, l'appareil est relié à un tuyau qui asperge d'eau toute la troupe.
Suite à un contrat passé avec les américains, Georges Méliès doit tourner 15 à 20 minutes de films par semaine. Dans Les Malheurs d'un photographe, on aperçoit les portes du studio B à Montreuil qui venait tout juste d'être créé.
12) Cendrillon - Cinderella (1899, 5min42) : Cendrillon est le souffre-douleur de sa marâtre et de ses deux sœurs. Cependant, sa Fée-Marraine lui permet d'aller au bal à condition qu'elle soit rentrée pour minuit ! En s'enfuyant du palais royal où elle dansait avec le prince, Cendrillon a perdu sa pantoufle de vair. Le Prince l'essaye à toutes les jeunes filles du royaume : seule Cendrillon peut la mettre à son pied. Ils se marient au milieu de l'allégresse générale.
Georges Méliès adapte pour la première fois le conte de Charles Perrault. Le film est un peu long mais le final est beau.
Dans sa carrière, Méliès signa deux adaptations de Cendrillon. C'est son premier film qui dépasse les 100 mètres de pellicule. Les tableaux s'enchaînent sur un rythme soutenu, Méliès joue dans le film et interprète le gnome barbu dans la pendule.
13) Cendrillon ou la pantoufle merveilleuse - Cinderella on the Marvelous slipper (1908, 27min46) : Deuxième adaptation du conte de Charles Perrault.
Remake du Cendrillon de 1899 (voir court-métrage précédent), le traitement est ici différent notamment à cause de sa durée. A ce titre, l'œuvre de Charles Perrault est fidèlement adaptée. A l'époque le film ne remporte aucun succès en salle et le public boude Méliès. Les trucages sont toujours aussi formidables, les décors ahurissants de beauté et on se souviendra longtemps des multiples transformations, la plus belle restant celle de la citrouille en carrosse.
14) Le Chaudron infernal - The Infernal Cauldron (1903, 1min44) : Un démon fait brûler dans son chaudron infernal trois malheureuses victimes dont les fantômes s'élèvent dans les airs, puis disparaissent.
Dès 1897, Méliès souhaite proposer des films coloriés au public. Il fait retravailler la pellicule et la fait peindre à la main par des miniaturistes ou des retoucheuses de photos. La pellicule couleurs n'existant pas, le film est tourné en noir et blanc puis colorié sur commande des forains. Un film colorié coûte deux fois plus cher qu'un film normal. Afin de lutter contre le piratage (déjà !), Méliès intègre un copyright dans son décor. On y remarque le logo « Starfilm » (propriété de Méliès) écrit sous le chaudron.
15) Une nuit terrible - A terrific night (1896, 1min07) : Un jeune homme est attaqué par de gros insectes alors qu'il s'apprête à dormir. Il se bat avec eux et en met plusieurs sur le tapis.
Ce film a été tourné dans le jardin de Georges Méliès, en plein air, avant la construction du studio A de Montreuil. Il s'agit d'un de ses films les plus anciens. Deux versions du film existent, un montrant le protagoniste avec un pot de chambre et l'autre sans pot. « Déjà la censure ? » comme le dit justement Marie-Hélène Lehérissey.
16) Dislocation mystérieuse - Dislocation Extraordinary (1901, 1min36) : Au lieu de se déplacer, un Pierrot envoie ses membres et sa tête chercher les objets dont il a besoin. Puis les bras, les jambes, le tronc et la tête mènent chacun leur propre danse avant de se réunir et reformer le corps entier de Pierrot, qui salue.
Ce film demeure l'un des plus surprenants de Georges Méliès. Il démontre tout l'éventail des "trucs" utilisés par Méliès tout au long de sa carrière : substitution, caches, etc...
17) Les 400 farces du Diable - The Merry Frolics of Satan (1906, 17min18) : L'ingénieur anglais William Crackford, amateur de records de vitesse, vend son âme à un alchimiste - qui n'est autre que Satan - en échange de pilules magiques qui lui permettent de voyager selon ses désirs. Après une chevauchée céleste en compagnie de son valet John, d'un cheval apocalyptique et d'une voiture astrale, Crackford, entraîné aux enfers par Satan, finit sur le feu au milieu de l'allégresse générale.
Le film présenté ici est un mélange des deux versions existantes, celle en couleur et celle en N&B. La version coloriée reste incomplète. Les 400 farces du Diable est un des films que Méliès ait tourné comprenant le plus de figurants. Le voyage céleste est certainement le plus magique jamais filmé par son auteur et les décors sont tous plus ahurissants les uns que les autres. Le jeu des malles, véritable tour de prestidigitation est admirable. L'élément le plus célèbre du film demeure sans conteste le cheval apocalyptique traînant ses voyageurs attrapant au passage des croissants de lune pour manger ou allumant leur pipe au moyen d'une étoile. Magnifique.
18) Un homme de têtes - The Four troublesome heads (1898, 59 secondes) : Un illusionniste joue avec sa tête : il l'ôte de ses épaules et la pose sur la table. Il réussit ainsi à avoir trois têtes vivantes qui chantent ensemble. Comme elles chantent faux, il les écrase avec son banjo. Il en lance une en l'air, qui retombe sur ses épaules.
Exemple frappant du rythme cher à Georges Méliès : son don de mime. On y retrouve également le thème de la décapitation que Méliès exploitait déjà sur la scène du théâtre Robert Houdin avec le tour du Décapité récalcitrant.
19) Les Affiches en goguette - The hilarious Posters (1906, 3min14) : Des affiches publicitaires s'animent, discutent entre elles et bombardent des sergents de ville venus constater l'agitation dans la rue. Les affiches tombent sur eux, puis ils se retrouvent accrochés à une grille pendant que les personnages vivants des affiches défilent devant eux en les moquant.
Méliès se moque des affiches publicitaires en les détournant, Tripaulin remplace par exemple Ripolin. Critiquant l'autorité, le cinéaste signe « Mort aux flics » sur la devanture du décor principal.
20) Il y a un dieu pour les ivrognes - The good luck of a « souse » (1908, 3min54 ) : Dans une crise d'éthylisme, un ivrogne casse tout chez lui et jette sa femme et sa fille par la fenêtre. Pris de remords, il veut mettre fin à ses jours mais rate son suicide. Son pistolet s'enraye. Il tente de se pendre mais sa famille arrive à temps. Il jure ensuite de ne plus jamais boire...
Ce film a été tourné entre autre devant la propriété des Méliès à Montreuil. La maison étant en rénovation, Méliès n'a pas retiré les échafaudages. Il y a un dieu pour les ivrognes a été tourné durant la construction du studio B.
21) Spiritisme abracadabrant - Amazing spiritism (1900, 1min08) : Un homme rentre dans un château et tente de retirer sa veste et ses gants, seulement à chaque fois, ceux-ci réapparaissent sur lui.
Retrouvé en Suisse en 1997 dans une boite à chaussures, ce film a une fois de plus été identifié grâce au livre 158 scénarios de films disparus de Georges Méliès publié en 1986. On retrouve le thème principal du film Le Déshabillage impossible.
22) L'Ile de Calypso ou le Géant Polyphême - The Mysterious Island (1905, 3min36) : Le récit de deux épisodes de l'Odyssée : Ulysse arrive dans l'île de la nymphe Calypso après avoir fait naufrage. La nymphe le séduit. La légende dit qu'elle le retint sept années dans son île. Puis Ulysse rencontre le cyclope Polyphème et lui crève l'œil unique avec une lance.
Méliès était bachelier latin-grec en 1880, très rare pour l'époque. Il a toujours été fasciné par la mythologie grecque. Il s'agit sans nul doute d'une des plus belles interactions entre un personnage principal avec une incrustation. A noter la belle crème anglaise sortant de l'œil crevé du cyclope.
23) Barbe Bleue - Blue Beard (1901, 10min20) : Le seigneur Barbe-Bleue, déjà sept fois veuf, convole en justes noces. Partant en voyage, il interdit à sa nouvelle femme l'entrée d'une chambre du château. Mais, tentée par le diable, elle y entre pour y découvrir les cadavres des sept épouses. Voyant qu'elle lui a désobéi, Barbe-Bleue veut la tuer, mais les frères de la jeune femme arrivent à temps pour la sauver. Le tyran sera abattu.
Première adaptation au cinéma de la légende de Barbe-Bleue, le film s'impose comme un des meilleurs films de Méliès, tant au niveau de la mise en images que de l'histoire, des costumes, des décors...
24) Le Cake-Walk infernal - The infernal Cake-Walk (1903, 4min54) : Dans son royaume, aux Enfers, le Diable fait venir un couple de danseurs professionnels qui font une démonstration d'une danse à la mode en 1903 : le cake-walk. Ensuite, un diable grotesque sorti d'un grand gâteau exécute une danse comico-acrobatique puis disparaît dans une explosion. Tous les habitants des enfers dansent ensuite une folle sarabande.
Méliès use une fois de plus du démembrement. Claude Debussy, grand compositeur, était très impressionné par la musique jazz et avait écrit un Cake-Walk, danse syncopée à deux temps. Cette « danse du gâteau » était très à la mode au début du vingtième siècle. Georges Méliès y joue deux rôles de diable. Un piano jouait durant le tournage afin de donner le rythme aux acteurs. Quand il n'est pas à l'écran, Méliès joue lui-même alors qu'il ne sait pas lire la musique.
25) Le Sacre d'Edouard VII - Special Coronation film (1902, 5min20) : Ce film est une anticipation. C'est la répétition de diverses phases du couronnement du Roi d'Angleterre Edouard VII qui succédait à sa mère, la reine Victoria. Il s'agit d'une actualité reconstituée comme pour L'Affaire Dreyfuss.
Film de reconstitution d'actualité par anticipation. Le film débute par 3 photos issues du véritable cortège royal. Méliès n'avait pas reçu l'autorisation de filmer le véritable sacrement, de plus la caméra était trop lourde et la pellicule trop faible pour filmer véritablement sur place à Westminster. Qu'importe, Méliès reconstitue l'abbaye dans ses studios de Montreuil et sélectionne les moments caractéristiques du Sacre. A savoir que les journalistes hurlèrent au scandale et à l'escroquerie.
26) Le Fakir de Singapour - The Indian Sorcerer (1908, 5min05) : Un fakir fait grandir un œuf de façon démesurée, puis le coupe en deux, en met chaque moitié dans les plateaux d'une balance qu'il a fabriqué magiquement avec un lorgnon, et en fait sortir des poules, puis deux enfants.
Un des films que Georges Méliès a eu le plus de plaisir à tourner. Il a particulièrement soigné les décors luxuriants et les trucages vidéo. On passe un excellent moment.
27) La Cardeuse de Matelas - The Tramp and the Mattress maker (1906, 4min05) : Un vagabond trouve refuge à l'intérieur d'un matelas destiné à être rembourré. Il se réveille et effraie les habitués d'un bar.
Ce film fait partie des oeuvres les plus burlesques de Méliès, ou slapstick pour les américains.
28) Le Génie du Feu - The Genii of fire - 1908 - 4min53 : Une jeune fille trop curieuse entraîne son fiancé dans une grotte mystérieuse malgré les mises en garde d'un prêtre. Pour avoir violé l'entrée du palais du Génie du Feu, les fiancés sont aveuglés. A la sortie de la grotte, le prêtre parvient à leur faire retrouver la vue.
Passionné de cultures orientales, Méliès y a souvent planté ses histoires. Il y crée de magnifiques décors et use des effets pyrotechniques qu'il manie en expert.
29) A la Conquête du Pôle - The Conquest of the North Pole (1912, 30min56) : La multiplication des expéditions polaires provoque une réunion des savants. On doit choisir le meilleur moyen pour parvenir au pôle. C'est l'aérobus de l'ingénieur professeur Maboul qui est désigné. Six savants de différentes nations l'accompagnent dans la périlleuse mission. D'autres voyageurs employant différents moyens de locomotion échouent lamentablement. L'aérobus atteint le pôle mais s'écrase à l'atterrissage. Le Géant des Neiges effraie les explorateurs puis l'aiguille magnétique, axe du pôle, les retient collés à elle. Enfin, ils sont sauvés par un ballon dirigeable et regagnent triomphalement l'institut.
A la Conquête du Pôle est le plus long film de Georges Méliès. Il a été retrouvé en Autriche d'où des intertitres en allemand, non sous-titrés datant de l'après seconde guerre mondiale. A la Conquête du Pôle est l'un des trois derniers films de Méliès. On y retrouve le thème de l'exploration, du voyage. Méliès voyage très peu mais demeure fasciné par les scientifiques et les explorateurs. Le film est boudé par le public, lassé de ce genre de féérie et à cause de la concurrence sévère. Le public est plus accoutumé à aller au cinéma et le cinéma évolue rapidement. A la Conquête du Pôle se solde par un grave échec commercial.
A la Conquête du Pôle se place parmi les trois plus beaux films de cette rétrospective avec mention spéciale pour les véhicules divers et variés.
DVD 2
Interviews et documents
Les 90 ans de Mme Méliès (37 secondes)
Sont présentées ici des images d'archives de la dernière épouse de Georges Méliès fêtant ses 90 ans et les 60 ans de l'invention du cinéma. Jeanne D'Alcy, étant elle-même actrice, fut aussi considérée comme la première star du cinéma.
Méliès, père et fils de Georges Franju (5min51)
Tourné au chateau d'Orly où Méliès a passé sa retraite, ce segment permet de voir des images d'époque du fils du cinéaste, André Méliès, racontant brièvement la carrière de son père. On ne connait malheureusement pas l'année du documentaire.
Interview de Madeleine Malthête-Méliès (16min07)
La petite-fille de Georges Méliès poursuit le récit de la carrière de son grand-père. On y apprend qu'à la fin de sa vie, le grand magicien du cinéma s'était reconverti dans la vente de jouets en gare Montparnasse. Ruiné après la première guerre, ses talents de prestidigitateur étaient toujours appréciés des passants. Grâce aux films retrouvés à droite et à gauche (qui avaient été perdus), il retrouvera un regain de popularité. L'intervenante raconte ensuite que son grand-père est devenu président du Cercle du cinéma qui deviendra la Cinémathèque française. Madeleine-Malthête Méliès sera quant à elle désignée à l'âge de 20 ans secrétaire de la Cinémathèque d'Henri Langlois. Elle s'occupera toute sa vie durant d'animer des conférences autour des films de son grand-père, de retrouver des films de Méliès complètement disparus. Certains d'entre eux ont été repêchés chez des forains. Ainsi, 200 films sur les 520 réalisés par Méliès entre 1896 et 1912 ont été retrouvés. Elle ne compte pas s'arrêter là...
Interview de Marie-Hélène Lehérissey (6min32)
L'arrière petite-fille de Georges Méliès a créé l'association Les amis de Georges Méliès dans le but de retrouver d'autres films disparus. Ses autres missions sont de les restaurer, les conserver et les montrer au public. Outre les films, l'association a retrouvé des photographies, dessins et affiches qui ont servi à des publications et des expositions au fil du temps.
Interview de Lawrence Lehérissey (3min02)
Déjà évoqué un peu plus haut dans la partie "critique son" de notre test, Lawrence Lehérissey (fils de Marie-Hélène Lehérissey, photo ci-dessus) accompagne au piano les films de son arrière arrière grand-père dans le monde entier. Pour la création de ce coffret dvd, le musicien a créé des musiques différentes de celles qu'il compose en salle lors des projections, aux sonorités modernes. Il rappelle que des pianistes accompagnaient déjà les films des frères Lumière en 1895.
Interview de Christian Fechner (12min01)
Le célèbre producteur français (les Charlots, les films de Patrice Leconte, Claude Zidi, etc...) est aussi un prestidigitateur qui connait sur le bout des doigts la vie de Georges Méliès. Il retrace sa carrière avant (propriétaire du théâtre Robert Houdin à l'âge de 26 ans) et après l'invention du Cinématographe. Méliès n'a pour ainsi dire jamais quitté le monde de la magie qui était selon lui indissociable du cinéma.
Présentation du film « L'Affaire Dreyfus » par Madeleine Malthête-Méliès (6min12)
Introduction rapide et rappel de la véritable affaire Dreyfus. Tourné en 1899, L'Affaire Dreyfus est un film rare qui touche à la fois l'histoire du cinéma mais également l'Histoire en général. Ce film a divisé la France en deux par son engagement et devient le premier film politique de l'histoire du cinéma.
L'Affaire Dreyfus (9min37, 1899) : Le commandant Du Paty de Clam dicte un texte au capitaine Dreyfus et compare son écriture avec celle du bordereau qu'il a en main. Il lui tend un pistolet pour qu'il se donne une mort honorable, mais Dreyfus refuse de se suicider.
Ce film est divisé (et chapitré) en plusieurs tableaux : La Dictée du bordereau, L'Emprisonnement à L'Ile du Diable, La Mise aux fers, Le Suicide du Colonel Henry, Le Débarquement à Quiberon, L'Entretien de Dreyfus avec sa femme à Rennes, L'Attentat contre Maître Labori, Bagarre entre journalistes, Le Conseil de guerre en séance à Rennes. L'équipe de restauration a pu retrouver 9 tableaux sur 11, il manque la dégradation ainsi que l'épisode de la venue du Capitaine au tribunal. Tout le film est accompagné des commentaires de Madeleine Malthête-Méliès qui approfondit son introduction précédente. L'image n'est certes pas au top mais pouvoir découvrir cette oeuvre est un évènement. L'Affaire Dreyfus est un film extraordinaire montrant un suicide de manière très crue et réaliste. De plus, Méliès en véritable orfèvre et soucieux du détail, reconstitue avec minutie des épisodes successifs de l'affaire de la même façon qu'il reconstituait le sacre d'Edouard VII. Il reconstitue les décors, les costumes et les situations à partir d'illustrations publiées dans la presse.
D'un grand retentissement, la préfecture de Police interdit la diffusion du film suite aux bagarres entre le public à chaque projection en salle.
Méliès, esprit libre et radical, incarne l'avocat de Dreyfus, Maître Labori, choix qui le fait se brouiller avec sa famille.
Restauration d'images (3min05)
Voici des exemples de restauration d'images avec un avant et un après, commentés par Ronald Boullet, directeur des restaurations numériques Eclair Laboratoires. Tous les films présentés dans cette rétrospective ont été restaurés à partir d'éléments de pellicule divers dont des négatifs au nitrate très endommagé. Les principaux problèmes à régler ont été les instabilités, les poussières, les moisissures. Le but n'était pas d'atteindre la perfection mais rendre les films plus agréables à regarder tout en conservant leur patine originale.
En ce qui concerne l'instabilité, la cause est due aux caméras à manivelles utilisées à l'époque. Le fait de tourner la manivelle entraînait des sautes d'images inévitables. Le choix a été d'atténuer les instabilités sans les enlever complètement afin de respecter le côté vivant si particulier aux films du début du vingtième siècle. L'élément le plus impressionnant de ce travail de titan demeure la suppression des moisissures et autres champignons.
Cette très belle intéractivité se clôt sur une petite galerie de trois affiches seulement issues du Théâtre Robert Houdin, des films A la Conquête du Pôle et Cendrillon.
Son :
9/20
DVD 1
Chaque film propose un commentaire écrit et dit soit par Madeleine Malthête-Méliès, petite fille de Georges Méliès, ou par Marie-Hélène Lehérissey, arrière petite-fille du cinéaste. De plus, chaque film est accompagné d'une musique originale composée et interprétée par Lawrence Lehérissey, arrière-arrière petit-fils de Méliès.
Enfin, en guise de supplément original, les boniments d'après Georges Méliès dits par André Dussollier : Méliès écrivait lui-même, comme lors de ses tours de prestidigitation, ce qu'on appelle le boniment, à savoir le discours qui accompagnait habituellement l'exécution d'un tour ou ici d'un film. Ce discours souligne l'action, donne quelques indications sur les personnages comme les noms des protagonistes ou leur statut social. C'est l'acteur André Dussollier qui se prête au jeu en jouant le bonimenteur pour les films suivants : Les Incendiaires, Une chute de cinq étages, Les Malheurs d'un photographe, Cendrillon, Il y a un dieu pour les ivrognes, L'Ile de Calypso ou le géant Polyphême, Barbe-Bleue, Les 400 farces, Le Sacre d'Edouard VII (ici, véritables commentaires de Dussollier, revenant sur l'actualité politique de l'époque), Le Fakir de Singapour, Voyage dans la Lune, Le Génie du Feu, A la Conquête du Pôle.
Vous retrouverez ci-dessous la liste détaillée des 29 films (accompagnés d'un synopsis) présentés en exclusivité sur le premier disque agrémentés de propos tenus dans les commentaires :
1) Voyage dans la Lune - A trip to the Moon (1902, 12min19) : Six savants, membres du club des astronomes, entreprennent une expédition qui doit les conduire sur la lune. Ils partent dans un obus tiré par un canon géant. Arrivés sains et saufs sur la lune, ils y rencontrent ses habitants : les Sélénites échappent à leur Roi et reviennent sur la terre grâce à leur obus qui, tombé dans la mer, est repêché par un navire. Décorés, ils exposent un sélénite prisonnier, resté accroché à l'obus lors du voyage de retour.
Réalisé, écrit, photographié, produit et interprété par Georges Méliès, Voyage dans la Lune est le premier film dit de science-fiction ainsi que le premier film nommé par l'UNESCO en 2002 sur la liste représentative du cinéma mondial. 106 ans après sa conception, le film le plus féérique de Georges Méliès demeure aussi son plus célèbre. Il s'agit probablement du premier film contant une histoire originale. Devant nos yeux naissent les effets visuels et on se souvient tous de l'alunissage avec l'obus éborgnant l'astre. La copie ici présentée est d'une grande beauté et la bande-son est issue de la partition rajoutée en 1910 seulement. Chose rarissime, le film ne contient pas de cartons narratifs qui ralentissaient souvent leur rythme.
Trois mois de tournage ont été nécessaires dans les studios de Montreuil. La figuration y est importante et on peut aisément parler de la première superproduction de l'histoire du cinéma avec son budget de 10 000 francs or. La durée du film était alors inédite, 16 minutes d'émerveillement. Drôle, fantaisiste, poétique, le Voyage de Méliès sera un succès mondiale et sera immédiatement copié par d'autres cinéastes. Méliès s'inspire du roman de Jules Verne De la Terre à la Lune et du roman de H.G. Wells Les Premiers hommes dans la lune. Le film comprend 30 tableaux et exploite tout le savoir-faire de Méliès avec des décors peints à la main, trompe-l'œil, carton-pâte, projections, perspective... et la caméra ne bouge jamais ! La partie n'était pourtant pas gagnée pour son auteur et les premières ventes s'étaient révélées difficiles en raison de la durée du film. Méliès organisera une projection gratuite à la Foire du Trône. Le bouche-à-oreille fera le reste. Voyage dans la Lune est sorti le 1er Septembre 1902 en France et le 4 octobre 1902 aux Etats-Unis.
2) Une partie de cartes - A game of cards (1896, 1min07) : Trois amis sont réunis paisiblement autour d'une table dans un jardin. Ils jouent aux cartes, trinquent et commentent l'actualité.
On y retrouve Méliès lui-même, sa fille de 8 ans, un ami et un voisin. Ce film a été retrouvé en 1996 à Londres. Il s'agit du premier court-métrage de Méliès tourné en juin 1896 dans son propre jardin de Montreuil-sous-bois, 6 mois seulement après la projection du premier film des frères Lumière. Méliès commençait à filmer des petits sujets du quotidien afin de tester le matériel, en pastichant ouvertement les films des frères Lumière. Il s'agit de la première curiosité de cette rétrospective.
3) Le Déshabillage impossible - Going to the under difficulties (1900, 2min08) : Dans une auberge, un voyageur tente de retirer son chapeau et son pardessus. Mais à peine les a t-il accroché au portemanteau que des nouveaux vêtements lui apparaissent sur le dos. Le phénomène se reproduit indéfiniment jusqu'à ce que le voyageur devienne enragé. Il saute sur son lit... qui disparaît à son tour.
Il s'agit d'un des rares films de Georges Méliès utilisant l'accéléré comme trucage. Il manque quelques images à la fin du film. Cette perte est due notamment au fait que le film avait tendance à casser lors du changement ou du chargement de la pellicule dans l'appareil de projection. On appréciera la gestuelle inimitable du Méliès prestidigitateur. Une fois de plus, le cinéaste utilise l'arrêt de la caméra comme trucage principal lors de la disparition ou de l'apparition de vêtements entre autre. A noter que Méliès fit cette découverte suite à un petit incident de tournage place de l'Opéra à Paris. L'appareil s'étant malencontreusement arrêté en cours d'une prise, Méliès reprit le tournage quelques minutes après. Lors d'une projection il se rend compte qu'un bus disparaît pour laisser la place à un corbillard. Le trucage par substitution est né.
4) Le Chevalier Mystère - The Mysterious Knight (1899, 1min32) : Dans un château, un magicien dessine sur un tableau noir une tête avec une craie. Il la détache, la pose sur une bouteille puis sur la lame d'une épée.
De grandes imperfections subsistent malgré la restauration. Le film a été retrouvé aux Etats-Unis en 1989 par un historien grâce à des descriptions faites dans le livre 158 scénarios de films disparus de Georges Méliès publié en 1986.
5) Sorcellerie culinaire - The Cook in trouble (1904, 4min09) : Pour avoir chassé un mendiant qui lui faisait l'aumône, un cuisinier est puni. Des phénomènes paranormaux surviennent dans sa cuisine avec notamment l'apparition de diablotins.
Ce film annonce le surréalisme. Ce genre de film dit de « poursuite » sera repris dans le cinéma américain particulièrement chez Mack Sennett. On notera que le commentaire n'excède pas une minute pour ce film, qui est un poil longuet...
6) Le Mélomane - The Melomaniac (1903, 2min40) : Accompagné de ses élèves, un mélomane multiplie sa propre tête qu'il accroche à une portée musicale géante, afin d'y créer les notes correspondantes à l'hymne anglais.
Marie-Hélène Lehérissey nous lit un extrait d'entretien accordé par Georges Méliès en 1925 sur la mise au point de ses trucages et ficelles. Méliès utilisait principalement l'arrêt de la caméra, les fondus, les caches pour les apparitions et les disparitions, etc... Pour ce film aux surimpressions multiples, 7 expositions du film étaient nécessaires à Méliès afin d'y apparaître 7 fois simultanément. La caméra, très lourde, devait pour les prises de vue être d'une stabilité absolue. Le maximum de surimpressions est ici atteint avec le matériel disponible à l'époque. Formidable.
7) La Sirène - The Mermaid (1904, 3min48) : Un gentleman se métamorphose en pêcheur à la ligne et met dans un aquarium des petits poissons qu'il pêche dans son chapeau. Se retransformant en bourgeois, le décor change autour de lui et une sirène apparaît dans l'aquarium. Elle se change également en charmante femme. Dans le dernier tableau, l'homme se métamorphose en dieu Neptune entouré de ses naïades.
En véritable magicien, Méliès joue avec la complicité du public et avec la mythologie. Il utilise dans ce film un faux travelling avant. C'est en effet le décor et le personnage qui se déplacent vers la caméra qui reste fixe.
8) Les Incendiaires - A Desperate Crime (1906, 7min21) : Des bandits ont mis le feu à une ferme. Leur repaire est assiégé par les gendarmes. Ils s'enfuient, mais l'un d'eux est arrêté et emprisonné. Dans sa cellule, il voit la guillotine dans un cauchemar. On vient lui annoncer que son pourvoi en grâce est rejeté, on l'emmène et nous assistons à l'exécution capitale : sa tête tombe dans le panier et son corps est emporté dans une malle en osier.
Dans l'œuvre de Georges Méliès, Les Incendiaires fait office de film sérieux, un mélodrame. Il manque les six premiers tableaux dont un triple meurtre. Pour le tournage de ses films, Méliès ne sortait quasiment jamais de son studio de Montreuil. Il fait ici une exception en tournant dans les anciennes carrières de gypse de Montreuil et Bagnolet. Madeleine Malthête-Méliès lit une lettre écrite par son grand-père au maire de Montreuil le 3 avril 1906, demandant l'autorisation de tourner dans les carrières. Il était déconseillé aux forains de montrer la dernière scène, par ailleurs ahurissante pour l'époque, celle de la décapitation. Une autorisation devait être signée par le maire de la commune où était diffusé le film pour la montrer au public.
9) Le Portrait mystérieux - A mysterious portrait (1901, 1min05) : Un illusionniste fait apparaître son double dans un cadre et dialogue avec lui avant de le faire disparaître.
Comme un peu plus tard chez Buster Keaton avec Sherlock Jr. et Woody Allen pour La Rose pourpre du Caire, George Méliès réalise un rêve matériellement impossible, parler avec lui-même. On remarquera qu'il se moque de sa propre calvitie.
10) Une chute de cinq étages - A mix-up in the gallery (1906, 2min55) : Un couple de jeunes mariés vient chez un photographe se faire tirer le portrait. Suite à un incident, l'appareil photo tombe des cinq étages de l'immeuble et s'écrase sur un passant. S'ensuit une véritable corrida où le passant est prit pour un taureau.
Film burlesque, les américains appellent ce genre le slapstick. Une fois de plus, Lehérissey nous lit un extrait d'entretiens datant de 1895 où Georges Méliès explique que lorsqu'il a assisté à la première représentation du cinématographe des frères Lumières lors de la séance inaugurale du Grand Café le 28 décembre 1895, il propose aux frères Lumière de leur acheter leur appareil. Ces derniers refusent sous prétexte qu'il ne s'agit uniquement que d'une expérience scientifique et que le Cinématographe n'aura aucun avenir commercial. Il construit alors une caméra lui-même.
11) Les Malheurs d'un photographe - Mischances of a photographer (1908, 3min13) : Un auteur de pièces de théâtre convoque sa troupe chez lui afin d'y faire quelques essais de costumes. Il leur demande ensuite de venir poser devant l'objectif dans son studio annexe. Suite à une farce, l'appareil est relié à un tuyau qui asperge d'eau toute la troupe.
Suite à un contrat passé avec les américains, Georges Méliès doit tourner 15 à 20 minutes de films par semaine. Dans Les Malheurs d'un photographe, on aperçoit les portes du studio B à Montreuil qui venait tout juste d'être créé.
12) Cendrillon - Cinderella (1899, 5min42) : Cendrillon est le souffre-douleur de sa marâtre et de ses deux sœurs. Cependant, sa Fée-Marraine lui permet d'aller au bal à condition qu'elle soit rentrée pour minuit ! En s'enfuyant du palais royal où elle dansait avec le prince, Cendrillon a perdu sa pantoufle de vair. Le Prince l'essaye à toutes les jeunes filles du royaume : seule Cendrillon peut la mettre à son pied. Ils se marient au milieu de l'allégresse générale.
Georges Méliès adapte pour la première fois le conte de Charles Perrault. Le film est un peu long mais le final est beau.
Dans sa carrière, Méliès signa deux adaptations de Cendrillon. C'est son premier film qui dépasse les 100 mètres de pellicule. Les tableaux s'enchaînent sur un rythme soutenu, Méliès joue dans le film et interprète le gnome barbu dans la pendule.
13) Cendrillon ou la pantoufle merveilleuse - Cinderella on the Marvelous slipper (1908, 27min46) : Deuxième adaptation du conte de Charles Perrault.
Remake du Cendrillon de 1899 (voir court-métrage précédent), le traitement est ici différent notamment à cause de sa durée. A ce titre, l'œuvre de Charles Perrault est fidèlement adaptée. A l'époque le film ne remporte aucun succès en salle et le public boude Méliès. Les trucages sont toujours aussi formidables, les décors ahurissants de beauté et on se souviendra longtemps des multiples transformations, la plus belle restant celle de la citrouille en carrosse.
14) Le Chaudron infernal - The Infernal Cauldron (1903, 1min44) : Un démon fait brûler dans son chaudron infernal trois malheureuses victimes dont les fantômes s'élèvent dans les airs, puis disparaissent.
Dès 1897, Méliès souhaite proposer des films coloriés au public. Il fait retravailler la pellicule et la fait peindre à la main par des miniaturistes ou des retoucheuses de photos. La pellicule couleurs n'existant pas, le film est tourné en noir et blanc puis colorié sur commande des forains. Un film colorié coûte deux fois plus cher qu'un film normal. Afin de lutter contre le piratage (déjà !), Méliès intègre un copyright dans son décor. On y remarque le logo « Starfilm » (propriété de Méliès) écrit sous le chaudron.
15) Une nuit terrible - A terrific night (1896, 1min07) : Un jeune homme est attaqué par de gros insectes alors qu'il s'apprête à dormir. Il se bat avec eux et en met plusieurs sur le tapis.
Ce film a été tourné dans le jardin de Georges Méliès, en plein air, avant la construction du studio A de Montreuil. Il s'agit d'un de ses films les plus anciens. Deux versions du film existent, un montrant le protagoniste avec un pot de chambre et l'autre sans pot. « Déjà la censure ? » comme le dit justement Marie-Hélène Lehérissey.
16) Dislocation mystérieuse - Dislocation Extraordinary (1901, 1min36) : Au lieu de se déplacer, un Pierrot envoie ses membres et sa tête chercher les objets dont il a besoin. Puis les bras, les jambes, le tronc et la tête mènent chacun leur propre danse avant de se réunir et reformer le corps entier de Pierrot, qui salue.
Ce film demeure l'un des plus surprenants de Georges Méliès. Il démontre tout l'éventail des "trucs" utilisés par Méliès tout au long de sa carrière : substitution, caches, etc...
17) Les 400 farces du Diable - The Merry Frolics of Satan (1906, 17min18) : L'ingénieur anglais William Crackford, amateur de records de vitesse, vend son âme à un alchimiste - qui n'est autre que Satan - en échange de pilules magiques qui lui permettent de voyager selon ses désirs. Après une chevauchée céleste en compagnie de son valet John, d'un cheval apocalyptique et d'une voiture astrale, Crackford, entraîné aux enfers par Satan, finit sur le feu au milieu de l'allégresse générale.
Le film présenté ici est un mélange des deux versions existantes, celle en couleur et celle en N&B. La version coloriée reste incomplète. Les 400 farces du Diable est un des films que Méliès ait tourné comprenant le plus de figurants. Le voyage céleste est certainement le plus magique jamais filmé par son auteur et les décors sont tous plus ahurissants les uns que les autres. Le jeu des malles, véritable tour de prestidigitation est admirable. L'élément le plus célèbre du film demeure sans conteste le cheval apocalyptique traînant ses voyageurs attrapant au passage des croissants de lune pour manger ou allumant leur pipe au moyen d'une étoile. Magnifique.
18) Un homme de têtes - The Four troublesome heads (1898, 59 secondes) : Un illusionniste joue avec sa tête : il l'ôte de ses épaules et la pose sur la table. Il réussit ainsi à avoir trois têtes vivantes qui chantent ensemble. Comme elles chantent faux, il les écrase avec son banjo. Il en lance une en l'air, qui retombe sur ses épaules.
Exemple frappant du rythme cher à Georges Méliès : son don de mime. On y retrouve également le thème de la décapitation que Méliès exploitait déjà sur la scène du théâtre Robert Houdin avec le tour du Décapité récalcitrant.
19) Les Affiches en goguette - The hilarious Posters (1906, 3min14) : Des affiches publicitaires s'animent, discutent entre elles et bombardent des sergents de ville venus constater l'agitation dans la rue. Les affiches tombent sur eux, puis ils se retrouvent accrochés à une grille pendant que les personnages vivants des affiches défilent devant eux en les moquant.
Méliès se moque des affiches publicitaires en les détournant, Tripaulin remplace par exemple Ripolin. Critiquant l'autorité, le cinéaste signe « Mort aux flics » sur la devanture du décor principal.
20) Il y a un dieu pour les ivrognes - The good luck of a « souse » (1908, 3min54 ) : Dans une crise d'éthylisme, un ivrogne casse tout chez lui et jette sa femme et sa fille par la fenêtre. Pris de remords, il veut mettre fin à ses jours mais rate son suicide. Son pistolet s'enraye. Il tente de se pendre mais sa famille arrive à temps. Il jure ensuite de ne plus jamais boire...
Ce film a été tourné entre autre devant la propriété des Méliès à Montreuil. La maison étant en rénovation, Méliès n'a pas retiré les échafaudages. Il y a un dieu pour les ivrognes a été tourné durant la construction du studio B.
21) Spiritisme abracadabrant - Amazing spiritism (1900, 1min08) : Un homme rentre dans un château et tente de retirer sa veste et ses gants, seulement à chaque fois, ceux-ci réapparaissent sur lui.
Retrouvé en Suisse en 1997 dans une boite à chaussures, ce film a une fois de plus été identifié grâce au livre 158 scénarios de films disparus de Georges Méliès publié en 1986. On retrouve le thème principal du film Le Déshabillage impossible.
22) L'Ile de Calypso ou le Géant Polyphême - The Mysterious Island (1905, 3min36) : Le récit de deux épisodes de l'Odyssée : Ulysse arrive dans l'île de la nymphe Calypso après avoir fait naufrage. La nymphe le séduit. La légende dit qu'elle le retint sept années dans son île. Puis Ulysse rencontre le cyclope Polyphème et lui crève l'œil unique avec une lance.
Méliès était bachelier latin-grec en 1880, très rare pour l'époque. Il a toujours été fasciné par la mythologie grecque. Il s'agit sans nul doute d'une des plus belles interactions entre un personnage principal avec une incrustation. A noter la belle crème anglaise sortant de l'œil crevé du cyclope.
23) Barbe Bleue - Blue Beard (1901, 10min20) : Le seigneur Barbe-Bleue, déjà sept fois veuf, convole en justes noces. Partant en voyage, il interdit à sa nouvelle femme l'entrée d'une chambre du château. Mais, tentée par le diable, elle y entre pour y découvrir les cadavres des sept épouses. Voyant qu'elle lui a désobéi, Barbe-Bleue veut la tuer, mais les frères de la jeune femme arrivent à temps pour la sauver. Le tyran sera abattu.
Première adaptation au cinéma de la légende de Barbe-Bleue, le film s'impose comme un des meilleurs films de Méliès, tant au niveau de la mise en images que de l'histoire, des costumes, des décors...
24) Le Cake-Walk infernal - The infernal Cake-Walk (1903, 4min54) : Dans son royaume, aux Enfers, le Diable fait venir un couple de danseurs professionnels qui font une démonstration d'une danse à la mode en 1903 : le cake-walk. Ensuite, un diable grotesque sorti d'un grand gâteau exécute une danse comico-acrobatique puis disparaît dans une explosion. Tous les habitants des enfers dansent ensuite une folle sarabande.
Méliès use une fois de plus du démembrement. Claude Debussy, grand compositeur, était très impressionné par la musique jazz et avait écrit un Cake-Walk, danse syncopée à deux temps. Cette « danse du gâteau » était très à la mode au début du vingtième siècle. Georges Méliès y joue deux rôles de diable. Un piano jouait durant le tournage afin de donner le rythme aux acteurs. Quand il n'est pas à l'écran, Méliès joue lui-même alors qu'il ne sait pas lire la musique.
25) Le Sacre d'Edouard VII - Special Coronation film (1902, 5min20) : Ce film est une anticipation. C'est la répétition de diverses phases du couronnement du Roi d'Angleterre Edouard VII qui succédait à sa mère, la reine Victoria. Il s'agit d'une actualité reconstituée comme pour L'Affaire Dreyfuss.
Film de reconstitution d'actualité par anticipation. Le film débute par 3 photos issues du véritable cortège royal. Méliès n'avait pas reçu l'autorisation de filmer le véritable sacrement, de plus la caméra était trop lourde et la pellicule trop faible pour filmer véritablement sur place à Westminster. Qu'importe, Méliès reconstitue l'abbaye dans ses studios de Montreuil et sélectionne les moments caractéristiques du Sacre. A savoir que les journalistes hurlèrent au scandale et à l'escroquerie.
26) Le Fakir de Singapour - The Indian Sorcerer (1908, 5min05) : Un fakir fait grandir un œuf de façon démesurée, puis le coupe en deux, en met chaque moitié dans les plateaux d'une balance qu'il a fabriqué magiquement avec un lorgnon, et en fait sortir des poules, puis deux enfants.
Un des films que Georges Méliès a eu le plus de plaisir à tourner. Il a particulièrement soigné les décors luxuriants et les trucages vidéo. On passe un excellent moment.
27) La Cardeuse de Matelas - The Tramp and the Mattress maker (1906, 4min05) : Un vagabond trouve refuge à l'intérieur d'un matelas destiné à être rembourré. Il se réveille et effraie les habitués d'un bar.
Ce film fait partie des oeuvres les plus burlesques de Méliès, ou slapstick pour les américains.
28) Le Génie du Feu - The Genii of fire - 1908 - 4min53 : Une jeune fille trop curieuse entraîne son fiancé dans une grotte mystérieuse malgré les mises en garde d'un prêtre. Pour avoir violé l'entrée du palais du Génie du Feu, les fiancés sont aveuglés. A la sortie de la grotte, le prêtre parvient à leur faire retrouver la vue.
Passionné de cultures orientales, Méliès y a souvent planté ses histoires. Il y crée de magnifiques décors et use des effets pyrotechniques qu'il manie en expert.
29) A la Conquête du Pôle - The Conquest of the North Pole (1912, 30min56) : La multiplication des expéditions polaires provoque une réunion des savants. On doit choisir le meilleur moyen pour parvenir au pôle. C'est l'aérobus de l'ingénieur professeur Maboul qui est désigné. Six savants de différentes nations l'accompagnent dans la périlleuse mission. D'autres voyageurs employant différents moyens de locomotion échouent lamentablement. L'aérobus atteint le pôle mais s'écrase à l'atterrissage. Le Géant des Neiges effraie les explorateurs puis l'aiguille magnétique, axe du pôle, les retient collés à elle. Enfin, ils sont sauvés par un ballon dirigeable et regagnent triomphalement l'institut.
A la Conquête du Pôle est le plus long film de Georges Méliès. Il a été retrouvé en Autriche d'où des intertitres en allemand, non sous-titrés datant de l'après seconde guerre mondiale. A la Conquête du Pôle est l'un des trois derniers films de Méliès. On y retrouve le thème de l'exploration, du voyage. Méliès voyage très peu mais demeure fasciné par les scientifiques et les explorateurs. Le film est boudé par le public, lassé de ce genre de féérie et à cause de la concurrence sévère. Le public est plus accoutumé à aller au cinéma et le cinéma évolue rapidement. A la Conquête du Pôle se solde par un grave échec commercial.
A la Conquête du Pôle se place parmi les trois plus beaux films de cette rétrospective avec mention spéciale pour les véhicules divers et variés.
DVD 2
Interviews et documents
Les 90 ans de Mme Méliès (37 secondes)
Sont présentées ici des images d'archives de la dernière épouse de Georges Méliès fêtant ses 90 ans et les 60 ans de l'invention du cinéma. Jeanne D'Alcy, étant elle-même actrice, fut aussi considérée comme la première star du cinéma.
Méliès, père et fils de Georges Franju (5min51)
Tourné au chateau d'Orly où Méliès a passé sa retraite, ce segment permet de voir des images d'époque du fils du cinéaste, André Méliès, racontant brièvement la carrière de son père. On ne connait malheureusement pas l'année du documentaire.
Interview de Madeleine Malthête-Méliès (16min07)
La petite-fille de Georges Méliès poursuit le récit de la carrière de son grand-père. On y apprend qu'à la fin de sa vie, le grand magicien du cinéma s'était reconverti dans la vente de jouets en gare Montparnasse. Ruiné après la première guerre, ses talents de prestidigitateur étaient toujours appréciés des passants. Grâce aux films retrouvés à droite et à gauche (qui avaient été perdus), il retrouvera un regain de popularité. L'intervenante raconte ensuite que son grand-père est devenu président du Cercle du cinéma qui deviendra la Cinémathèque française. Madeleine-Malthête Méliès sera quant à elle désignée à l'âge de 20 ans secrétaire de la Cinémathèque d'Henri Langlois. Elle s'occupera toute sa vie durant d'animer des conférences autour des films de son grand-père, de retrouver des films de Méliès complètement disparus. Certains d'entre eux ont été repêchés chez des forains. Ainsi, 200 films sur les 520 réalisés par Méliès entre 1896 et 1912 ont été retrouvés. Elle ne compte pas s'arrêter là...
Interview de Marie-Hélène Lehérissey (6min32)
L'arrière petite-fille de Georges Méliès a créé l'association Les amis de Georges Méliès dans le but de retrouver d'autres films disparus. Ses autres missions sont de les restaurer, les conserver et les montrer au public. Outre les films, l'association a retrouvé des photographies, dessins et affiches qui ont servi à des publications et des expositions au fil du temps.
Interview de Lawrence Lehérissey (3min02)
Déjà évoqué un peu plus haut dans la partie "critique son" de notre test, Lawrence Lehérissey (fils de Marie-Hélène Lehérissey, photo ci-dessus) accompagne au piano les films de son arrière arrière grand-père dans le monde entier. Pour la création de ce coffret dvd, le musicien a créé des musiques différentes de celles qu'il compose en salle lors des projections, aux sonorités modernes. Il rappelle que des pianistes accompagnaient déjà les films des frères Lumière en 1895.
Interview de Christian Fechner (12min01)
Le célèbre producteur français (les Charlots, les films de Patrice Leconte, Claude Zidi, etc...) est aussi un prestidigitateur qui connait sur le bout des doigts la vie de Georges Méliès. Il retrace sa carrière avant (propriétaire du théâtre Robert Houdin à l'âge de 26 ans) et après l'invention du Cinématographe. Méliès n'a pour ainsi dire jamais quitté le monde de la magie qui était selon lui indissociable du cinéma.
Présentation du film « L'Affaire Dreyfus » par Madeleine Malthête-Méliès (6min12)
Introduction rapide et rappel de la véritable affaire Dreyfus. Tourné en 1899, L'Affaire Dreyfus est un film rare qui touche à la fois l'histoire du cinéma mais également l'Histoire en général. Ce film a divisé la France en deux par son engagement et devient le premier film politique de l'histoire du cinéma.
L'Affaire Dreyfus (9min37, 1899) : Le commandant Du Paty de Clam dicte un texte au capitaine Dreyfus et compare son écriture avec celle du bordereau qu'il a en main. Il lui tend un pistolet pour qu'il se donne une mort honorable, mais Dreyfus refuse de se suicider.
Ce film est divisé (et chapitré) en plusieurs tableaux : La Dictée du bordereau, L'Emprisonnement à L'Ile du Diable, La Mise aux fers, Le Suicide du Colonel Henry, Le Débarquement à Quiberon, L'Entretien de Dreyfus avec sa femme à Rennes, L'Attentat contre Maître Labori, Bagarre entre journalistes, Le Conseil de guerre en séance à Rennes. L'équipe de restauration a pu retrouver 9 tableaux sur 11, il manque la dégradation ainsi que l'épisode de la venue du Capitaine au tribunal. Tout le film est accompagné des commentaires de Madeleine Malthête-Méliès qui approfondit son introduction précédente. L'image n'est certes pas au top mais pouvoir découvrir cette oeuvre est un évènement. L'Affaire Dreyfus est un film extraordinaire montrant un suicide de manière très crue et réaliste. De plus, Méliès en véritable orfèvre et soucieux du détail, reconstitue avec minutie des épisodes successifs de l'affaire de la même façon qu'il reconstituait le sacre d'Edouard VII. Il reconstitue les décors, les costumes et les situations à partir d'illustrations publiées dans la presse.
D'un grand retentissement, la préfecture de Police interdit la diffusion du film suite aux bagarres entre le public à chaque projection en salle.
Méliès, esprit libre et radical, incarne l'avocat de Dreyfus, Maître Labori, choix qui le fait se brouiller avec sa famille.
Restauration d'images (3min05)
Voici des exemples de restauration d'images avec un avant et un après, commentés par Ronald Boullet, directeur des restaurations numériques Eclair Laboratoires. Tous les films présentés dans cette rétrospective ont été restaurés à partir d'éléments de pellicule divers dont des négatifs au nitrate très endommagé. Les principaux problèmes à régler ont été les instabilités, les poussières, les moisissures. Le but n'était pas d'atteindre la perfection mais rendre les films plus agréables à regarder tout en conservant leur patine originale.
En ce qui concerne l'instabilité, la cause est due aux caméras à manivelles utilisées à l'époque. Le fait de tourner la manivelle entraînait des sautes d'images inévitables. Le choix a été d'atténuer les instabilités sans les enlever complètement afin de respecter le côté vivant si particulier aux films du début du vingtième siècle. L'élément le plus impressionnant de ce travail de titan demeure la suppression des moisissures et autres champignons.
Cette très belle intéractivité se clôt sur une petite galerie de trois affiches seulement issues du Théâtre Robert Houdin, des films A la Conquête du Pôle et Cendrillon.
Chaque film propose un commentaire écrit et dit soit par Madeleine Malthête-Méliès, petite fille de Georges Méliès, ou par Marie-Hélène Lehérissey, arrière petite-fille du cinéaste. De plus, chaque film est accompagné d'une musique originale composée et interprétée par Lawrence Lehérissey, arrière-arrière petit-fils de Méliès.
Enfin, en guise de supplément original, les boniments d'après Georges Méliès dits par André Dussollier : Méliès écrivait lui-même, comme lors de ses tours de prestidigitation, ce qu'on appelle le boniment, à savoir le discours qui accompagnait habituellement l'exécution d'un tour ou ici d'un film. Ce discours souligne l'action, donne quelques indications sur les personnages comme les noms des protagonistes ou leur statut social. C'est l'acteur André Dussollier qui se prête au jeu en jouant le bonimenteur pour les films suivants : Les Incendiaires, Une chute de cinq étages, Les Malheurs d'un photographe, Cendrillon, Il y a un dieu pour les ivrognes, L'Ile de Calypso ou le géant Polyphême, Barbe-Bleue, Les 400 farces, Le Sacre d'Edouard VII (ici, véritables commentaires de Dussollier, revenant sur l'actualité politique de l'époque), Le Fakir de Singapour, Voyage dans la Lune, Le Génie du Feu, A la Conquête du Pôle.
Vous retrouverez ci-dessous la liste détaillée des 29 films (accompagnés d'un synopsis) présentés en exclusivité sur le premier disque agrémentés de propos tenus dans les commentaires :
1) Voyage dans la Lune - A trip to the Moon (1902, 12min19) : Six savants, membres du club des astronomes, entreprennent une expédition qui doit les conduire sur la lune. Ils partent dans un obus tiré par un canon géant. Arrivés sains et saufs sur la lune, ils y rencontrent ses habitants : les Sélénites échappent à leur Roi et reviennent sur la terre grâce à leur obus qui, tombé dans la mer, est repêché par un navire. Décorés, ils exposent un sélénite prisonnier, resté accroché à l'obus lors du voyage de retour.
Réalisé, écrit, photographié, produit et interprété par Georges Méliès, Voyage dans la Lune est le premier film dit de science-fiction ainsi que le premier film nommé par l'UNESCO en 2002 sur la liste représentative du cinéma mondial. 106 ans après sa conception, le film le plus féérique de Georges Méliès demeure aussi son plus célèbre. Il s'agit probablement du premier film contant une histoire originale. Devant nos yeux naissent les effets visuels et on se souvient tous de l'alunissage avec l'obus éborgnant l'astre. La copie ici présentée est d'une grande beauté et la bande-son est issue de la partition rajoutée en 1910 seulement. Chose rarissime, le film ne contient pas de cartons narratifs qui ralentissaient souvent leur rythme.
Trois mois de tournage ont été nécessaires dans les studios de Montreuil. La figuration y est importante et on peut aisément parler de la première superproduction de l'histoire du cinéma avec son budget de 10 000 francs or. La durée du film était alors inédite, 16 minutes d'émerveillement. Drôle, fantaisiste, poétique, le Voyage de Méliès sera un succès mondiale et sera immédiatement copié par d'autres cinéastes. Méliès s'inspire du roman de Jules Verne De la Terre à la Lune et du roman de H.G. Wells Les Premiers hommes dans la lune. Le film comprend 30 tableaux et exploite tout le savoir-faire de Méliès avec des décors peints à la main, trompe-l'œil, carton-pâte, projections, perspective... et la caméra ne bouge jamais ! La partie n'était pourtant pas gagnée pour son auteur et les premières ventes s'étaient révélées difficiles en raison de la durée du film. Méliès organisera une projection gratuite à la Foire du Trône. Le bouche-à-oreille fera le reste. Voyage dans la Lune est sorti le 1er Septembre 1902 en France et le 4 octobre 1902 aux Etats-Unis.
2) Une partie de cartes - A game of cards (1896, 1min07) : Trois amis sont réunis paisiblement autour d'une table dans un jardin. Ils jouent aux cartes, trinquent et commentent l'actualité.
On y retrouve Méliès lui-même, sa fille de 8 ans, un ami et un voisin. Ce film a été retrouvé en 1996 à Londres. Il s'agit du premier court-métrage de Méliès tourné en juin 1896 dans son propre jardin de Montreuil-sous-bois, 6 mois seulement après la projection du premier film des frères Lumière. Méliès commençait à filmer des petits sujets du quotidien afin de tester le matériel, en pastichant ouvertement les films des frères Lumière. Il s'agit de la première curiosité de cette rétrospective.
3) Le Déshabillage impossible - Going to the under difficulties (1900, 2min08) : Dans une auberge, un voyageur tente de retirer son chapeau et son pardessus. Mais à peine les a t-il accroché au portemanteau que des nouveaux vêtements lui apparaissent sur le dos. Le phénomène se reproduit indéfiniment jusqu'à ce que le voyageur devienne enragé. Il saute sur son lit... qui disparaît à son tour.
Il s'agit d'un des rares films de Georges Méliès utilisant l'accéléré comme trucage. Il manque quelques images à la fin du film. Cette perte est due notamment au fait que le film avait tendance à casser lors du changement ou du chargement de la pellicule dans l'appareil de projection. On appréciera la gestuelle inimitable du Méliès prestidigitateur. Une fois de plus, le cinéaste utilise l'arrêt de la caméra comme trucage principal lors de la disparition ou de l'apparition de vêtements entre autre. A noter que Méliès fit cette découverte suite à un petit incident de tournage place de l'Opéra à Paris. L'appareil s'étant malencontreusement arrêté en cours d'une prise, Méliès reprit le tournage quelques minutes après. Lors d'une projection il se rend compte qu'un bus disparaît pour laisser la place à un corbillard. Le trucage par substitution est né.
4) Le Chevalier Mystère - The Mysterious Knight (1899, 1min32) : Dans un château, un magicien dessine sur un tableau noir une tête avec une craie. Il la détache, la pose sur une bouteille puis sur la lame d'une épée.
De grandes imperfections subsistent malgré la restauration. Le film a été retrouvé aux Etats-Unis en 1989 par un historien grâce à des descriptions faites dans le livre 158 scénarios de films disparus de Georges Méliès publié en 1986.
5) Sorcellerie culinaire - The Cook in trouble (1904, 4min09) : Pour avoir chassé un mendiant qui lui faisait l'aumône, un cuisinier est puni. Des phénomènes paranormaux surviennent dans sa cuisine avec notamment l'apparition de diablotins.
Ce film annonce le surréalisme. Ce genre de film dit de « poursuite » sera repris dans le cinéma américain particulièrement chez Mack Sennett. On notera que le commentaire n'excède pas une minute pour ce film, qui est un poil longuet...
6) Le Mélomane - The Melomaniac (1903, 2min40) : Accompagné de ses élèves, un mélomane multiplie sa propre tête qu'il accroche à une portée musicale géante, afin d'y créer les notes correspondantes à l'hymne anglais.
Marie-Hélène Lehérissey nous lit un extrait d'entretien accordé par Georges Méliès en 1925 sur la mise au point de ses trucages et ficelles. Méliès utilisait principalement l'arrêt de la caméra, les fondus, les caches pour les apparitions et les disparitions, etc... Pour ce film aux surimpressions multiples, 7 expositions du film étaient nécessaires à Méliès afin d'y apparaître 7 fois simultanément. La caméra, très lourde, devait pour les prises de vue être d'une stabilité absolue. Le maximum de surimpressions est ici atteint avec le matériel disponible à l'époque. Formidable.
7) La Sirène - The Mermaid (1904, 3min48) : Un gentleman se métamorphose en pêcheur à la ligne et met dans un aquarium des petits poissons qu'il pêche dans son chapeau. Se retransformant en bourgeois, le décor change autour de lui et une sirène apparaît dans l'aquarium. Elle se change également en charmante femme. Dans le dernier tableau, l'homme se métamorphose en dieu Neptune entouré de ses naïades.
En véritable magicien, Méliès joue avec la complicité du public et avec la mythologie. Il utilise dans ce film un faux travelling avant. C'est en effet le décor et le personnage qui se déplacent vers la caméra qui reste fixe.
8) Les Incendiaires - A Desperate Crime (1906, 7min21) : Des bandits ont mis le feu à une ferme. Leur repaire est assiégé par les gendarmes. Ils s'enfuient, mais l'un d'eux est arrêté et emprisonné. Dans sa cellule, il voit la guillotine dans un cauchemar. On vient lui annoncer que son pourvoi en grâce est rejeté, on l'emmène et nous assistons à l'exécution capitale : sa tête tombe dans le panier et son corps est emporté dans une malle en osier.
Dans l'œuvre de Georges Méliès, Les Incendiaires fait office de film sérieux, un mélodrame. Il manque les six premiers tableaux dont un triple meurtre. Pour le tournage de ses films, Méliès ne sortait quasiment jamais de son studio de Montreuil. Il fait ici une exception en tournant dans les anciennes carrières de gypse de Montreuil et Bagnolet. Madeleine Malthête-Méliès lit une lettre écrite par son grand-père au maire de Montreuil le 3 avril 1906, demandant l'autorisation de tourner dans les carrières. Il était déconseillé aux forains de montrer la dernière scène, par ailleurs ahurissante pour l'époque, celle de la décapitation. Une autorisation devait être signée par le maire de la commune où était diffusé le film pour la montrer au public.
9) Le Portrait mystérieux - A mysterious portrait (1901, 1min05) : Un illusionniste fait apparaître son double dans un cadre et dialogue avec lui avant de le faire disparaître.
Comme un peu plus tard chez Buster Keaton avec Sherlock Jr. et Woody Allen pour La Rose pourpre du Caire, George Méliès réalise un rêve matériellement impossible, parler avec lui-même. On remarquera qu'il se moque de sa propre calvitie.
10) Une chute de cinq étages - A mix-up in the gallery (1906, 2min55) : Un couple de jeunes mariés vient chez un photographe se faire tirer le portrait. Suite à un incident, l'appareil photo tombe des cinq étages de l'immeuble et s'écrase sur un passant. S'ensuit une véritable corrida où le passant est prit pour un taureau.
Film burlesque, les américains appellent ce genre le slapstick. Une fois de plus, Lehérissey nous lit un extrait d'entretiens datant de 1895 où Georges Méliès explique que lorsqu'il a assisté à la première représentation du cinématographe des frères Lumières lors de la séance inaugurale du Grand Café le 28 décembre 1895, il propose aux frères Lumière de leur acheter leur appareil. Ces derniers refusent sous prétexte qu'il ne s'agit uniquement que d'une expérience scientifique et que le Cinématographe n'aura aucun avenir commercial. Il construit alors une caméra lui-même.
11) Les Malheurs d'un photographe - Mischances of a photographer (1908, 3min13) : Un auteur de pièces de théâtre convoque sa troupe chez lui afin d'y faire quelques essais de costumes. Il leur demande ensuite de venir poser devant l'objectif dans son studio annexe. Suite à une farce, l'appareil est relié à un tuyau qui asperge d'eau toute la troupe.
Suite à un contrat passé avec les américains, Georges Méliès doit tourner 15 à 20 minutes de films par semaine. Dans Les Malheurs d'un photographe, on aperçoit les portes du studio B à Montreuil qui venait tout juste d'être créé.
12) Cendrillon - Cinderella (1899, 5min42) : Cendrillon est le souffre-douleur de sa marâtre et de ses deux sœurs. Cependant, sa Fée-Marraine lui permet d'aller au bal à condition qu'elle soit rentrée pour minuit ! En s'enfuyant du palais royal où elle dansait avec le prince, Cendrillon a perdu sa pantoufle de vair. Le Prince l'essaye à toutes les jeunes filles du royaume : seule Cendrillon peut la mettre à son pied. Ils se marient au milieu de l'allégresse générale.
Georges Méliès adapte pour la première fois le conte de Charles Perrault. Le film est un peu long mais le final est beau.
Dans sa carrière, Méliès signa deux adaptations de Cendrillon. C'est son premier film qui dépasse les 100 mètres de pellicule. Les tableaux s'enchaînent sur un rythme soutenu, Méliès joue dans le film et interprète le gnome barbu dans la pendule.
13) Cendrillon ou la pantoufle merveilleuse - Cinderella on the Marvelous slipper (1908, 27min46) : Deuxième adaptation du conte de Charles Perrault.
Remake du Cendrillon de 1899 (voir court-métrage précédent), le traitement est ici différent notamment à cause de sa durée. A ce titre, l'œuvre de Charles Perrault est fidèlement adaptée. A l'époque le film ne remporte aucun succès en salle et le public boude Méliès. Les trucages sont toujours aussi formidables, les décors ahurissants de beauté et on se souviendra longtemps des multiples transformations, la plus belle restant celle de la citrouille en carrosse.
14) Le Chaudron infernal - The Infernal Cauldron (1903, 1min44) : Un démon fait brûler dans son chaudron infernal trois malheureuses victimes dont les fantômes s'élèvent dans les airs, puis disparaissent.
Dès 1897, Méliès souhaite proposer des films coloriés au public. Il fait retravailler la pellicule et la fait peindre à la main par des miniaturistes ou des retoucheuses de photos. La pellicule couleurs n'existant pas, le film est tourné en noir et blanc puis colorié sur commande des forains. Un film colorié coûte deux fois plus cher qu'un film normal. Afin de lutter contre le piratage (déjà !), Méliès intègre un copyright dans son décor. On y remarque le logo « Starfilm » (propriété de Méliès) écrit sous le chaudron.
15) Une nuit terrible - A terrific night (1896, 1min07) : Un jeune homme est attaqué par de gros insectes alors qu'il s'apprête à dormir. Il se bat avec eux et en met plusieurs sur le tapis.
Ce film a été tourné dans le jardin de Georges Méliès, en plein air, avant la construction du studio A de Montreuil. Il s'agit d'un de ses films les plus anciens. Deux versions du film existent, un montrant le protagoniste avec un pot de chambre et l'autre sans pot. « Déjà la censure ? » comme le dit justement Marie-Hélène Lehérissey.
16) Dislocation mystérieuse - Dislocation Extraordinary (1901, 1min36) : Au lieu de se déplacer, un Pierrot envoie ses membres et sa tête chercher les objets dont il a besoin. Puis les bras, les jambes, le tronc et la tête mènent chacun leur propre danse avant de se réunir et reformer le corps entier de Pierrot, qui salue.
Ce film demeure l'un des plus surprenants de Georges Méliès. Il démontre tout l'éventail des "trucs" utilisés par Méliès tout au long de sa carrière : substitution, caches, etc...
17) Les 400 farces du Diable - The Merry Frolics of Satan (1906, 17min18) : L'ingénieur anglais William Crackford, amateur de records de vitesse, vend son âme à un alchimiste - qui n'est autre que Satan - en échange de pilules magiques qui lui permettent de voyager selon ses désirs. Après une chevauchée céleste en compagnie de son valet John, d'un cheval apocalyptique et d'une voiture astrale, Crackford, entraîné aux enfers par Satan, finit sur le feu au milieu de l'allégresse générale.
Le film présenté ici est un mélange des deux versions existantes, celle en couleur et celle en N&B. La version coloriée reste incomplète. Les 400 farces du Diable est un des films que Méliès ait tourné comprenant le plus de figurants. Le voyage céleste est certainement le plus magique jamais filmé par son auteur et les décors sont tous plus ahurissants les uns que les autres. Le jeu des malles, véritable tour de prestidigitation est admirable. L'élément le plus célèbre du film demeure sans conteste le cheval apocalyptique traînant ses voyageurs attrapant au passage des croissants de lune pour manger ou allumant leur pipe au moyen d'une étoile. Magnifique.
18) Un homme de têtes - The Four troublesome heads (1898, 59 secondes) : Un illusionniste joue avec sa tête : il l'ôte de ses épaules et la pose sur la table. Il réussit ainsi à avoir trois têtes vivantes qui chantent ensemble. Comme elles chantent faux, il les écrase avec son banjo. Il en lance une en l'air, qui retombe sur ses épaules.
Exemple frappant du rythme cher à Georges Méliès : son don de mime. On y retrouve également le thème de la décapitation que Méliès exploitait déjà sur la scène du théâtre Robert Houdin avec le tour du Décapité récalcitrant.
19) Les Affiches en goguette - The hilarious Posters (1906, 3min14) : Des affiches publicitaires s'animent, discutent entre elles et bombardent des sergents de ville venus constater l'agitation dans la rue. Les affiches tombent sur eux, puis ils se retrouvent accrochés à une grille pendant que les personnages vivants des affiches défilent devant eux en les moquant.
Méliès se moque des affiches publicitaires en les détournant, Tripaulin remplace par exemple Ripolin. Critiquant l'autorité, le cinéaste signe « Mort aux flics » sur la devanture du décor principal.
20) Il y a un dieu pour les ivrognes - The good luck of a « souse » (1908, 3min54 ) : Dans une crise d'éthylisme, un ivrogne casse tout chez lui et jette sa femme et sa fille par la fenêtre. Pris de remords, il veut mettre fin à ses jours mais rate son suicide. Son pistolet s'enraye. Il tente de se pendre mais sa famille arrive à temps. Il jure ensuite de ne plus jamais boire...
Ce film a été tourné entre autre devant la propriété des Méliès à Montreuil. La maison étant en rénovation, Méliès n'a pas retiré les échafaudages. Il y a un dieu pour les ivrognes a été tourné durant la construction du studio B.
21) Spiritisme abracadabrant - Amazing spiritism (1900, 1min08) : Un homme rentre dans un château et tente de retirer sa veste et ses gants, seulement à chaque fois, ceux-ci réapparaissent sur lui.
Retrouvé en Suisse en 1997 dans une boite à chaussures, ce film a une fois de plus été identifié grâce au livre 158 scénarios de films disparus de Georges Méliès publié en 1986. On retrouve le thème principal du film Le Déshabillage impossible.
22) L'Ile de Calypso ou le Géant Polyphême - The Mysterious Island (1905, 3min36) : Le récit de deux épisodes de l'Odyssée : Ulysse arrive dans l'île de la nymphe Calypso après avoir fait naufrage. La nymphe le séduit. La légende dit qu'elle le retint sept années dans son île. Puis Ulysse rencontre le cyclope Polyphème et lui crève l'œil unique avec une lance.
Méliès était bachelier latin-grec en 1880, très rare pour l'époque. Il a toujours été fasciné par la mythologie grecque. Il s'agit sans nul doute d'une des plus belles interactions entre un personnage principal avec une incrustation. A noter la belle crème anglaise sortant de l'œil crevé du cyclope.
23) Barbe Bleue - Blue Beard (1901, 10min20) : Le seigneur Barbe-Bleue, déjà sept fois veuf, convole en justes noces. Partant en voyage, il interdit à sa nouvelle femme l'entrée d'une chambre du château. Mais, tentée par le diable, elle y entre pour y découvrir les cadavres des sept épouses. Voyant qu'elle lui a désobéi, Barbe-Bleue veut la tuer, mais les frères de la jeune femme arrivent à temps pour la sauver. Le tyran sera abattu.
Première adaptation au cinéma de la légende de Barbe-Bleue, le film s'impose comme un des meilleurs films de Méliès, tant au niveau de la mise en images que de l'histoire, des costumes, des décors...
24) Le Cake-Walk infernal - The infernal Cake-Walk (1903, 4min54) : Dans son royaume, aux Enfers, le Diable fait venir un couple de danseurs professionnels qui font une démonstration d'une danse à la mode en 1903 : le cake-walk. Ensuite, un diable grotesque sorti d'un grand gâteau exécute une danse comico-acrobatique puis disparaît dans une explosion. Tous les habitants des enfers dansent ensuite une folle sarabande.
Méliès use une fois de plus du démembrement. Claude Debussy, grand compositeur, était très impressionné par la musique jazz et avait écrit un Cake-Walk, danse syncopée à deux temps. Cette « danse du gâteau » était très à la mode au début du vingtième siècle. Georges Méliès y joue deux rôles de diable. Un piano jouait durant le tournage afin de donner le rythme aux acteurs. Quand il n'est pas à l'écran, Méliès joue lui-même alors qu'il ne sait pas lire la musique.
25) Le Sacre d'Edouard VII - Special Coronation film (1902, 5min20) : Ce film est une anticipation. C'est la répétition de diverses phases du couronnement du Roi d'Angleterre Edouard VII qui succédait à sa mère, la reine Victoria. Il s'agit d'une actualité reconstituée comme pour L'Affaire Dreyfuss.
Film de reconstitution d'actualité par anticipation. Le film débute par 3 photos issues du véritable cortège royal. Méliès n'avait pas reçu l'autorisation de filmer le véritable sacrement, de plus la caméra était trop lourde et la pellicule trop faible pour filmer véritablement sur place à Westminster. Qu'importe, Méliès reconstitue l'abbaye dans ses studios de Montreuil et sélectionne les moments caractéristiques du Sacre. A savoir que les journalistes hurlèrent au scandale et à l'escroquerie.
26) Le Fakir de Singapour - The Indian Sorcerer (1908, 5min05) : Un fakir fait grandir un œuf de façon démesurée, puis le coupe en deux, en met chaque moitié dans les plateaux d'une balance qu'il a fabriqué magiquement avec un lorgnon, et en fait sortir des poules, puis deux enfants.
Un des films que Georges Méliès a eu le plus de plaisir à tourner. Il a particulièrement soigné les décors luxuriants et les trucages vidéo. On passe un excellent moment.
27) La Cardeuse de Matelas - The Tramp and the Mattress maker (1906, 4min05) : Un vagabond trouve refuge à l'intérieur d'un matelas destiné à être rembourré. Il se réveille et effraie les habitués d'un bar.
Ce film fait partie des oeuvres les plus burlesques de Méliès, ou slapstick pour les américains.
28) Le Génie du Feu - The Genii of fire - 1908 - 4min53 : Une jeune fille trop curieuse entraîne son fiancé dans une grotte mystérieuse malgré les mises en garde d'un prêtre. Pour avoir violé l'entrée du palais du Génie du Feu, les fiancés sont aveuglés. A la sortie de la grotte, le prêtre parvient à leur faire retrouver la vue.
Passionné de cultures orientales, Méliès y a souvent planté ses histoires. Il y crée de magnifiques décors et use des effets pyrotechniques qu'il manie en expert.
29) A la Conquête du Pôle - The Conquest of the North Pole (1912, 30min56) : La multiplication des expéditions polaires provoque une réunion des savants. On doit choisir le meilleur moyen pour parvenir au pôle. C'est l'aérobus de l'ingénieur professeur Maboul qui est désigné. Six savants de différentes nations l'accompagnent dans la périlleuse mission. D'autres voyageurs employant différents moyens de locomotion échouent lamentablement. L'aérobus atteint le pôle mais s'écrase à l'atterrissage. Le Géant des Neiges effraie les explorateurs puis l'aiguille magnétique, axe du pôle, les retient collés à elle. Enfin, ils sont sauvés par un ballon dirigeable et regagnent triomphalement l'institut.
A la Conquête du Pôle est le plus long film de Georges Méliès. Il a été retrouvé en Autriche d'où des intertitres en allemand, non sous-titrés datant de l'après seconde guerre mondiale. A la Conquête du Pôle est l'un des trois derniers films de Méliès. On y retrouve le thème de l'exploration, du voyage. Méliès voyage très peu mais demeure fasciné par les scientifiques et les explorateurs. Le film est boudé par le public, lassé de ce genre de féérie et à cause de la concurrence sévère. Le public est plus accoutumé à aller au cinéma et le cinéma évolue rapidement. A la Conquête du Pôle se solde par un grave échec commercial.
A la Conquête du Pôle se place parmi les trois plus beaux films de cette rétrospective avec mention spéciale pour les véhicules divers et variés.
DVD 2
Interviews et documents
Les 90 ans de Mme Méliès (37 secondes)
Sont présentées ici des images d'archives de la dernière épouse de Georges Méliès fêtant ses 90 ans et les 60 ans de l'invention du cinéma. Jeanne D'Alcy, étant elle-même actrice, fut aussi considérée comme la première star du cinéma.
Méliès, père et fils de Georges Franju (5min51)
Tourné au chateau d'Orly où Méliès a passé sa retraite, ce segment permet de voir des images d'époque du fils du cinéaste, André Méliès, racontant brièvement la carrière de son père. On ne connait malheureusement pas l'année du documentaire.
Interview de Madeleine Malthête-Méliès (16min07)
La petite-fille de Georges Méliès poursuit le récit de la carrière de son grand-père. On y apprend qu'à la fin de sa vie, le grand magicien du cinéma s'était reconverti dans la vente de jouets en gare Montparnasse. Ruiné après la première guerre, ses talents de prestidigitateur étaient toujours appréciés des passants. Grâce aux films retrouvés à droite et à gauche (qui avaient été perdus), il retrouvera un regain de popularité. L'intervenante raconte ensuite que son grand-père est devenu président du Cercle du cinéma qui deviendra la Cinémathèque française. Madeleine-Malthête Méliès sera quant à elle désignée à l'âge de 20 ans secrétaire de la Cinémathèque d'Henri Langlois. Elle s'occupera toute sa vie durant d'animer des conférences autour des films de son grand-père, de retrouver des films de Méliès complètement disparus. Certains d'entre eux ont été repêchés chez des forains. Ainsi, 200 films sur les 520 réalisés par Méliès entre 1896 et 1912 ont été retrouvés. Elle ne compte pas s'arrêter là...
Interview de Marie-Hélène Lehérissey (6min32)
L'arrière petite-fille de Georges Méliès a créé l'association Les amis de Georges Méliès dans le but de retrouver d'autres films disparus. Ses autres missions sont de les restaurer, les conserver et les montrer au public. Outre les films, l'association a retrouvé des photographies, dessins et affiches qui ont servi à des publications et des expositions au fil du temps.
Interview de Lawrence Lehérissey (3min02)
Déjà évoqué un peu plus haut dans la partie "critique son" de notre test, Lawrence Lehérissey (fils de Marie-Hélène Lehérissey, photo ci-dessus) accompagne au piano les films de son arrière arrière grand-père dans le monde entier. Pour la création de ce coffret dvd, le musicien a créé des musiques différentes de celles qu'il compose en salle lors des projections, aux sonorités modernes. Il rappelle que des pianistes accompagnaient déjà les films des frères Lumière en 1895.
Interview de Christian Fechner (12min01)
Le célèbre producteur français (les Charlots, les films de Patrice Leconte, Claude Zidi, etc...) est aussi un prestidigitateur qui connait sur le bout des doigts la vie de Georges Méliès. Il retrace sa carrière avant (propriétaire du théâtre Robert Houdin à l'âge de 26 ans) et après l'invention du Cinématographe. Méliès n'a pour ainsi dire jamais quitté le monde de la magie qui était selon lui indissociable du cinéma.
Présentation du film « L'Affaire Dreyfus » par Madeleine Malthête-Méliès (6min12)
Introduction rapide et rappel de la véritable affaire Dreyfus. Tourné en 1899, L'Affaire Dreyfus est un film rare qui touche à la fois l'histoire du cinéma mais également l'Histoire en général. Ce film a divisé la France en deux par son engagement et devient le premier film politique de l'histoire du cinéma.
L'Affaire Dreyfus (9min37, 1899) : Le commandant Du Paty de Clam dicte un texte au capitaine Dreyfus et compare son écriture avec celle du bordereau qu'il a en main. Il lui tend un pistolet pour qu'il se donne une mort honorable, mais Dreyfus refuse de se suicider.
Ce film est divisé (et chapitré) en plusieurs tableaux : La Dictée du bordereau, L'Emprisonnement à L'Ile du Diable, La Mise aux fers, Le Suicide du Colonel Henry, Le Débarquement à Quiberon, L'Entretien de Dreyfus avec sa femme à Rennes, L'Attentat contre Maître Labori, Bagarre entre journalistes, Le Conseil de guerre en séance à Rennes. L'équipe de restauration a pu retrouver 9 tableaux sur 11, il manque la dégradation ainsi que l'épisode de la venue du Capitaine au tribunal. Tout le film est accompagné des commentaires de Madeleine Malthête-Méliès qui approfondit son introduction précédente. L'image n'est certes pas au top mais pouvoir découvrir cette oeuvre est un évènement. L'Affaire Dreyfus est un film extraordinaire montrant un suicide de manière très crue et réaliste. De plus, Méliès en véritable orfèvre et soucieux du détail, reconstitue avec minutie des épisodes successifs de l'affaire de la même façon qu'il reconstituait le sacre d'Edouard VII. Il reconstitue les décors, les costumes et les situations à partir d'illustrations publiées dans la presse.
D'un grand retentissement, la préfecture de Police interdit la diffusion du film suite aux bagarres entre le public à chaque projection en salle.
Méliès, esprit libre et radical, incarne l'avocat de Dreyfus, Maître Labori, choix qui le fait se brouiller avec sa famille.
Restauration d'images (3min05)
Voici des exemples de restauration d'images avec un avant et un après, commentés par Ronald Boullet, directeur des restaurations numériques Eclair Laboratoires. Tous les films présentés dans cette rétrospective ont été restaurés à partir d'éléments de pellicule divers dont des négatifs au nitrate très endommagé. Les principaux problèmes à régler ont été les instabilités, les poussières, les moisissures. Le but n'était pas d'atteindre la perfection mais rendre les films plus agréables à regarder tout en conservant leur patine originale.
En ce qui concerne l'instabilité, la cause est due aux caméras à manivelles utilisées à l'époque. Le fait de tourner la manivelle entraînait des sautes d'images inévitables. Le choix a été d'atténuer les instabilités sans les enlever complètement afin de respecter le côté vivant si particulier aux films du début du vingtième siècle. L'élément le plus impressionnant de ce travail de titan demeure la suppression des moisissures et autres champignons.
Cette très belle intéractivité se clôt sur une petite galerie de trois affiches seulement issues du Théâtre Robert Houdin, des films A la Conquête du Pôle et Cendrillon.
Bonus :
9/20
DVD 1
Chaque film propose un commentaire écrit et dit soit par Madeleine Malthête-Méliès, petite fille de Georges Méliès, ou par Marie-Hélène Lehérissey, arrière petite-fille du cinéaste. De plus, chaque film est accompagné d'une musique originale composée et interprétée par Lawrence Lehérissey, arrière-arrière petit-fils de Méliès.
Enfin, en guise de supplément original, les boniments d'après Georges Méliès dits par André Dussollier : Méliès écrivait lui-même, comme lors de ses tours de prestidigitation, ce qu'on appelle le boniment, à savoir le discours qui accompagnait habituellement l'exécution d'un tour ou ici d'un film. Ce discours souligne l'action, donne quelques indications sur les personnages comme les noms des protagonistes ou leur statut social. C'est l'acteur André Dussollier qui se prête au jeu en jouant le bonimenteur pour les films suivants : Les Incendiaires, Une chute de cinq étages, Les Malheurs d'un photographe, Cendrillon, Il y a un dieu pour les ivrognes, L'Ile de Calypso ou le géant Polyphême, Barbe-Bleue, Les 400 farces, Le Sacre d'Edouard VII (ici, véritables commentaires de Dussollier, revenant sur l'actualité politique de l'époque), Le Fakir de Singapour, Voyage dans la Lune, Le Génie du Feu, A la Conquête du Pôle.
Vous retrouverez ci-dessous la liste détaillée des 29 films (accompagnés d'un synopsis) présentés en exclusivité sur le premier disque agrémentés de propos tenus dans les commentaires :
1) Voyage dans la Lune - A trip to the Moon (1902, 12min19) : Six savants, membres du club des astronomes, entreprennent une expédition qui doit les conduire sur la lune. Ils partent dans un obus tiré par un canon géant. Arrivés sains et saufs sur la lune, ils y rencontrent ses habitants : les Sélénites échappent à leur Roi et reviennent sur la terre grâce à leur obus qui, tombé dans la mer, est repêché par un navire. Décorés, ils exposent un sélénite prisonnier, resté accroché à l'obus lors du voyage de retour.
Réalisé, écrit, photographié, produit et interprété par Georges Méliès, Voyage dans la Lune est le premier film dit de science-fiction ainsi que le premier film nommé par l'UNESCO en 2002 sur la liste représentative du cinéma mondial. 106 ans après sa conception, le film le plus féérique de Georges Méliès demeure aussi son plus célèbre. Il s'agit probablement du premier film contant une histoire originale. Devant nos yeux naissent les effets visuels et on se souvient tous de l'alunissage avec l'obus éborgnant l'astre. La copie ici présentée est d'une grande beauté et la bande-son est issue de la partition rajoutée en 1910 seulement. Chose rarissime, le film ne contient pas de cartons narratifs qui ralentissaient souvent leur rythme.
Trois mois de tournage ont été nécessaires dans les studios de Montreuil. La figuration y est importante et on peut aisément parler de la première superproduction de l'histoire du cinéma avec son budget de 10 000 francs or. La durée du film était alors inédite, 16 minutes d'émerveillement. Drôle, fantaisiste, poétique, le Voyage de Méliès sera un succès mondiale et sera immédiatement copié par d'autres cinéastes. Méliès s'inspire du roman de Jules Verne De la Terre à la Lune et du roman de H.G. Wells Les Premiers hommes dans la lune. Le film comprend 30 tableaux et exploite tout le savoir-faire de Méliès avec des décors peints à la main, trompe-l'œil, carton-pâte, projections, perspective... et la caméra ne bouge jamais ! La partie n'était pourtant pas gagnée pour son auteur et les premières ventes s'étaient révélées difficiles en raison de la durée du film. Méliès organisera une projection gratuite à la Foire du Trône. Le bouche-à-oreille fera le reste. Voyage dans la Lune est sorti le 1er Septembre 1902 en France et le 4 octobre 1902 aux Etats-Unis.
2) Une partie de cartes - A game of cards (1896, 1min07) : Trois amis sont réunis paisiblement autour d'une table dans un jardin. Ils jouent aux cartes, trinquent et commentent l'actualité.
On y retrouve Méliès lui-même, sa fille de 8 ans, un ami et un voisin. Ce film a été retrouvé en 1996 à Londres. Il s'agit du premier court-métrage de Méliès tourné en juin 1896 dans son propre jardin de Montreuil-sous-bois, 6 mois seulement après la projection du premier film des frères Lumière. Méliès commençait à filmer des petits sujets du quotidien afin de tester le matériel, en pastichant ouvertement les films des frères Lumière. Il s'agit de la première curiosité de cette rétrospective.
3) Le Déshabillage impossible - Going to the under difficulties (1900, 2min08) : Dans une auberge, un voyageur tente de retirer son chapeau et son pardessus. Mais à peine les a t-il accroché au portemanteau que des nouveaux vêtements lui apparaissent sur le dos. Le phénomène se reproduit indéfiniment jusqu'à ce que le voyageur devienne enragé. Il saute sur son lit... qui disparaît à son tour.
Il s'agit d'un des rares films de Georges Méliès utilisant l'accéléré comme trucage. Il manque quelques images à la fin du film. Cette perte est due notamment au fait que le film avait tendance à casser lors du changement ou du chargement de la pellicule dans l'appareil de projection. On appréciera la gestuelle inimitable du Méliès prestidigitateur. Une fois de plus, le cinéaste utilise l'arrêt de la caméra comme trucage principal lors de la disparition ou de l'apparition de vêtements entre autre. A noter que Méliès fit cette découverte suite à un petit incident de tournage place de l'Opéra à Paris. L'appareil s'étant malencontreusement arrêté en cours d'une prise, Méliès reprit le tournage quelques minutes après. Lors d'une projection il se rend compte qu'un bus disparaît pour laisser la place à un corbillard. Le trucage par substitution est né.
4) Le Chevalier Mystère - The Mysterious Knight (1899, 1min32) : Dans un château, un magicien dessine sur un tableau noir une tête avec une craie. Il la détache, la pose sur une bouteille puis sur la lame d'une épée.
De grandes imperfections subsistent malgré la restauration. Le film a été retrouvé aux Etats-Unis en 1989 par un historien grâce à des descriptions faites dans le livre 158 scénarios de films disparus de Georges Méliès publié en 1986.
5) Sorcellerie culinaire - The Cook in trouble (1904, 4min09) : Pour avoir chassé un mendiant qui lui faisait l'aumône, un cuisinier est puni. Des phénomènes paranormaux surviennent dans sa cuisine avec notamment l'apparition de diablotins.
Ce film annonce le surréalisme. Ce genre de film dit de « poursuite » sera repris dans le cinéma américain particulièrement chez Mack Sennett. On notera que le commentaire n'excède pas une minute pour ce film, qui est un poil longuet...
6) Le Mélomane - The Melomaniac (1903, 2min40) : Accompagné de ses élèves, un mélomane multiplie sa propre tête qu'il accroche à une portée musicale géante, afin d'y créer les notes correspondantes à l'hymne anglais.
Marie-Hélène Lehérissey nous lit un extrait d'entretien accordé par Georges Méliès en 1925 sur la mise au point de ses trucages et ficelles. Méliès utilisait principalement l'arrêt de la caméra, les fondus, les caches pour les apparitions et les disparitions, etc... Pour ce film aux surimpressions multiples, 7 expositions du film étaient nécessaires à Méliès afin d'y apparaître 7 fois simultanément. La caméra, très lourde, devait pour les prises de vue être d'une stabilité absolue. Le maximum de surimpressions est ici atteint avec le matériel disponible à l'époque. Formidable.
7) La Sirène - The Mermaid (1904, 3min48) : Un gentleman se métamorphose en pêcheur à la ligne et met dans un aquarium des petits poissons qu'il pêche dans son chapeau. Se retransformant en bourgeois, le décor change autour de lui et une sirène apparaît dans l'aquarium. Elle se change également en charmante femme. Dans le dernier tableau, l'homme se métamorphose en dieu Neptune entouré de ses naïades.
En véritable magicien, Méliès joue avec la complicité du public et avec la mythologie. Il utilise dans ce film un faux travelling avant. C'est en effet le décor et le personnage qui se déplacent vers la caméra qui reste fixe.
8) Les Incendiaires - A Desperate Crime (1906, 7min21) : Des bandits ont mis le feu à une ferme. Leur repaire est assiégé par les gendarmes. Ils s'enfuient, mais l'un d'eux est arrêté et emprisonné. Dans sa cellule, il voit la guillotine dans un cauchemar. On vient lui annoncer que son pourvoi en grâce est rejeté, on l'emmène et nous assistons à l'exécution capitale : sa tête tombe dans le panier et son corps est emporté dans une malle en osier.
Dans l'œuvre de Georges Méliès, Les Incendiaires fait office de film sérieux, un mélodrame. Il manque les six premiers tableaux dont un triple meurtre. Pour le tournage de ses films, Méliès ne sortait quasiment jamais de son studio de Montreuil. Il fait ici une exception en tournant dans les anciennes carrières de gypse de Montreuil et Bagnolet. Madeleine Malthête-Méliès lit une lettre écrite par son grand-père au maire de Montreuil le 3 avril 1906, demandant l'autorisation de tourner dans les carrières. Il était déconseillé aux forains de montrer la dernière scène, par ailleurs ahurissante pour l'époque, celle de la décapitation. Une autorisation devait être signée par le maire de la commune où était diffusé le film pour la montrer au public.
9) Le Portrait mystérieux - A mysterious portrait (1901, 1min05) : Un illusionniste fait apparaître son double dans un cadre et dialogue avec lui avant de le faire disparaître.
Comme un peu plus tard chez Buster Keaton avec Sherlock Jr. et Woody Allen pour La Rose pourpre du Caire, George Méliès réalise un rêve matériellement impossible, parler avec lui-même. On remarquera qu'il se moque de sa propre calvitie.
10) Une chute de cinq étages - A mix-up in the gallery (1906, 2min55) : Un couple de jeunes mariés vient chez un photographe se faire tirer le portrait. Suite à un incident, l'appareil photo tombe des cinq étages de l'immeuble et s'écrase sur un passant. S'ensuit une véritable corrida où le passant est prit pour un taureau.
Film burlesque, les américains appellent ce genre le slapstick. Une fois de plus, Lehérissey nous lit un extrait d'entretiens datant de 1895 où Georges Méliès explique que lorsqu'il a assisté à la première représentation du cinématographe des frères Lumières lors de la séance inaugurale du Grand Café le 28 décembre 1895, il propose aux frères Lumière de leur acheter leur appareil. Ces derniers refusent sous prétexte qu'il ne s'agit uniquement que d'une expérience scientifique et que le Cinématographe n'aura aucun avenir commercial. Il construit alors une caméra lui-même.
11) Les Malheurs d'un photographe - Mischances of a photographer (1908, 3min13) : Un auteur de pièces de théâtre convoque sa troupe chez lui afin d'y faire quelques essais de costumes. Il leur demande ensuite de venir poser devant l'objectif dans son studio annexe. Suite à une farce, l'appareil est relié à un tuyau qui asperge d'eau toute la troupe.
Suite à un contrat passé avec les américains, Georges Méliès doit tourner 15 à 20 minutes de films par semaine. Dans Les Malheurs d'un photographe, on aperçoit les portes du studio B à Montreuil qui venait tout juste d'être créé.
12) Cendrillon - Cinderella (1899, 5min42) : Cendrillon est le souffre-douleur de sa marâtre et de ses deux sœurs. Cependant, sa Fée-Marraine lui permet d'aller au bal à condition qu'elle soit rentrée pour minuit ! En s'enfuyant du palais royal où elle dansait avec le prince, Cendrillon a perdu sa pantoufle de vair. Le Prince l'essaye à toutes les jeunes filles du royaume : seule Cendrillon peut la mettre à son pied. Ils se marient au milieu de l'allégresse générale.
Georges Méliès adapte pour la première fois le conte de Charles Perrault. Le film est un peu long mais le final est beau.
Dans sa carrière, Méliès signa deux adaptations de Cendrillon. C'est son premier film qui dépasse les 100 mètres de pellicule. Les tableaux s'enchaînent sur un rythme soutenu, Méliès joue dans le film et interprète le gnome barbu dans la pendule.
13) Cendrillon ou la pantoufle merveilleuse - Cinderella on the Marvelous slipper (1908, 27min46) : Deuxième adaptation du conte de Charles Perrault.
Remake du Cendrillon de 1899 (voir court-métrage précédent), le traitement est ici différent notamment à cause de sa durée. A ce titre, l'œuvre de Charles Perrault est fidèlement adaptée. A l'époque le film ne remporte aucun succès en salle et le public boude Méliès. Les trucages sont toujours aussi formidables, les décors ahurissants de beauté et on se souviendra longtemps des multiples transformations, la plus belle restant celle de la citrouille en carrosse.
14) Le Chaudron infernal - The Infernal Cauldron (1903, 1min44) : Un démon fait brûler dans son chaudron infernal trois malheureuses victimes dont les fantômes s'élèvent dans les airs, puis disparaissent.
Dès 1897, Méliès souhaite proposer des films coloriés au public. Il fait retravailler la pellicule et la fait peindre à la main par des miniaturistes ou des retoucheuses de photos. La pellicule couleurs n'existant pas, le film est tourné en noir et blanc puis colorié sur commande des forains. Un film colorié coûte deux fois plus cher qu'un film normal. Afin de lutter contre le piratage (déjà !), Méliès intègre un copyright dans son décor. On y remarque le logo « Starfilm » (propriété de Méliès) écrit sous le chaudron.
15) Une nuit terrible - A terrific night (1896, 1min07) : Un jeune homme est attaqué par de gros insectes alors qu'il s'apprête à dormir. Il se bat avec eux et en met plusieurs sur le tapis.
Ce film a été tourné dans le jardin de Georges Méliès, en plein air, avant la construction du studio A de Montreuil. Il s'agit d'un de ses films les plus anciens. Deux versions du film existent, un montrant le protagoniste avec un pot de chambre et l'autre sans pot. « Déjà la censure ? » comme le dit justement Marie-Hélène Lehérissey.
16) Dislocation mystérieuse - Dislocation Extraordinary (1901, 1min36) : Au lieu de se déplacer, un Pierrot envoie ses membres et sa tête chercher les objets dont il a besoin. Puis les bras, les jambes, le tronc et la tête mènent chacun leur propre danse avant de se réunir et reformer le corps entier de Pierrot, qui salue.
Ce film demeure l'un des plus surprenants de Georges Méliès. Il démontre tout l'éventail des "trucs" utilisés par Méliès tout au long de sa carrière : substitution, caches, etc...
17) Les 400 farces du Diable - The Merry Frolics of Satan (1906, 17min18) : L'ingénieur anglais William Crackford, amateur de records de vitesse, vend son âme à un alchimiste - qui n'est autre que Satan - en échange de pilules magiques qui lui permettent de voyager selon ses désirs. Après une chevauchée céleste en compagnie de son valet John, d'un cheval apocalyptique et d'une voiture astrale, Crackford, entraîné aux enfers par Satan, finit sur le feu au milieu de l'allégresse générale.
Le film présenté ici est un mélange des deux versions existantes, celle en couleur et celle en N&B. La version coloriée reste incomplète. Les 400 farces du Diable est un des films que Méliès ait tourné comprenant le plus de figurants. Le voyage céleste est certainement le plus magique jamais filmé par son auteur et les décors sont tous plus ahurissants les uns que les autres. Le jeu des malles, véritable tour de prestidigitation est admirable. L'élément le plus célèbre du film demeure sans conteste le cheval apocalyptique traînant ses voyageurs attrapant au passage des croissants de lune pour manger ou allumant leur pipe au moyen d'une étoile. Magnifique.
18) Un homme de têtes - The Four troublesome heads (1898, 59 secondes) : Un illusionniste joue avec sa tête : il l'ôte de ses épaules et la pose sur la table. Il réussit ainsi à avoir trois têtes vivantes qui chantent ensemble. Comme elles chantent faux, il les écrase avec son banjo. Il en lance une en l'air, qui retombe sur ses épaules.
Exemple frappant du rythme cher à Georges Méliès : son don de mime. On y retrouve également le thème de la décapitation que Méliès exploitait déjà sur la scène du théâtre Robert Houdin avec le tour du Décapité récalcitrant.
19) Les Affiches en goguette - The hilarious Posters (1906, 3min14) : Des affiches publicitaires s'animent, discutent entre elles et bombardent des sergents de ville venus constater l'agitation dans la rue. Les affiches tombent sur eux, puis ils se retrouvent accrochés à une grille pendant que les personnages vivants des affiches défilent devant eux en les moquant.
Méliès se moque des affiches publicitaires en les détournant, Tripaulin remplace par exemple Ripolin. Critiquant l'autorité, le cinéaste signe « Mort aux flics » sur la devanture du décor principal.
20) Il y a un dieu pour les ivrognes - The good luck of a « souse » (1908, 3min54 ) : Dans une crise d'éthylisme, un ivrogne casse tout chez lui et jette sa femme et sa fille par la fenêtre. Pris de remords, il veut mettre fin à ses jours mais rate son suicide. Son pistolet s'enraye. Il tente de se pendre mais sa famille arrive à temps. Il jure ensuite de ne plus jamais boire...
Ce film a été tourné entre autre devant la propriété des Méliès à Montreuil. La maison étant en rénovation, Méliès n'a pas retiré les échafaudages. Il y a un dieu pour les ivrognes a été tourné durant la construction du studio B.
21) Spiritisme abracadabrant - Amazing spiritism (1900, 1min08) : Un homme rentre dans un château et tente de retirer sa veste et ses gants, seulement à chaque fois, ceux-ci réapparaissent sur lui.
Retrouvé en Suisse en 1997 dans une boite à chaussures, ce film a une fois de plus été identifié grâce au livre 158 scénarios de films disparus de Georges Méliès publié en 1986. On retrouve le thème principal du film Le Déshabillage impossible.
22) L'Ile de Calypso ou le Géant Polyphême - The Mysterious Island (1905, 3min36) : Le récit de deux épisodes de l'Odyssée : Ulysse arrive dans l'île de la nymphe Calypso après avoir fait naufrage. La nymphe le séduit. La légende dit qu'elle le retint sept années dans son île. Puis Ulysse rencontre le cyclope Polyphème et lui crève l'œil unique avec une lance.
Méliès était bachelier latin-grec en 1880, très rare pour l'époque. Il a toujours été fasciné par la mythologie grecque. Il s'agit sans nul doute d'une des plus belles interactions entre un personnage principal avec une incrustation. A noter la belle crème anglaise sortant de l'œil crevé du cyclope.
23) Barbe Bleue - Blue Beard (1901, 10min20) : Le seigneur Barbe-Bleue, déjà sept fois veuf, convole en justes noces. Partant en voyage, il interdit à sa nouvelle femme l'entrée d'une chambre du château. Mais, tentée par le diable, elle y entre pour y découvrir les cadavres des sept épouses. Voyant qu'elle lui a désobéi, Barbe-Bleue veut la tuer, mais les frères de la jeune femme arrivent à temps pour la sauver. Le tyran sera abattu.
Première adaptation au cinéma de la légende de Barbe-Bleue, le film s'impose comme un des meilleurs films de Méliès, tant au niveau de la mise en images que de l'histoire, des costumes, des décors...
24) Le Cake-Walk infernal - The infernal Cake-Walk (1903, 4min54) : Dans son royaume, aux Enfers, le Diable fait venir un couple de danseurs professionnels qui font une démonstration d'une danse à la mode en 1903 : le cake-walk. Ensuite, un diable grotesque sorti d'un grand gâteau exécute une danse comico-acrobatique puis disparaît dans une explosion. Tous les habitants des enfers dansent ensuite une folle sarabande.
Méliès use une fois de plus du démembrement. Claude Debussy, grand compositeur, était très impressionné par la musique jazz et avait écrit un Cake-Walk, danse syncopée à deux temps. Cette « danse du gâteau » était très à la mode au début du vingtième siècle. Georges Méliès y joue deux rôles de diable. Un piano jouait durant le tournage afin de donner le rythme aux acteurs. Quand il n'est pas à l'écran, Méliès joue lui-même alors qu'il ne sait pas lire la musique.
25) Le Sacre d'Edouard VII - Special Coronation film (1902, 5min20) : Ce film est une anticipation. C'est la répétition de diverses phases du couronnement du Roi d'Angleterre Edouard VII qui succédait à sa mère, la reine Victoria. Il s'agit d'une actualité reconstituée comme pour L'Affaire Dreyfuss.
Film de reconstitution d'actualité par anticipation. Le film débute par 3 photos issues du véritable cortège royal. Méliès n'avait pas reçu l'autorisation de filmer le véritable sacrement, de plus la caméra était trop lourde et la pellicule trop faible pour filmer véritablement sur place à Westminster. Qu'importe, Méliès reconstitue l'abbaye dans ses studios de Montreuil et sélectionne les moments caractéristiques du Sacre. A savoir que les journalistes hurlèrent au scandale et à l'escroquerie.
26) Le Fakir de Singapour - The Indian Sorcerer (1908, 5min05) : Un fakir fait grandir un œuf de façon démesurée, puis le coupe en deux, en met chaque moitié dans les plateaux d'une balance qu'il a fabriqué magiquement avec un lorgnon, et en fait sortir des poules, puis deux enfants.
Un des films que Georges Méliès a eu le plus de plaisir à tourner. Il a particulièrement soigné les décors luxuriants et les trucages vidéo. On passe un excellent moment.
27) La Cardeuse de Matelas - The Tramp and the Mattress maker (1906, 4min05) : Un vagabond trouve refuge à l'intérieur d'un matelas destiné à être rembourré. Il se réveille et effraie les habitués d'un bar.
Ce film fait partie des oeuvres les plus burlesques de Méliès, ou slapstick pour les américains.
28) Le Génie du Feu - The Genii of fire - 1908 - 4min53 : Une jeune fille trop curieuse entraîne son fiancé dans une grotte mystérieuse malgré les mises en garde d'un prêtre. Pour avoir violé l'entrée du palais du Génie du Feu, les fiancés sont aveuglés. A la sortie de la grotte, le prêtre parvient à leur faire retrouver la vue.
Passionné de cultures orientales, Méliès y a souvent planté ses histoires. Il y crée de magnifiques décors et use des effets pyrotechniques qu'il manie en expert.
29) A la Conquête du Pôle - The Conquest of the North Pole (1912, 30min56) : La multiplication des expéditions polaires provoque une réunion des savants. On doit choisir le meilleur moyen pour parvenir au pôle. C'est l'aérobus de l'ingénieur professeur Maboul qui est désigné. Six savants de différentes nations l'accompagnent dans la périlleuse mission. D'autres voyageurs employant différents moyens de locomotion échouent lamentablement. L'aérobus atteint le pôle mais s'écrase à l'atterrissage. Le Géant des Neiges effraie les explorateurs puis l'aiguille magnétique, axe du pôle, les retient collés à elle. Enfin, ils sont sauvés par un ballon dirigeable et regagnent triomphalement l'institut.
A la Conquête du Pôle est le plus long film de Georges Méliès. Il a été retrouvé en Autriche d'où des intertitres en allemand, non sous-titrés datant de l'après seconde guerre mondiale. A la Conquête du Pôle est l'un des trois derniers films de Méliès. On y retrouve le thème de l'exploration, du voyage. Méliès voyage très peu mais demeure fasciné par les scientifiques et les explorateurs. Le film est boudé par le public, lassé de ce genre de féérie et à cause de la concurrence sévère. Le public est plus accoutumé à aller au cinéma et le cinéma évolue rapidement. A la Conquête du Pôle se solde par un grave échec commercial.
A la Conquête du Pôle se place parmi les trois plus beaux films de cette rétrospective avec mention spéciale pour les véhicules divers et variés.
DVD 2
Interviews et documents
Les 90 ans de Mme Méliès (37 secondes)
Sont présentées ici des images d'archives de la dernière épouse de Georges Méliès fêtant ses 90 ans et les 60 ans de l'invention du cinéma. Jeanne D'Alcy, étant elle-même actrice, fut aussi considérée comme la première star du cinéma.
Méliès, père et fils de Georges Franju (5min51)
Tourné au chateau d'Orly où Méliès a passé sa retraite, ce segment permet de voir des images d'époque du fils du cinéaste, André Méliès, racontant brièvement la carrière de son père. On ne connait malheureusement pas l'année du documentaire.
Interview de Madeleine Malthête-Méliès (16min07)
La petite-fille de Georges Méliès poursuit le récit de la carrière de son grand-père. On y apprend qu'à la fin de sa vie, le grand magicien du cinéma s'était reconverti dans la vente de jouets en gare Montparnasse. Ruiné après la première guerre, ses talents de prestidigitateur étaient toujours appréciés des passants. Grâce aux films retrouvés à droite et à gauche (qui avaient été perdus), il retrouvera un regain de popularité. L'intervenante raconte ensuite que son grand-père est devenu président du Cercle du cinéma qui deviendra la Cinémathèque française. Madeleine-Malthête Méliès sera quant à elle désignée à l'âge de 20 ans secrétaire de la Cinémathèque d'Henri Langlois. Elle s'occupera toute sa vie durant d'animer des conférences autour des films de son grand-père, de retrouver des films de Méliès complètement disparus. Certains d'entre eux ont été repêchés chez des forains. Ainsi, 200 films sur les 520 réalisés par Méliès entre 1896 et 1912 ont été retrouvés. Elle ne compte pas s'arrêter là...
Interview de Marie-Hélène Lehérissey (6min32)
L'arrière petite-fille de Georges Méliès a créé l'association Les amis de Georges Méliès dans le but de retrouver d'autres films disparus. Ses autres missions sont de les restaurer, les conserver et les montrer au public. Outre les films, l'association a retrouvé des photographies, dessins et affiches qui ont servi à des publications et des expositions au fil du temps.
Interview de Lawrence Lehérissey (3min02)
Déjà évoqué un peu plus haut dans la partie "critique son" de notre test, Lawrence Lehérissey (fils de Marie-Hélène Lehérissey, photo ci-dessus) accompagne au piano les films de son arrière arrière grand-père dans le monde entier. Pour la création de ce coffret dvd, le musicien a créé des musiques différentes de celles qu'il compose en salle lors des projections, aux sonorités modernes. Il rappelle que des pianistes accompagnaient déjà les films des frères Lumière en 1895.
Interview de Christian Fechner (12min01)
Le célèbre producteur français (les Charlots, les films de Patrice Leconte, Claude Zidi, etc...) est aussi un prestidigitateur qui connait sur le bout des doigts la vie de Georges Méliès. Il retrace sa carrière avant (propriétaire du théâtre Robert Houdin à l'âge de 26 ans) et après l'invention du Cinématographe. Méliès n'a pour ainsi dire jamais quitté le monde de la magie qui était selon lui indissociable du cinéma.
Présentation du film « L'Affaire Dreyfus » par Madeleine Malthête-Méliès (6min12)
Introduction rapide et rappel de la véritable affaire Dreyfus. Tourné en 1899, L'Affaire Dreyfus est un film rare qui touche à la fois l'histoire du cinéma mais également l'Histoire en général. Ce film a divisé la France en deux par son engagement et devient le premier film politique de l'histoire du cinéma.
L'Affaire Dreyfus (9min37, 1899) : Le commandant Du Paty de Clam dicte un texte au capitaine Dreyfus et compare son écriture avec celle du bordereau qu'il a en main. Il lui tend un pistolet pour qu'il se donne une mort honorable, mais Dreyfus refuse de se suicider.
Ce film est divisé (et chapitré) en plusieurs tableaux : La Dictée du bordereau, L'Emprisonnement à L'Ile du Diable, La Mise aux fers, Le Suicide du Colonel Henry, Le Débarquement à Quiberon, L'Entretien de Dreyfus avec sa femme à Rennes, L'Attentat contre Maître Labori, Bagarre entre journalistes, Le Conseil de guerre en séance à Rennes. L'équipe de restauration a pu retrouver 9 tableaux sur 11, il manque la dégradation ainsi que l'épisode de la venue du Capitaine au tribunal. Tout le film est accompagné des commentaires de Madeleine Malthête-Méliès qui approfondit son introduction précédente. L'image n'est certes pas au top mais pouvoir découvrir cette oeuvre est un évènement. L'Affaire Dreyfus est un film extraordinaire montrant un suicide de manière très crue et réaliste. De plus, Méliès en véritable orfèvre et soucieux du détail, reconstitue avec minutie des épisodes successifs de l'affaire de la même façon qu'il reconstituait le sacre d'Edouard VII. Il reconstitue les décors, les costumes et les situations à partir d'illustrations publiées dans la presse.
D'un grand retentissement, la préfecture de Police interdit la diffusion du film suite aux bagarres entre le public à chaque projection en salle.
Méliès, esprit libre et radical, incarne l'avocat de Dreyfus, Maître Labori, choix qui le fait se brouiller avec sa famille.
Restauration d'images (3min05)
Voici des exemples de restauration d'images avec un avant et un après, commentés par Ronald Boullet, directeur des restaurations numériques Eclair Laboratoires. Tous les films présentés dans cette rétrospective ont été restaurés à partir d'éléments de pellicule divers dont des négatifs au nitrate très endommagé. Les principaux problèmes à régler ont été les instabilités, les poussières, les moisissures. Le but n'était pas d'atteindre la perfection mais rendre les films plus agréables à regarder tout en conservant leur patine originale.
En ce qui concerne l'instabilité, la cause est due aux caméras à manivelles utilisées à l'époque. Le fait de tourner la manivelle entraînait des sautes d'images inévitables. Le choix a été d'atténuer les instabilités sans les enlever complètement afin de respecter le côté vivant si particulier aux films du début du vingtième siècle. L'élément le plus impressionnant de ce travail de titan demeure la suppression des moisissures et autres champignons.
Cette très belle intéractivité se clôt sur une petite galerie de trois affiches seulement issues du Théâtre Robert Houdin, des films A la Conquête du Pôle et Cendrillon.
Chaque film propose un commentaire écrit et dit soit par Madeleine Malthête-Méliès, petite fille de Georges Méliès, ou par Marie-Hélène Lehérissey, arrière petite-fille du cinéaste. De plus, chaque film est accompagné d'une musique originale composée et interprétée par Lawrence Lehérissey, arrière-arrière petit-fils de Méliès.
Enfin, en guise de supplément original, les boniments d'après Georges Méliès dits par André Dussollier : Méliès écrivait lui-même, comme lors de ses tours de prestidigitation, ce qu'on appelle le boniment, à savoir le discours qui accompagnait habituellement l'exécution d'un tour ou ici d'un film. Ce discours souligne l'action, donne quelques indications sur les personnages comme les noms des protagonistes ou leur statut social. C'est l'acteur André Dussollier qui se prête au jeu en jouant le bonimenteur pour les films suivants : Les Incendiaires, Une chute de cinq étages, Les Malheurs d'un photographe, Cendrillon, Il y a un dieu pour les ivrognes, L'Ile de Calypso ou le géant Polyphême, Barbe-Bleue, Les 400 farces, Le Sacre d'Edouard VII (ici, véritables commentaires de Dussollier, revenant sur l'actualité politique de l'époque), Le Fakir de Singapour, Voyage dans la Lune, Le Génie du Feu, A la Conquête du Pôle.
Vous retrouverez ci-dessous la liste détaillée des 29 films (accompagnés d'un synopsis) présentés en exclusivité sur le premier disque agrémentés de propos tenus dans les commentaires :
1) Voyage dans la Lune - A trip to the Moon (1902, 12min19) : Six savants, membres du club des astronomes, entreprennent une expédition qui doit les conduire sur la lune. Ils partent dans un obus tiré par un canon géant. Arrivés sains et saufs sur la lune, ils y rencontrent ses habitants : les Sélénites échappent à leur Roi et reviennent sur la terre grâce à leur obus qui, tombé dans la mer, est repêché par un navire. Décorés, ils exposent un sélénite prisonnier, resté accroché à l'obus lors du voyage de retour.
Réalisé, écrit, photographié, produit et interprété par Georges Méliès, Voyage dans la Lune est le premier film dit de science-fiction ainsi que le premier film nommé par l'UNESCO en 2002 sur la liste représentative du cinéma mondial. 106 ans après sa conception, le film le plus féérique de Georges Méliès demeure aussi son plus célèbre. Il s'agit probablement du premier film contant une histoire originale. Devant nos yeux naissent les effets visuels et on se souvient tous de l'alunissage avec l'obus éborgnant l'astre. La copie ici présentée est d'une grande beauté et la bande-son est issue de la partition rajoutée en 1910 seulement. Chose rarissime, le film ne contient pas de cartons narratifs qui ralentissaient souvent leur rythme.
Trois mois de tournage ont été nécessaires dans les studios de Montreuil. La figuration y est importante et on peut aisément parler de la première superproduction de l'histoire du cinéma avec son budget de 10 000 francs or. La durée du film était alors inédite, 16 minutes d'émerveillement. Drôle, fantaisiste, poétique, le Voyage de Méliès sera un succès mondiale et sera immédiatement copié par d'autres cinéastes. Méliès s'inspire du roman de Jules Verne De la Terre à la Lune et du roman de H.G. Wells Les Premiers hommes dans la lune. Le film comprend 30 tableaux et exploite tout le savoir-faire de Méliès avec des décors peints à la main, trompe-l'œil, carton-pâte, projections, perspective... et la caméra ne bouge jamais ! La partie n'était pourtant pas gagnée pour son auteur et les premières ventes s'étaient révélées difficiles en raison de la durée du film. Méliès organisera une projection gratuite à la Foire du Trône. Le bouche-à-oreille fera le reste. Voyage dans la Lune est sorti le 1er Septembre 1902 en France et le 4 octobre 1902 aux Etats-Unis.
2) Une partie de cartes - A game of cards (1896, 1min07) : Trois amis sont réunis paisiblement autour d'une table dans un jardin. Ils jouent aux cartes, trinquent et commentent l'actualité.
On y retrouve Méliès lui-même, sa fille de 8 ans, un ami et un voisin. Ce film a été retrouvé en 1996 à Londres. Il s'agit du premier court-métrage de Méliès tourné en juin 1896 dans son propre jardin de Montreuil-sous-bois, 6 mois seulement après la projection du premier film des frères Lumière. Méliès commençait à filmer des petits sujets du quotidien afin de tester le matériel, en pastichant ouvertement les films des frères Lumière. Il s'agit de la première curiosité de cette rétrospective.
3) Le Déshabillage impossible - Going to the under difficulties (1900, 2min08) : Dans une auberge, un voyageur tente de retirer son chapeau et son pardessus. Mais à peine les a t-il accroché au portemanteau que des nouveaux vêtements lui apparaissent sur le dos. Le phénomène se reproduit indéfiniment jusqu'à ce que le voyageur devienne enragé. Il saute sur son lit... qui disparaît à son tour.
Il s'agit d'un des rares films de Georges Méliès utilisant l'accéléré comme trucage. Il manque quelques images à la fin du film. Cette perte est due notamment au fait que le film avait tendance à casser lors du changement ou du chargement de la pellicule dans l'appareil de projection. On appréciera la gestuelle inimitable du Méliès prestidigitateur. Une fois de plus, le cinéaste utilise l'arrêt de la caméra comme trucage principal lors de la disparition ou de l'apparition de vêtements entre autre. A noter que Méliès fit cette découverte suite à un petit incident de tournage place de l'Opéra à Paris. L'appareil s'étant malencontreusement arrêté en cours d'une prise, Méliès reprit le tournage quelques minutes après. Lors d'une projection il se rend compte qu'un bus disparaît pour laisser la place à un corbillard. Le trucage par substitution est né.
4) Le Chevalier Mystère - The Mysterious Knight (1899, 1min32) : Dans un château, un magicien dessine sur un tableau noir une tête avec une craie. Il la détache, la pose sur une bouteille puis sur la lame d'une épée.
De grandes imperfections subsistent malgré la restauration. Le film a été retrouvé aux Etats-Unis en 1989 par un historien grâce à des descriptions faites dans le livre 158 scénarios de films disparus de Georges Méliès publié en 1986.
5) Sorcellerie culinaire - The Cook in trouble (1904, 4min09) : Pour avoir chassé un mendiant qui lui faisait l'aumône, un cuisinier est puni. Des phénomènes paranormaux surviennent dans sa cuisine avec notamment l'apparition de diablotins.
Ce film annonce le surréalisme. Ce genre de film dit de « poursuite » sera repris dans le cinéma américain particulièrement chez Mack Sennett. On notera que le commentaire n'excède pas une minute pour ce film, qui est un poil longuet...
6) Le Mélomane - The Melomaniac (1903, 2min40) : Accompagné de ses élèves, un mélomane multiplie sa propre tête qu'il accroche à une portée musicale géante, afin d'y créer les notes correspondantes à l'hymne anglais.
Marie-Hélène Lehérissey nous lit un extrait d'entretien accordé par Georges Méliès en 1925 sur la mise au point de ses trucages et ficelles. Méliès utilisait principalement l'arrêt de la caméra, les fondus, les caches pour les apparitions et les disparitions, etc... Pour ce film aux surimpressions multiples, 7 expositions du film étaient nécessaires à Méliès afin d'y apparaître 7 fois simultanément. La caméra, très lourde, devait pour les prises de vue être d'une stabilité absolue. Le maximum de surimpressions est ici atteint avec le matériel disponible à l'époque. Formidable.
7) La Sirène - The Mermaid (1904, 3min48) : Un gentleman se métamorphose en pêcheur à la ligne et met dans un aquarium des petits poissons qu'il pêche dans son chapeau. Se retransformant en bourgeois, le décor change autour de lui et une sirène apparaît dans l'aquarium. Elle se change également en charmante femme. Dans le dernier tableau, l'homme se métamorphose en dieu Neptune entouré de ses naïades.
En véritable magicien, Méliès joue avec la complicité du public et avec la mythologie. Il utilise dans ce film un faux travelling avant. C'est en effet le décor et le personnage qui se déplacent vers la caméra qui reste fixe.
8) Les Incendiaires - A Desperate Crime (1906, 7min21) : Des bandits ont mis le feu à une ferme. Leur repaire est assiégé par les gendarmes. Ils s'enfuient, mais l'un d'eux est arrêté et emprisonné. Dans sa cellule, il voit la guillotine dans un cauchemar. On vient lui annoncer que son pourvoi en grâce est rejeté, on l'emmène et nous assistons à l'exécution capitale : sa tête tombe dans le panier et son corps est emporté dans une malle en osier.
Dans l'œuvre de Georges Méliès, Les Incendiaires fait office de film sérieux, un mélodrame. Il manque les six premiers tableaux dont un triple meurtre. Pour le tournage de ses films, Méliès ne sortait quasiment jamais de son studio de Montreuil. Il fait ici une exception en tournant dans les anciennes carrières de gypse de Montreuil et Bagnolet. Madeleine Malthête-Méliès lit une lettre écrite par son grand-père au maire de Montreuil le 3 avril 1906, demandant l'autorisation de tourner dans les carrières. Il était déconseillé aux forains de montrer la dernière scène, par ailleurs ahurissante pour l'époque, celle de la décapitation. Une autorisation devait être signée par le maire de la commune où était diffusé le film pour la montrer au public.
9) Le Portrait mystérieux - A mysterious portrait (1901, 1min05) : Un illusionniste fait apparaître son double dans un cadre et dialogue avec lui avant de le faire disparaître.
Comme un peu plus tard chez Buster Keaton avec Sherlock Jr. et Woody Allen pour La Rose pourpre du Caire, George Méliès réalise un rêve matériellement impossible, parler avec lui-même. On remarquera qu'il se moque de sa propre calvitie.
10) Une chute de cinq étages - A mix-up in the gallery (1906, 2min55) : Un couple de jeunes mariés vient chez un photographe se faire tirer le portrait. Suite à un incident, l'appareil photo tombe des cinq étages de l'immeuble et s'écrase sur un passant. S'ensuit une véritable corrida où le passant est prit pour un taureau.
Film burlesque, les américains appellent ce genre le slapstick. Une fois de plus, Lehérissey nous lit un extrait d'entretiens datant de 1895 où Georges Méliès explique que lorsqu'il a assisté à la première représentation du cinématographe des frères Lumières lors de la séance inaugurale du Grand Café le 28 décembre 1895, il propose aux frères Lumière de leur acheter leur appareil. Ces derniers refusent sous prétexte qu'il ne s'agit uniquement que d'une expérience scientifique et que le Cinématographe n'aura aucun avenir commercial. Il construit alors une caméra lui-même.
11) Les Malheurs d'un photographe - Mischances of a photographer (1908, 3min13) : Un auteur de pièces de théâtre convoque sa troupe chez lui afin d'y faire quelques essais de costumes. Il leur demande ensuite de venir poser devant l'objectif dans son studio annexe. Suite à une farce, l'appareil est relié à un tuyau qui asperge d'eau toute la troupe.
Suite à un contrat passé avec les américains, Georges Méliès doit tourner 15 à 20 minutes de films par semaine. Dans Les Malheurs d'un photographe, on aperçoit les portes du studio B à Montreuil qui venait tout juste d'être créé.
12) Cendrillon - Cinderella (1899, 5min42) : Cendrillon est le souffre-douleur de sa marâtre et de ses deux sœurs. Cependant, sa Fée-Marraine lui permet d'aller au bal à condition qu'elle soit rentrée pour minuit ! En s'enfuyant du palais royal où elle dansait avec le prince, Cendrillon a perdu sa pantoufle de vair. Le Prince l'essaye à toutes les jeunes filles du royaume : seule Cendrillon peut la mettre à son pied. Ils se marient au milieu de l'allégresse générale.
Georges Méliès adapte pour la première fois le conte de Charles Perrault. Le film est un peu long mais le final est beau.
Dans sa carrière, Méliès signa deux adaptations de Cendrillon. C'est son premier film qui dépasse les 100 mètres de pellicule. Les tableaux s'enchaînent sur un rythme soutenu, Méliès joue dans le film et interprète le gnome barbu dans la pendule.
13) Cendrillon ou la pantoufle merveilleuse - Cinderella on the Marvelous slipper (1908, 27min46) : Deuxième adaptation du conte de Charles Perrault.
Remake du Cendrillon de 1899 (voir court-métrage précédent), le traitement est ici différent notamment à cause de sa durée. A ce titre, l'œuvre de Charles Perrault est fidèlement adaptée. A l'époque le film ne remporte aucun succès en salle et le public boude Méliès. Les trucages sont toujours aussi formidables, les décors ahurissants de beauté et on se souviendra longtemps des multiples transformations, la plus belle restant celle de la citrouille en carrosse.
14) Le Chaudron infernal - The Infernal Cauldron (1903, 1min44) : Un démon fait brûler dans son chaudron infernal trois malheureuses victimes dont les fantômes s'élèvent dans les airs, puis disparaissent.
Dès 1897, Méliès souhaite proposer des films coloriés au public. Il fait retravailler la pellicule et la fait peindre à la main par des miniaturistes ou des retoucheuses de photos. La pellicule couleurs n'existant pas, le film est tourné en noir et blanc puis colorié sur commande des forains. Un film colorié coûte deux fois plus cher qu'un film normal. Afin de lutter contre le piratage (déjà !), Méliès intègre un copyright dans son décor. On y remarque le logo « Starfilm » (propriété de Méliès) écrit sous le chaudron.
15) Une nuit terrible - A terrific night (1896, 1min07) : Un jeune homme est attaqué par de gros insectes alors qu'il s'apprête à dormir. Il se bat avec eux et en met plusieurs sur le tapis.
Ce film a été tourné dans le jardin de Georges Méliès, en plein air, avant la construction du studio A de Montreuil. Il s'agit d'un de ses films les plus anciens. Deux versions du film existent, un montrant le protagoniste avec un pot de chambre et l'autre sans pot. « Déjà la censure ? » comme le dit justement Marie-Hélène Lehérissey.
16) Dislocation mystérieuse - Dislocation Extraordinary (1901, 1min36) : Au lieu de se déplacer, un Pierrot envoie ses membres et sa tête chercher les objets dont il a besoin. Puis les bras, les jambes, le tronc et la tête mènent chacun leur propre danse avant de se réunir et reformer le corps entier de Pierrot, qui salue.
Ce film demeure l'un des plus surprenants de Georges Méliès. Il démontre tout l'éventail des "trucs" utilisés par Méliès tout au long de sa carrière : substitution, caches, etc...
17) Les 400 farces du Diable - The Merry Frolics of Satan (1906, 17min18) : L'ingénieur anglais William Crackford, amateur de records de vitesse, vend son âme à un alchimiste - qui n'est autre que Satan - en échange de pilules magiques qui lui permettent de voyager selon ses désirs. Après une chevauchée céleste en compagnie de son valet John, d'un cheval apocalyptique et d'une voiture astrale, Crackford, entraîné aux enfers par Satan, finit sur le feu au milieu de l'allégresse générale.
Le film présenté ici est un mélange des deux versions existantes, celle en couleur et celle en N&B. La version coloriée reste incomplète. Les 400 farces du Diable est un des films que Méliès ait tourné comprenant le plus de figurants. Le voyage céleste est certainement le plus magique jamais filmé par son auteur et les décors sont tous plus ahurissants les uns que les autres. Le jeu des malles, véritable tour de prestidigitation est admirable. L'élément le plus célèbre du film demeure sans conteste le cheval apocalyptique traînant ses voyageurs attrapant au passage des croissants de lune pour manger ou allumant leur pipe au moyen d'une étoile. Magnifique.
18) Un homme de têtes - The Four troublesome heads (1898, 59 secondes) : Un illusionniste joue avec sa tête : il l'ôte de ses épaules et la pose sur la table. Il réussit ainsi à avoir trois têtes vivantes qui chantent ensemble. Comme elles chantent faux, il les écrase avec son banjo. Il en lance une en l'air, qui retombe sur ses épaules.
Exemple frappant du rythme cher à Georges Méliès : son don de mime. On y retrouve également le thème de la décapitation que Méliès exploitait déjà sur la scène du théâtre Robert Houdin avec le tour du Décapité récalcitrant.
19) Les Affiches en goguette - The hilarious Posters (1906, 3min14) : Des affiches publicitaires s'animent, discutent entre elles et bombardent des sergents de ville venus constater l'agitation dans la rue. Les affiches tombent sur eux, puis ils se retrouvent accrochés à une grille pendant que les personnages vivants des affiches défilent devant eux en les moquant.
Méliès se moque des affiches publicitaires en les détournant, Tripaulin remplace par exemple Ripolin. Critiquant l'autorité, le cinéaste signe « Mort aux flics » sur la devanture du décor principal.
20) Il y a un dieu pour les ivrognes - The good luck of a « souse » (1908, 3min54 ) : Dans une crise d'éthylisme, un ivrogne casse tout chez lui et jette sa femme et sa fille par la fenêtre. Pris de remords, il veut mettre fin à ses jours mais rate son suicide. Son pistolet s'enraye. Il tente de se pendre mais sa famille arrive à temps. Il jure ensuite de ne plus jamais boire...
Ce film a été tourné entre autre devant la propriété des Méliès à Montreuil. La maison étant en rénovation, Méliès n'a pas retiré les échafaudages. Il y a un dieu pour les ivrognes a été tourné durant la construction du studio B.
21) Spiritisme abracadabrant - Amazing spiritism (1900, 1min08) : Un homme rentre dans un château et tente de retirer sa veste et ses gants, seulement à chaque fois, ceux-ci réapparaissent sur lui.
Retrouvé en Suisse en 1997 dans une boite à chaussures, ce film a une fois de plus été identifié grâce au livre 158 scénarios de films disparus de Georges Méliès publié en 1986. On retrouve le thème principal du film Le Déshabillage impossible.
22) L'Ile de Calypso ou le Géant Polyphême - The Mysterious Island (1905, 3min36) : Le récit de deux épisodes de l'Odyssée : Ulysse arrive dans l'île de la nymphe Calypso après avoir fait naufrage. La nymphe le séduit. La légende dit qu'elle le retint sept années dans son île. Puis Ulysse rencontre le cyclope Polyphème et lui crève l'œil unique avec une lance.
Méliès était bachelier latin-grec en 1880, très rare pour l'époque. Il a toujours été fasciné par la mythologie grecque. Il s'agit sans nul doute d'une des plus belles interactions entre un personnage principal avec une incrustation. A noter la belle crème anglaise sortant de l'œil crevé du cyclope.
23) Barbe Bleue - Blue Beard (1901, 10min20) : Le seigneur Barbe-Bleue, déjà sept fois veuf, convole en justes noces. Partant en voyage, il interdit à sa nouvelle femme l'entrée d'une chambre du château. Mais, tentée par le diable, elle y entre pour y découvrir les cadavres des sept épouses. Voyant qu'elle lui a désobéi, Barbe-Bleue veut la tuer, mais les frères de la jeune femme arrivent à temps pour la sauver. Le tyran sera abattu.
Première adaptation au cinéma de la légende de Barbe-Bleue, le film s'impose comme un des meilleurs films de Méliès, tant au niveau de la mise en images que de l'histoire, des costumes, des décors...
24) Le Cake-Walk infernal - The infernal Cake-Walk (1903, 4min54) : Dans son royaume, aux Enfers, le Diable fait venir un couple de danseurs professionnels qui font une démonstration d'une danse à la mode en 1903 : le cake-walk. Ensuite, un diable grotesque sorti d'un grand gâteau exécute une danse comico-acrobatique puis disparaît dans une explosion. Tous les habitants des enfers dansent ensuite une folle sarabande.
Méliès use une fois de plus du démembrement. Claude Debussy, grand compositeur, était très impressionné par la musique jazz et avait écrit un Cake-Walk, danse syncopée à deux temps. Cette « danse du gâteau » était très à la mode au début du vingtième siècle. Georges Méliès y joue deux rôles de diable. Un piano jouait durant le tournage afin de donner le rythme aux acteurs. Quand il n'est pas à l'écran, Méliès joue lui-même alors qu'il ne sait pas lire la musique.
25) Le Sacre d'Edouard VII - Special Coronation film (1902, 5min20) : Ce film est une anticipation. C'est la répétition de diverses phases du couronnement du Roi d'Angleterre Edouard VII qui succédait à sa mère, la reine Victoria. Il s'agit d'une actualité reconstituée comme pour L'Affaire Dreyfuss.
Film de reconstitution d'actualité par anticipation. Le film débute par 3 photos issues du véritable cortège royal. Méliès n'avait pas reçu l'autorisation de filmer le véritable sacrement, de plus la caméra était trop lourde et la pellicule trop faible pour filmer véritablement sur place à Westminster. Qu'importe, Méliès reconstitue l'abbaye dans ses studios de Montreuil et sélectionne les moments caractéristiques du Sacre. A savoir que les journalistes hurlèrent au scandale et à l'escroquerie.
26) Le Fakir de Singapour - The Indian Sorcerer (1908, 5min05) : Un fakir fait grandir un œuf de façon démesurée, puis le coupe en deux, en met chaque moitié dans les plateaux d'une balance qu'il a fabriqué magiquement avec un lorgnon, et en fait sortir des poules, puis deux enfants.
Un des films que Georges Méliès a eu le plus de plaisir à tourner. Il a particulièrement soigné les décors luxuriants et les trucages vidéo. On passe un excellent moment.
27) La Cardeuse de Matelas - The Tramp and the Mattress maker (1906, 4min05) : Un vagabond trouve refuge à l'intérieur d'un matelas destiné à être rembourré. Il se réveille et effraie les habitués d'un bar.
Ce film fait partie des oeuvres les plus burlesques de Méliès, ou slapstick pour les américains.
28) Le Génie du Feu - The Genii of fire - 1908 - 4min53 : Une jeune fille trop curieuse entraîne son fiancé dans une grotte mystérieuse malgré les mises en garde d'un prêtre. Pour avoir violé l'entrée du palais du Génie du Feu, les fiancés sont aveuglés. A la sortie de la grotte, le prêtre parvient à leur faire retrouver la vue.
Passionné de cultures orientales, Méliès y a souvent planté ses histoires. Il y crée de magnifiques décors et use des effets pyrotechniques qu'il manie en expert.
29) A la Conquête du Pôle - The Conquest of the North Pole (1912, 30min56) : La multiplication des expéditions polaires provoque une réunion des savants. On doit choisir le meilleur moyen pour parvenir au pôle. C'est l'aérobus de l'ingénieur professeur Maboul qui est désigné. Six savants de différentes nations l'accompagnent dans la périlleuse mission. D'autres voyageurs employant différents moyens de locomotion échouent lamentablement. L'aérobus atteint le pôle mais s'écrase à l'atterrissage. Le Géant des Neiges effraie les explorateurs puis l'aiguille magnétique, axe du pôle, les retient collés à elle. Enfin, ils sont sauvés par un ballon dirigeable et regagnent triomphalement l'institut.
A la Conquête du Pôle est le plus long film de Georges Méliès. Il a été retrouvé en Autriche d'où des intertitres en allemand, non sous-titrés datant de l'après seconde guerre mondiale. A la Conquête du Pôle est l'un des trois derniers films de Méliès. On y retrouve le thème de l'exploration, du voyage. Méliès voyage très peu mais demeure fasciné par les scientifiques et les explorateurs. Le film est boudé par le public, lassé de ce genre de féérie et à cause de la concurrence sévère. Le public est plus accoutumé à aller au cinéma et le cinéma évolue rapidement. A la Conquête du Pôle se solde par un grave échec commercial.
A la Conquête du Pôle se place parmi les trois plus beaux films de cette rétrospective avec mention spéciale pour les véhicules divers et variés.
DVD 2
Interviews et documents
Les 90 ans de Mme Méliès (37 secondes)
Sont présentées ici des images d'archives de la dernière épouse de Georges Méliès fêtant ses 90 ans et les 60 ans de l'invention du cinéma. Jeanne D'Alcy, étant elle-même actrice, fut aussi considérée comme la première star du cinéma.
Méliès, père et fils de Georges Franju (5min51)
Tourné au chateau d'Orly où Méliès a passé sa retraite, ce segment permet de voir des images d'époque du fils du cinéaste, André Méliès, racontant brièvement la carrière de son père. On ne connait malheureusement pas l'année du documentaire.
Interview de Madeleine Malthête-Méliès (16min07)
La petite-fille de Georges Méliès poursuit le récit de la carrière de son grand-père. On y apprend qu'à la fin de sa vie, le grand magicien du cinéma s'était reconverti dans la vente de jouets en gare Montparnasse. Ruiné après la première guerre, ses talents de prestidigitateur étaient toujours appréciés des passants. Grâce aux films retrouvés à droite et à gauche (qui avaient été perdus), il retrouvera un regain de popularité. L'intervenante raconte ensuite que son grand-père est devenu président du Cercle du cinéma qui deviendra la Cinémathèque française. Madeleine-Malthête Méliès sera quant à elle désignée à l'âge de 20 ans secrétaire de la Cinémathèque d'Henri Langlois. Elle s'occupera toute sa vie durant d'animer des conférences autour des films de son grand-père, de retrouver des films de Méliès complètement disparus. Certains d'entre eux ont été repêchés chez des forains. Ainsi, 200 films sur les 520 réalisés par Méliès entre 1896 et 1912 ont été retrouvés. Elle ne compte pas s'arrêter là...
Interview de Marie-Hélène Lehérissey (6min32)
L'arrière petite-fille de Georges Méliès a créé l'association Les amis de Georges Méliès dans le but de retrouver d'autres films disparus. Ses autres missions sont de les restaurer, les conserver et les montrer au public. Outre les films, l'association a retrouvé des photographies, dessins et affiches qui ont servi à des publications et des expositions au fil du temps.
Interview de Lawrence Lehérissey (3min02)
Déjà évoqué un peu plus haut dans la partie "critique son" de notre test, Lawrence Lehérissey (fils de Marie-Hélène Lehérissey, photo ci-dessus) accompagne au piano les films de son arrière arrière grand-père dans le monde entier. Pour la création de ce coffret dvd, le musicien a créé des musiques différentes de celles qu'il compose en salle lors des projections, aux sonorités modernes. Il rappelle que des pianistes accompagnaient déjà les films des frères Lumière en 1895.
Interview de Christian Fechner (12min01)
Le célèbre producteur français (les Charlots, les films de Patrice Leconte, Claude Zidi, etc...) est aussi un prestidigitateur qui connait sur le bout des doigts la vie de Georges Méliès. Il retrace sa carrière avant (propriétaire du théâtre Robert Houdin à l'âge de 26 ans) et après l'invention du Cinématographe. Méliès n'a pour ainsi dire jamais quitté le monde de la magie qui était selon lui indissociable du cinéma.
Présentation du film « L'Affaire Dreyfus » par Madeleine Malthête-Méliès (6min12)
Introduction rapide et rappel de la véritable affaire Dreyfus. Tourné en 1899, L'Affaire Dreyfus est un film rare qui touche à la fois l'histoire du cinéma mais également l'Histoire en général. Ce film a divisé la France en deux par son engagement et devient le premier film politique de l'histoire du cinéma.
L'Affaire Dreyfus (9min37, 1899) : Le commandant Du Paty de Clam dicte un texte au capitaine Dreyfus et compare son écriture avec celle du bordereau qu'il a en main. Il lui tend un pistolet pour qu'il se donne une mort honorable, mais Dreyfus refuse de se suicider.
Ce film est divisé (et chapitré) en plusieurs tableaux : La Dictée du bordereau, L'Emprisonnement à L'Ile du Diable, La Mise aux fers, Le Suicide du Colonel Henry, Le Débarquement à Quiberon, L'Entretien de Dreyfus avec sa femme à Rennes, L'Attentat contre Maître Labori, Bagarre entre journalistes, Le Conseil de guerre en séance à Rennes. L'équipe de restauration a pu retrouver 9 tableaux sur 11, il manque la dégradation ainsi que l'épisode de la venue du Capitaine au tribunal. Tout le film est accompagné des commentaires de Madeleine Malthête-Méliès qui approfondit son introduction précédente. L'image n'est certes pas au top mais pouvoir découvrir cette oeuvre est un évènement. L'Affaire Dreyfus est un film extraordinaire montrant un suicide de manière très crue et réaliste. De plus, Méliès en véritable orfèvre et soucieux du détail, reconstitue avec minutie des épisodes successifs de l'affaire de la même façon qu'il reconstituait le sacre d'Edouard VII. Il reconstitue les décors, les costumes et les situations à partir d'illustrations publiées dans la presse.
D'un grand retentissement, la préfecture de Police interdit la diffusion du film suite aux bagarres entre le public à chaque projection en salle.
Méliès, esprit libre et radical, incarne l'avocat de Dreyfus, Maître Labori, choix qui le fait se brouiller avec sa famille.
Restauration d'images (3min05)
Voici des exemples de restauration d'images avec un avant et un après, commentés par Ronald Boullet, directeur des restaurations numériques Eclair Laboratoires. Tous les films présentés dans cette rétrospective ont été restaurés à partir d'éléments de pellicule divers dont des négatifs au nitrate très endommagé. Les principaux problèmes à régler ont été les instabilités, les poussières, les moisissures. Le but n'était pas d'atteindre la perfection mais rendre les films plus agréables à regarder tout en conservant leur patine originale.
En ce qui concerne l'instabilité, la cause est due aux caméras à manivelles utilisées à l'époque. Le fait de tourner la manivelle entraînait des sautes d'images inévitables. Le choix a été d'atténuer les instabilités sans les enlever complètement afin de respecter le côté vivant si particulier aux films du début du vingtième siècle. L'élément le plus impressionnant de ce travail de titan demeure la suppression des moisissures et autres champignons.
Cette très belle intéractivité se clôt sur une petite galerie de trois affiches seulement issues du Théâtre Robert Houdin, des films A la Conquête du Pôle et Cendrillon.