Alvin et les Chipmunks
Le 10/12/2007 à 11:15Par Arnaud Mangin
Pavé de mauvaises intentions pécuniaires, elles-mêmes maquillées par un indigeste surplus d'amour aussi virtuel que les rats du film, Alvin et les Chipmunks est l'horreur saisonnière que redoutent tant les jeunes parents sitôt l'hiver venu. Pour ceux-là, qui en plus du film devront supporter les quelques autres 250 marmots chahutant dans la salle, on a une pensée émue... "Bonne chance, les gars !"
Adapter ou redécouvrir Alvin et les Chipmunks au cinéma, c'est un peu comme vivre un vieux rêve de gosse... Mais alors un très, très vieux rêve oublié quelque part par l'inconscient poussiéreux général, à un niveau où l'infantilisation côtoie parfois une certaine crétinerie. Le genre de souvenir vers lequel on s'avance sur la pointe des pieds, plus vraiment certain de ce que représentent ces petites bestioles affectivement parlant. Lourdés sur la place publique il y a presque 50 ans la première fois pour charmer les têtes blondes américaines, les trois tamias aux voix nasillardes réinterprétaient quelques tubes à leur façon, un peu comme le pingouin Nestor chez nous. Mais le dernier vrai souvenir en date, pour les masos que nous sommes, c'était un dessin-animé matinal des années 80 qui narrait les aventures de ces trois drôles de bestioles, croisement entre les Foo Fighters et des écureuils shootés à l'hélium ...
Pas folichon, dispensable et à mille lieues d'une quelconque légitimité sur grand écran - et en live en plus - si ce n'est dans l'esprit calculateur de producteurs qui ne savent plus où piocher pour frétiller la rétine des enfants à quelques jours de noël. Voilà qui explique, en partie, pourquoi le film est si nul.
Ce n'est pas nouveau, mais ça fait toujours du bien de le répéter : il y a, dans le cinéma américain (au moins) deux catégorie de créateurs. Ceux qui ont redonné vie à Casper il y a 14 ans, par exemple, en ayant saisi tout le potentiel technique du projet et en conservant un profond respect pour l'œuvre originale mais surtout pour les différentes générations de son public. Et puis il y a les autres, qui nous pondent un Alvin de derrière les fagots parce que là où il y a de la gêne, il n'y a pas de plaisir, et qui prennent les enfants pour des attardés mentaux en se disant que trois kikis qui chantent Funkytown avec la voix de Tic et Tac suffiront à séduire l'assemblée. Bien évidemment, c'est laid de prendre autant les gens pour des crétins, c'est douteux de faire vivre le film et ses divers produits dérivés sur une base que condamne le scénario lui-même ("Préférer les enjeux commerciaux au talent artistique, c'est mal, m'voyez !") et c'est surtout criminel de faire appel à Tim Hill (Garfield 2) pour mettre ce machin là sur pied.
En tout cas, et avec la meilleure volonté du monde, rien n'y fait. Excepté un inévitable rire nerveux déclenché au démarrage du film par une reprise incongrue de bad day de Daniel Powter ainsi que des effets spéciaux corrects, on subit littéralement ce calvaire auditif, pale resucée d'œuvres moralisatrices vieilles de 30 ans en moins bien foutue. Un peu de Beethoven, un peu de Schtroumpfs, des poils numériques partout pour le coté trognon du chipmunk grassouillet (cette saleté de Théodore nous arracherait bien une larme lors d'une scène, mine de rien) sont d'autant plus annihilés par un parti pris général bêtifiant au possible où même l'excellent Jason Lee se ridiculise comme jamais.
Les gentils se tapent le front quand ils sont en retard, les méchants producteurs rigolent très fort en lançant des biffetons au dessus de leur tête, la musique illustrative véhicule les émotions à la place des acteurs, mais qu'on se rassure... la morale est sauve et même le plus grognon des célibataires solitaires finira par succomber au surplus de bons sentiments véhiculés par cette nouvelle famille qui dépouille les boites de céréales. C'est beau, hein ?