Ne soyez pas étonnés au moment où vous mettrez le film en route. Vous n'êtes pas devant un film de Wong Kar-Wai mais bien devant le film d'Alain Corneau. Le chef opérateur (et réalisateur) Yves Angelo a respecté le souhait du cinéaste en rendant un hommage appuyé aux films asiatiques qu'idolâtre Corneau. Au final si le résultat s'avérait réussi sur le grand écran c'est une autre paire de manches en ce qui concerne son passage ou plutôt son pressage en DVD. La Genesis 2 K de Panavision est la caméra HD choisie par le cinéaste. Si les scènes de jour sont d'une beauté éclatante, il en est autrement des scènes d'intérieur à dominante verte, rouge et ocre. La scène test demeure le bar de Manouche où toutes les couleurs tentent de « cohabiter ». Au final la couleur rouge paraît systématiquement au bord de la bavure, la couleur verte pâle est bien saturée mais le pire reste à venir avec la scène du rade de Ricci (à la 35ème minute) noyé de mauve. Fourmillements en pagaille et luminosité trop poussée, l'éditeur aurait gagné à revoir cette scène afin d'en atténuer les tons. Il n'empêche que malgré la difficulté de l'encodage et du casse-tête numérique, l'éditeur s'en sort avec les honneurs. Les partis pris colorimétriques sont finalement respectés et les scènes de Marseille baignent dans une lumière ocre de toute beauté.
Une piste unique Dolby Digital 5.1. qui fait plaisir ! Après une ouverture percutante doublée par la composition de Bruno Coulais, le mixage fera honneur à votre installation. Les basses transforment les coups de feu en véritable coups de tonnerre, les dialogues sont d'une belle clarté et les effets sonores sont omniprésents. Les latérales font honneur à la musique et les voix très basses de Daniel Duval et Nicolas Duvauchelle font trembler la centrale. Le meilleur reste à venir avec la scène du casse et celle de la fusillade finale qui portent la note haute dans le barême.
DVD 1
Les Coulisses du tournage (18min09)
9 featurettes d'une durée de 2 minutes en moyenne (diffusées sur internet ?) proposant des images de tournage, de Corneau en compagnie de ses acteurs ou revoyant son storyboard. On regrette l'omniprésence de la musique surtout si on enchaîne les segments à la suite. Le tournage se déroule à La Courneuve (la scène du hangar), dans les studios de Stains (le bar de Manouche), de Saint-Ouen (la planque), à la gare de Sérifontaine (le train de marchandises), à Maisons-Alfort (la rue de Breteuil) ou à Marseille dans les Calanques.
L'interactivité du premier disque s'achève sur le film annonce (2min14) et un lien internet vers TF1 Vidéo et ARP.
DVD 2
Making-of (25min51)
En voilà une belle arnaque ! Sur les 25 minutes de ce making of retirez les 18 minutes du making of précédent car l'éditeur reprend exactement les mêmes images agrémentées de quelques séquences inédites dont certaines plus axées sur Alain Corneau en compagnie de ses acteurs. Les images s'enchaînent toujours sur la musique de Bruno Coulais, en son brut et sans commentaires. Autant passer votre chemin si vous avez déjà regardé le segment du premier DVD.
Entretien avec Alain Corneau (1h24)
Attention c'est du lourd ! Même si la durée pourrait rebuter la plupart des spectateurs cet entretien est d'autant plus indispensable qu'on a véritablement l'impression d'être convié avec le cinéaste pour évoquer son dernier film.
Alain Corneau, réputé pour sa gentillesse et sa disponibilité est un des cinéastes français les plus passionnants. On est loin des sempiternels entretiens entrecoupés d'images du film ou des cartons indiquant quelle est la question posée à l'interlocuteur. C'est un véritable dialogue qui s'installe entre la journaliste et le réalisateur même si ce dernier ne lui laisse finalement que peu de temps pour rebondir. Tant mieux ! Car l'interview est passionnante de bout en bout. De nombreux points sont abordés avec tout d'abord sa première rencontre avec José Giovanni. Avec respect et admiration, le cinéaste dresse le portrait d'un homme amical, déterminé, franc et modeste sur son métier et surtout un grand raconteur d'histoires vraies.
Corneau a dès son plus jeune âge été un fan de polars, avait lu les livres de Giovanni avant de l'avoir rencontré et avait vu énormément de films policiers. Quelques années plus tard, Le Deuxième Souffle devient un sujet de conversation entre les deux hommes. Jean-Pierre Melville adapte le roman en 1966. Corneau est fasciné, Giovanni agacé. L'écrivain reproche à l'adaptation de manquer d'oxygène, d'être dénuée de sentiments et de ne pas faire passer à l'écran l'amitié entre les personnages.
Dans les années 70-75, Alain Corneau commence à parler longuement d'une possible nouvelle adaptation du Deuxième souffle. Mais comment approcher l'intrigue ? L'actualiser ? Comment respecter le film d'époque sans risquer de tomber dans le décoratif ? Le délocaliser aux Etats-Unis ? Non, car l'intrigue est trop enracinée dans la culture française...
Corneau rend ensuite un bel hommage au genre polar. Il en raconte les heures de gloire mais aussi l'oubli du genre dans les années 80 avec l'avènement de la télévision et des séries policières. Le cinéaste mettra le genre qu'il aime de côté et se consacrera à un autre cinéma avec Fort Saganne (1984). Il n'empêche que Corneau et Giovanni resteront en contact et parleront encore du Deuxième souffle.
Il faudra attendre Le Cousin en 1997 pour que l'entreprise commence à se mettre en route, Corneau prenant conscience qu'il détenait désormais la maturité et l'ambition de refaire Le Deuxième souffle. Pour incarner le rôle de Gu, Corneau et Giovanni évoquent Daniel Auteuil. L'acteur avait atteint une maturité dans son travail, un côté mystérieux, un poids, une crédibilité dans le charisme qu'ils recherchaient.
Corneau se replonge dans le livre afin de le déployer autrement. Il y redécouvre une grande richesse des personnages et de sa construction. La seule angoisse du cinéaste était de ne pas refaire le film de Jean-Pierre Melville.
Dans la dernière partie de cet entretien, Corneau s'exprime sur le choix des scènes d'action filmées au ralenti. Passionné de cinéma asiatique, le réalisateur décide de s'en inspirer afin de chorégraphier la mort et la violence. Il rend également un hommage appuyé à son maître Sam Peckinpah qui « a porté le montage des ralentis à un point d'excellence, un virtuose ».
Vient ensuite l'évocation du casting, comédien par comédien. Chaque acteur, dit le cinéaste, a donné son accord presque immédiatement, et sur le plateau les répétitions ont été peu nombreuses, comme les prises.
Enfin, Alain Corneau clôt cet entretien passionnant en disant que José Giovanni serait certainement très fier de voir que son roman fait toujours parler de lui.
Interviews
Comme l'indique l'éditeur : « Ces entretiens ont été réalisés pendant le tournage et restitués volontairement de façon brute, sans montage ni modifications des propos tenus par les acteurs ».
Daniel Auteuil (22min54)
La même journaliste ayant interviewé Alain Corneau rencontre les acteurs en costume, sur le plateau, durant le tournage. Visiblement, Daniel Auteuil encore plongé dans son personnage ne trouve pas grand chose d'intéressant à dire sur les motivations de Gu et cherche ses mots pendant une éternité. C'est à peine s'il répond aux questions qu'on lui pose sur la lecture du scénario, la collaboration avec Alain Corneau.
Entretien spontané certes mais on s'ennuie ferme.
Monica Bellucci (12min15)
Comme pour Daniel Auteuil, la Bellucci, les yeux toujours levés au ciel, nous décrit son personnage Manouche et nous explique comment elle s'est préparée psychologiquement : en se teignant les cheveux en blond. Extrait : « J'ai tout de suite pensé aux actrices françaises des années 60 comme Bardot ou Deneuve et je me « souis » dit Manouche est blonde. Mais j'ai délibérément laissé les racines noires afin de montrer que cette femme avait un passé toujours présent en elle. ». A part ça, rien de plus...
Michel Blanc (20min31)
Ah quand même ! A l'instar de son excellent entretien présent sur le DVD des Témoins d'André Techiné, Michel Blanc signe une fois de plus une réflexion surprenante et détaillée des personnages (dont le sien, le commissaire Blau), les rapports flics/gangsters, le travail avec Corneau, sa préparation au long monologue du début du film. Voilà l'interview à ne pas manquer !
Jacques Dutronc (10min08)
Toujours élégant, cigare aux lèvres et pince-sans-rire, Dutronc se prête au jeu du question-réponse et aborde le monde des voyous (qu'il a fréquenté dans sa jeunesse), les personnages du Deuxième souffle, sa rencontre avec José Giovanni et la direction d'acteurs d'Alain Corneau. Même si on apprend finalement que peu de choses c'est un véritable plaisir que d'écouter le grand Jacques.
Nicolas Duvauchelle (4min31)
Moins de temps pour la jeunesse mais finalement c'est pas plus mal quand on voit ce que Duvauchelle a « d'intéressant » à dire. A part l'entente avec les « vieux de la vieille », circulez y'a rien à voir !