[Critique] Annabelle, vilaine poupée...inerte
Le 09/10/2014 à 16:52Par Jonathan Butin
ANNABELLE : la Critique du film
Son heure de gloire n'avait alors duré que le temps d'une introduction. Cette année, la poupée revient dans son propre film qui porte son propre nom. Annabelle a-t-elle les épaules pour accomplir ce que nulle autre poupée moche (qui ne s'appelle pas Chucky) n'a accompli à ce jour ? James Wan, qui officie cette fois comme producteur, a confié la réalisation de ce spin-off a John R. Leonetti, son directeur de la photographie sur The Conjuring. Leonetti s'y connait un peu en poupées maudites grâce à son expérience de directeur de la photographie sur Chucky 3 en 1991. Cependant Annabelle n'est que son 3ème long-métrage en tant que réalisateur, les deux précédents étant Mortal Kombat : Annihilation et L'Effet Papillon...2. Pas de quoi crier victoire donc...
Le mal ayant été contenu dans The Conjuring, Annabelle est évidemment un préquel. Il débute un an avant l'intervention des Warren, au moment où un certain John Gordon offre la douteuse poupée à Mia, sa femme, à l'occasion de la naissance imminente de leur fille. Elle n'est pas encore maléfique mais déjà terriblement moche (la poupée bien sûr !). C'est donc sans se soucier une seule seconde des traumatismes qu'elle peut causer chez son rejeton que Mia installe Annabelle à une place de choix dans la chambre de l'enfant à naître...
Bien que tous deux relativement inconnus (l'actrice Annabelle Wallis, alias Mia, incarnait Jane Seymour dans plusieurs épisodes de la série Les Tudors, et l'acteur Ward Horton, qui interprète John, n'a fait qu'une apparition au cinéma dans Le Loup de Wall Street), le couple Gordon fonctionne plutôt bien, on croit volontiers à leur relation, ce qui est assez rare dans ce type de film pour être noté. Idem concernant les costumes et les décors. Ils font le job pour nous transporter à l'époque de l'affaire tirée, à l'instar de The Conjuring, des « véritables » dossiers Warren. Nous sommes donc en 1967 et dans les 60's aux États-Unis, "tout peut arriver"...
Sans rentrer dans les détails, l'ouverture du film est violente, originale. Un barbu satanique accompagné d'une jeune fille au moeurs tout aussi particlières ouvrent le bal : scènes d'égorgements, rituels démoniaques et autres joyeusetés plantent le décor. Annabelle est "enfin" une poupée maudite !
Si pour les Gordon, le véritable cauchemar commence ici, c'est plutôt l'ennui qui guète à présent le spectateur. A l'introduction surprenante (les satanistes en robes blanches surgissant des recoins sombres..) succède une heure beaucoup trop calme. La poupée devient le seul vecteur de terreur, une tâche qui se révèle un peu trop lourde à assumer pour ce personnage totalement inanimé. Car contrairement à une Chucky qui, galopant sur ses petites jambes de chiffons pour commettre ses forfaits, proférait moult insanités de sa célèbre et ignoble voix de crécelle, Annabelle, elle, reste désespérément muette et immobile. Il y a une explication logique à cela que Lorraine Warren expliquait au début de The Conjuring, la poupée n'est pas réellement possédée par un fantôme non, elle est « manipulée » par un démon. Comprenez par là qu'elle ne bouge pas d'elle-même, c'est une entité démoniaque qui la déplace dès qu'on a le dos tourné ! C'est bien beau un peu de rigueur "scientifique" mais les gros plans qui se veulent angoissants sur les yeux vides d'une poupée immobile - aussi laide soit-elle - peuvent rapidement devenir rébarbatifs.
Cela n'aurait pas vraiment posé de problème si l'ambiance oppressante avait été au rendez-vous – certains film d'horreur récents, comme La Dame en Noir avec Daniel Radcliffe reposent essentiellement sur leur ambiance – mais ça n'est pas vraiment le cas ici non plus. Hormis quelques scènes capables de faire monter la pression grâce à un montage ingénieux (l'une d'elle impliquant notamment une machine à coudre et du pop corn), Annabelle ne compte que sur des « jump scares » assez ordinaires pour nous faire agripper les accoudoirs. On en vient à se dire que les satanistes étaient vraiment plus fun ! Reste, heureusement, le fameux démon, "personnage" bel et bien flippant, mais finalement peu présent.
Au bout du compte, Annabelle passe certainement à côté de son potentiel. La mise en scène de Leonetti, si elle n'est pas particulièrement inspirée, n'affiche pas non plus de grosses scories et le jeu des acteurs reste plus que décent. Mais au-delà de l'introduction prometteuse, seules une poignée de scènes parvient à faire mouche et comble de l'ironie, aucune d'elles ne contient la poupée éponyme ! Un film à réserver, donc, aux "grands consommateurs" du genre.