Test DVD : Les 11 Fioretti de François d'Assise

En livrant un nouveau master restauré, Carlotta dévoile un transfert convenable pour un film de 1950 compte tenu de sa rareté. Bien que de légères scories persistent au début du film ainsi que des griffures et des tâches diverses, la copie s'améliore au fur et à mesure même si le N&B demeure peu nuancé et manque singulièrement de relief. Les scènes d'introduction sous la pluie ne sont guère aidées par des contrastes trop appuyés mais ces soucis ont tendance à s'apaiser par la suite. Il faut attendre que le soleil pointe ses rayons ardents pour profiter pleinement des décors extérieurs naturels avec une netteté appréciable. A ce titre n'hésitez pas à comparer les scènes lumineuses (exemple à la 35min) avec les premières scènes afin de se rendre compte du soin apporté à la restauration. De très légers fourmillements apparaissent dans les arrière-plans ainsi que des petites sautes d'image au moment des transitions. La célèbre séquence de la rencontre entre François et le lépreux (37min55), tournée en nuit américaine, est idéalement restituée avec une ambiance ouatée renforçant la rencontre mystique des deux personnages. L'éditeur propose de visionner le film de Roberto Rossellini dans des conditions techniques adéquates.

Dès le générique auréolé d'une voix-off, on se rend compte que le matériel existant devait sacrément être altéré. La piste originale se maintient sourde tout du long mais les dialogues n'en demeurent pas moins audibles bien que manquant considérablement de tranchant. Les divers craquements entendus durant le générique disparaissent rapidement mais il n'est pas rare que le volume baisse au cours d'une même scène. Il n'empêche que la version italienne est nettement plus fluide et douce, et plus agréable aux tympans que la version française également disponible. Cette deuxième option est assortie d'un bruit de fond désagréable rappelant le constant toussotement d'un train à vapeur. Les voix raisonnent à n'en plus finir et se révèlent encore plus couvertes que celles de la piste italienne. Qui plus est, tout naturel est écarté comme les ambiances environnantes de la nature y compris la musique de Renzo Rossellini complètement mutilée comme au cours de l'arrivée de Sainte Claire (26min35). Pour couronner le tout, on a comme l'impression qu'un seul et même comédien double tous les personnages du film, ce qui entérine définitivement notre rejet d'une telle piste sonore.

Présentation du film par Roberto Rossellini (1min41)

Tirée des archives de l'INA, cette courte introduction de Les 11 Fioretti de François d'Assise a été réalisée en 1963. Dans un français parfait, le cinéaste Roberto Rossellini résume brièvement son film en un seul mot, l'innocence. Une tentative de faire un film historique avec des éléments du réel, respectant la vie d'alors en prônant l'épure. Rossellini déclare que le film s'était soldé par un échec commercial mais qu'il a bien été reçu par les professionnels. C'est en espérant qu'il sera mieux compris par le plus grand monde que le cinéaste clôt cette présentation.

Prologue de Giotto (6min45)

Alain Bergala, réalisateur et enseignant à la FEMIS, nous évoque la première mondiale de Les 11 Fioretti de François d'Assise au Festival de Venise le 26 août 1950. Au même moment, Stromboli essuie un échec cuisant aux Etats-Unis alors qu'il n'est pas encore sorti en Italie. Afin de mieux présenter Les 11 Fioretti de François d'Assise aux spectateurs, Roberto Rossellini insère un prologue illustré par des fresques de Giotto retraçant la vie de François d'Assise. Bien qu'on ne sache pas si ce prologue ait été réalisé par le cinéaste lui-même, cette introduction demeure une curiosité aujourd'hui disponible grâce à Carlotta. Ces fresques permettent aux spectateurs d'hier et d'aujourd'hui de découvrir l'histoire de François d'Assise se déroulant avant celle du film. Lors de sa sortie en Italie, ce prologue fut coupé mais réinséré pour la version américaine. La version retrouvée du prologue est en version anglaise.

Grâce et fantaisie (26min53)

Nous retrouvons notre interlocuteur, Alain Bergala, qui démontre comment le cinéaste Roberto Rossellini filme avec épure et simplicité François d'Assise, homme pris entre la pesanteur et la grâce. Tout d'abord, Alain Bergala restitue le contexte personnel et professionnel de Rossellini en 1950. A cette époque, Ingrid Bergman est enceinte de lui mais le réalisateur n'a pas encore divorcé de Marcella de Marchis. Essayant de régulariser sa situation avant que ne vienne son enfant au monde, c'est dans ce climat personnel quelque peu chaotique que le cinéaste va réaliser son film le plus apaisé et le plus fantaisiste de toute sa carrière. Ne désirant en aucun cas parler de politique, Roberto Rossellini coupe au montage un 12^ème fioretti qu'il avait alors tourné et qui montrait un démêlé avec une certaine autorité. Dans cette séquence dont il ne reste que quelques photos visibles dans ce documentaire, François venait en aide à une prostituée maltraitée sur un marché.  Le caractère unique de Les 11 Fioretti de François d'Assise dans la carrière du metteur en scène est largement disséqué et richement illustré par notre protagoniste qui croise le fond et la forme avec intelligence, didactisme et une passion communicative.

Cette édition collector comprend également un dépliant de 8 pages proposant une étude analytique du film « Une économie du geste, sur les Fioretti de Roberto Rossellini » par Nicole Brenez, maître de conférences en études cinématographiques à l'université Paris I-Sorbonne.