12 Rounds
Le 11/08/2009 à 09:55Par Arnaud Mangin
Faiseur à la fois atypique et droit dans ses pompes, Renny Harlin livre un film pile poil dans le cahier des charges du genre dont il fut un cador : le plaisir coupable mid-90's ! Si toutes les recettes de l'un des genres les plus mal aimés de toute l'histoire du cinéma sont appliquées ici, elles trahissent également un gros coup de vieux que seule une inspiration de génie peut élever au dessus du lot. Malheureusement, avec son improbable adaptation des 12 travaux d'Hercule, Harlin reste en mode automatique au lieu de profiter de l'occasion qui lui est allouée pour s'éclater. Il a dû moyennement s'amuser. Nous aussi.
Ce qu'on adore chez Renny Harlin, c'est que sous sa bonhommie apparente se cache une terrifiante puissance de viking. Et quand ce type, lors d'une réunion de pré-production, se lève, frappe du poing sur la table en braillant ''Oui je suis en retard sur mon temps, j'assume en j'en bougerais pas !'', et bien tout le monde l'écoute. Ca s'appelle le respect Harlin ! D'autres appellent ça de la ringardise, mais dans l'absolu on n'a pas envie de blâmer celui qui contre vents et marées a refusé de prendre le train avec les autres. Et c'est sur cette indéfectible base que ce type a construit toute sa carrière. Du coup, 12 Rounds est une espèce d'étrange cas d'école : rendre hommage à l'actioner crétin des années 90 est un parti pris particulièrement singulier (la tendance est plutôt aux 70's) et affiche grassement un ton régressif qu'on ne saurait refuser. Ce n'est pas par hasard si l'affiche évoque le réalisateur de Die Hard 2 et le producteur de Speed, alors qu'il y a de fortes chances pour que le public auquel il s'adresse n'était même pas encore de ce monde lors de leurs sorties. 12 Rounds a facilement 15 ans de retard et jusque là, on est client. Le problème c'est qu'à peine sorti de ses cartons, le film a déjà probablement aussi mal vieilli qu'un Passager 57 alors qu'on fantasmait sur un plaisir coupable plus orienté vers un Au revoir à jamais, sans doute le meilleur film de Harlin à ce jour. Mince alors.
Pour ceux qui ont pris le train en route, oui, il y avait bien une vie avant Matrix. Si, si... Une époque où les gens comme Renny Harlin régnaient en maître sur le tout Hollywood et faisaient tout péter (en vrai, sans 3D) pour 20 ou 30 millions de dollars, habilement rognés sur le salaire des scénaristes ou les professeurs d'expression scénique. Et si 12 Rounds semble s'être perdu dans une faille spatio-temporelle entre cette jubilatoire époque et la notre, l'objet n'a malheureusement pas tenu compte du recul qui lui était alloué et traîne derrière lui, comme un boulet, un empressement naïf de faire un film de studio sans charme. Un brin de folie, d'audace et une envie de réellement s'éclater auraient pu faire toute la différence. Pourtant tout est là : une repompe de succès à la mode (Die Hard 3, en l'occurrence, un peu mélangé avec Speed), un méchant très méchant et très malin (les pires), un héros qui saute partout et prend son pied à grimper sur des trucs qui roulent vite, un collègue et meilleur ami qui finira par crever, une petite amie kidnappée qui pleure tout le temps (non sans menacer son ravisseur d'un cassage de gueule en règle par son cher et tendre quand il les retrouvera) ainsi que l'inévitable mais indispensable affrontement final dans un hélicoptère.
Donc oui, dans l'absolu, tout ce que nous aimions dans ce cinéma, qui faisait surgir la testostérone des aisselles comme un geyser, répond bel et bien présent dans 12 Rounds. Mais on regrette franchement que Harlin ne se soit limité qu'à un mode automatique (au point de rendre son film ennuyeux) alors qu'il tenait là, et sans le moindre doute, une opportunité en or de rappeler au monde que le roi du bis bourrin prestigieux, c'est lui ! Fondamentalement, les fans ne seront pas lésés parce que les moments de bravoures plus stupides les uns que les autres sont déversés par paquet, mais nous sommes encore loin de l'actioner délirant ultime tant espéré.