Galvanisé par le triomphe du triplet Suspiria/Inferno/Ténèbres et conscient que son nom est devenue un label, Dario Argento se lance en 1985 en tant que producteur. S'il était jusqu'alors épaulé à la production par son père ou de son frère, le cinéaste souhaite dorénavant posséder un contrôle total sur ses film. Et s'il fera de Phenomena son premier film en tant que producteur, il produira la même année Démons, projet qu'il initié, écrit et confié à son ami Lamberto Bava (qui n'aura, pour son grand malheur, jamais hérité du génie de son père, Mario Bava). Décidé à conquérir le marché américain, Argento tourne dans la langue de Shakespeare, s'entoure de pointures du heavy metal (Iron Maiden et Motörhead côtoient Claudio Simonetti, échappé des Goblins) pour composer la bande originale et adopte une mise en scène raffinée, rappelant les belles heures de l'expressionnisme à l'américaine (en premier lieu les films produits par Val Newton à la RKO). Loin de l'outrance des deux premiers volets de sa trilogie des Trois Mères ou de la photographie clinique de Ténèbres donc.

Argento reprend la même structure que Suspiria (l'arrivée d'une nouvelle pensionnaire dans école privée), mais faire de son héroïne une jeune adolescente permet au cinéaste de mettre sous le tapis les perversions baroques qui ont fait son succès et d'adopter une approche de l'épouvante plus feutrée (et plus rassurante). Phenomena aurait de toute évidence du être le plus argentesque de ses films, or le film sera le premier malentendu avec son public, et reste encore aujourd'hui certainement le plus mal aimé. La faute notamment à un scénario à la naïveté enfantine, donnant l'impression dans sa première moitié d'assister à une adaptation des aventures du Club des Cinq. Un étrange objet à moitié raté donc (ou à moitié réussi, selon où on se situe) qui, à ce titre, a toutes les raisons d'être (re)découvert. Le DVD édité par Wild Side Vidéo est disponible dans les bacs depuis le 3 novembre 2010.