Tout ce que le ciel permet est un festival de couleurs. Le film se déroule en partie en automne puis en hiver, la palette colorimétrique passe donc de teintes dorées et orangées symbolisant les arbres de Nouvelle-Angleterre aux blancs immaculés de la neige. Les couleurs sont tellement bien pensées que l'image fait souvent penser à une vieille carte postale toujours en bon état. La forme stylistique du film est ici impressionnante. Le travail sur la lumière est fondamental et Sirk s'appuie notamment sur de magnifiques clairs-obscurs et des contre-jours. Le film s'apprécie d'autant plus grâce à l'impeccable restauration effectuée par Carlotta qui est un quasi sans-faute, signalons juste une légère granulation sur les objets clairs mais rien de bien méchant.
L'éditeur met à disposition deux pistes sonores en mono 2.0. Si encore une fois le doublage français d'époque est réussi, c'est au niveau des dialogues, de la musique et des ambiances de fond quasi inexistantes (la scène du cocktail au début par exemple), que ça coince. En effet, bien que poussées à leur maximum, les enceintes frontales produisent peu de son et le tout manque cruellement d'ampleur et de réverbération. Tout le mérite revient à la piste originale, parfaitement remastérisée, dynamique et vivante tout du long qui permet d'apprécier un excellent mixage des dialogues avec la musique, dotée, elle, d'une belle résonance.
DVD 1
Du côté des suppléments, le premier disque propose la bande-annonce d'époque du film (2min30, vostf).
DVD 2
Eclats du mélodrame : Filiations (15min13)
Nous sommes toujours en compagnie de l'historien du cinéma Jean-Loup Bourget. Les nouveaux points abordés sont les thèmes de la filiation, dont le successeur majeur de Douglas Sirk reste Rainer Werner Fassbinder et dans une autre mesure Todd Haynes, la pertinence artistique des mélodrames de Sirk et le regard que le public porte sur son œuvre aujourd'hui, et l'évolution du genre cinématographique à la fin des années 50 (l'autre grande figure du mélodrame reste Vincente Minnelli) avec la dernière séquence de Mirage de la vie qui incarne selon Bourget la fin du genre. Aujourd'hui le genre mélodrame s'est un peu dissous même si certains réalisateurs tels que François Ozon ou Todd Haynes (Loin du paradis) s'essayent au genre.
La tendresse selon Sirk (15min11)
Ce nouveau supplément permet de se rendre compte une fois de plus du lien de parenté qui unit les films du réalisateur américain Todd Haynes à ceux de Douglas Sirk. Nous faisons ici référence à Loin du paradis (2002) avec Julianne Moore et Dennis Haysbert réalisé en hommage à Tout ce que le ciel permet. Datant du mois d'avril 2005, ce document apporte une nouvelle vision des mélodrames de Douglas Sirk par un connaisseur du genre, qui en même temps admire beaucoup Fassbinder et la liberté dont il bénéficiait dans les années 70 en Allemagne. Haynes analyse de plus près la similitude des thèmes des films de Sirk et de Fassbinder. Le premier utilise le mélodrame comme un outil de dénonciation du fonctionnement de la société américaine. Le second a trouvé dans le genre mélodramatique une forme plus radicale et populaire pour critiquer la société allemande de son époque. Son approche n'est pas intellectuelle bien qu'il faisait parti de cet univers. Fassbinder rejetait sur un plan théorique et formel le cinéma politico-marxiste des années 60 et souhaitait avoir recours à l'illusion et à l'artifice pour ses films. Les œuvres des deux cinéastes sont donc très proches par les thèmes qu'elles invoquent (la tendresse pour les gens ordinaires, les faibles, les marginaux) et le langage formel.
Les films libèrent la tête (10min06)
Fassbinder doit tout à Douglas Sirk et ce supplément l'atteste. Accompagné d'extraits de Tout ce que le ciel permet, un narrateur lit en voix-off un texte descriptif de l'histoire du film et de ses personnages écrit par le cinéaste allemand. Il met en évidence le culte et l'émerveillement que lui porte Fassbinder.
Quand la peur dévore l'âme (26min13)
Voici encore un supplément intéressant et très original puisqu'il s'agit d'un petit film de François Ozon monté avec sa collaboratrice et réalisé à l'occasion de la sortie dvd du coffret Douglas Sirk. A l'instar de Todd Haynes, c'est son admiration pour Sirk et Fassbinder qui l'a amené à accoucher de cet exercice narratif intitulé justement Quand la peur dévore l'âme. Il s'agit ici de mettre en parallèle certaines séquences entières de Tout ce que le ciel permet avec celles de Tous les autres s'appellent Ali de Fassbinder. Le commentaire audio de François Ozon est en option mais il va sans dire qu'il ne faut absolument pas passer à travers, tant le réalisateur français se montre analytique, détaillé et passionné. Venons-en au comparatif entre les deux films. Fassbinder traite par exemple la rencontre entre la vieille femme (Brigitte Mira) et Ali (El Hedi ben Salem) de manière plus intime que dans le film de Sirk. Chez le premier, les dialogues sont beaucoup plus crus et violents que dans les films du second. François Ozon souligne ensuite les faiblesses scénaristiques de Tout ce que le ciel permet qu'il impute aux personnages, plus archétypals. Il est évident que d'après son analyse, le réalisateur français a une majeure tendresse pour le film de Fassbinder.
Captures de Tous les autres s'appellent Ali de R.W. Fassbinder
Contract kid (23min03)
L'acteur William Reynolds, qui incarne Ned, le fils de Jane Wyman dans le film, livre ses souvenirs de tournage avec Douglas Sirk, qui l'a fait tourner dans deux autres films, Qui a donc vu ma belle (1952) et Demain est un autre jour (1956). C'est en fait le réalisateur William Wyler qui lui a offert son premier vrai rôle au cinéma en 1952 dans Un amour desespéré (titre original Carrie) dans lequel il cotoyait Laurence Olivier. Reynolds est ensuite parti signer un contrat chez Universal où il a rencontré Sirk. L'acteur ne tarit pas d'éloges sur ses qualités et sa méthode de travail. Il respecte la beauté de ses cadrages, la lumière (« qui prenait un temps fou à l'époque ») et sa direction d'acteur. William Reynolds se remémore avec tendresse et aucunement avec l'âme d'un nostalgique, des anecdotes agréables et toujours enrichissantes.