Un heureux évènement
Le 28/09/2011 à 09:00Par Michèle Bori
Avec Un heureux évènement, film doux-amer plein à craquer de scènes poignantes qui ne manqueront pas de toucher le spectateur en plein cœur, Rémi Bezançon nous prouve trois choses. 1/ Que les anglo-saxons n'ont pas le monopole du feel-good movie. 2/ Qu'il est l'un d'un tout meilleur réalisateur français actuel, ou tout du moins l'un des rares à pouvoir faire des films populaires qui abordent des sujets sensibles. 3/ Que Louise Bourgoin n'est pas bonne qu'à jouer les reines des glaces inaccessibles. Trois raisons de penser qu'Un heureux évènement est LE beau film de cet automne. Retrouvez ci-dessous notre critique d'Un heureux évènement, le film de Rémi Bezançon.
1,2 millions et demi de français avaient été voir Le premier jour du reste de ta vie, film brillant récompensé en 2009 par neuf nominations aux Césars. De quoi mettre un peu de pression sur les épaules de son réalisateur, Rémi Bezançon, dont le nouveau projet allait forcément être attendu au tournant par les observateurs du 7ème Art. Ce nouveau projet, c'est l'adaptation au cinéma d'Un heureux évènement, livre d'Eliette Abécassis qui aborde la maternité sous un angle plus ou moins philosophique puisqu'il pose frontalement cette question qui est "Et si donner la vie, c'était arrêter de vivre ?". Une antithèse parfaite au Premier jour, dans lequel le personnage de Jacques Gamblin disait qu'avoir des enfants était "une chose merveilleuse" ? On pouvait se poser la question. Et par-là même, voir poindre une forme d'appréhension vis-à-vis d'Un heureux évènement, le film. Car pour qui connait un peu l'œuvre de Rémi Bezançon, ce troisième film pouvait laisser craindre qu'une chose : que le réalisateur du Premier jour du reste de ta vie ne tombe du mauvais côté de cette fine frontière qu'il existe entre "vision du monde" et "radotage". Les étudiants en cinéma le savent, la "vision du monde" est un terme qui sert à définir le regroupement des thématiques récurrentes d'un auteur, thématiques qui au fur et à mesure d'une filmographie forment un ensemble cohérent, immédiatement identifiable. Le faux-semblant chez Carpenter, la culpabilité chez Hitchcock, la relation entre l'homme et la planète chez Miyazaki ... Le radotage de son côté, apparait lorsqu'un auteur n'a semble-t-il plus rien de neuf à raconter et que chacun de ses films semblent taper sur le même clou, ad nauseum. Dans le cas de Rémi Bezançon - qui avec Le premier jour ... et Ma vie en l'air avait déjà longuement abordé les thèmes que sont la filiation et le legs spirituel – on pouvait redouter d'Un heureux évènement qu'il ne sonne que comme une redite de ses précédents travaux. Et pour cause, il parle de manière frontale de l'arrivée d'un bébé dans un couple et donc fatalement, de la naissance d'une relation parent-enfant. Fort heureusement, il n'en est rien.
En effet, s'il parle de l'arrivée d'un enfant dans un couple, Un heureux évènement ne traite que très partiellement des rapports entre les parents et leur progéniture. Entièrement focalisé sur le personnage de Barbara (la mère), ce film raconte le cheminement psychologique d'une femme qui voit sa vie chamboulée par l'arrivée au monde d'une petite fille et l'évolution de ses relations avec son conjoint, avec sa mère, avec ses amis, avec son corps, avec son travail et même avec son lieu de vie. Sur le papier, cela peut apparaitre pompeux. Limite trop pédagogique pour être honnête. Mais c'est sans compter sur le script malin de Bezançon (coécrit avec sa compagne Vanessa Portal), qui parvient à aborder ses questionnements existentiels sous un angle léger, drôle, parfois même pop et visuel. Un heureux évènement fait donc indéniablement partie de ces feel-good movies "à l'américaine", qui savent toucher du doigt des choses sérieuses sans pour autant tomber dans le didactique lourdingue. Comment ? Tout simplement en se souvenant qu'au delà des messages, des thématiques et des questions, il y a une histoire à raconter, des personnages à dévoiler, des aventures à faire vivre. Une chose que le réalisateur avait parfaitement réussi avec Le premier jour du reste de ta vie, un film qui avait ému beaucoup de monde grâce, en partie, à la profonde connivence qu'il existait entre ses personnages et le spectateur. Une complicité que l'on retrouve dans Un heureux évènement, au détour de quelques scènes finement captées, dans lesquelles tout un chacun aura le loisir de se retrouver.
En cela, Un heureux évènement est donc un véritable beau film de cinéma. Mais en donner tout le crédit à Remi Bezançon serait bien vite oublier que la véritable surprise de ce film n'est autre que la comédienne Louise Bourgoin, tout simplement saisissante dans ce rôle pas facile. Oubliez donc ses rôles de reine des glaces dans La fille de Monaco, L'Autre Monde et Blanc Comme Neige. Oubliez donc (si ce n'est déjà fait), l'extraordinaire débâcle d'Adèle Blanc-Sec. Oubliez même ses sketchs de l'époque miss météo de Canal ! Ici, la belle Louise balade son espièglerie, son sourire séducteur et son phrasé naturel et cash pour donner naissance à un personnage tout en émotions, dans lequel nombre de femmes sauront se retrouver. Et nombre d'hommes sauront retrouver leur compagne. A ses côtés, c'est avec plaisir que l'on retrouvera le talentueux Pio Marmaï - dans un personnage très proche de celui de Vincent Elbaz dans Ma vie en l'air – et Josiane Balasko, dans un rôle de grand-mère qui le sied totalement. Bref, comme c'était le cas dans ses deux premiers films, Bezançon a su s'entourer d'un casting en or, pour donner vie à des personnages touchants, qui donnent corps à un scénario intelligent. Et puisque le film sort en pleine période de Coup du monde de rugby, on peut dire que si Le premier jour du reste de ta vie pouvait être considéré comme un formidable essai, inscrit avec la manière, Un heureux évènement en est la transformation parfaite.