Being W. - Dans la peau de George W. Bush

Si on attendait Being W., c'était plus par curiosité que pour y déceler un véritable intérêt cinéphilique comme informatif. En effet, après un Dans la peau de Jacques Chirac bien rigolard mais ne s'élevant qu'à peine au dessus d'une émission télé de zapping satirique, on imaginait aisément ce pugilat contre George W. Bush comme une énième déconne tirant contre l'ambulance. En effet le chef d'Etat américain, "plus puissant tu meurs", n'en reste pas moins une cible facile pour des humoristes qui semblent avoir fait le tour des blagues éculées... Le genre Canal +, justement, sur lequel Karl Zero s'était imposé bien meilleur journaliste que comique. Sans lui manquer de respect, moins il essaie d'être drôle, plus il reste efficace. Dans l'absolu, casser du sucre sur Bush n'avait rien de frais. Pourtant, il ne faudra pas longtemps au film pour poser ses marques. Et si ce dernier use des ficelles classiques de la comédie (détournement vocal par un imitateur hyper convaincant, images cocasses et un aspect lorgnant souvent vers le bêtisier) l'histoire vraie qu'il dépeint relève de la tragédie la plus complète, s'élevant à une échelle internationale, dont la gravité des enjeux comme des conséquences sont sans commune mesure avec les bourdes de Jacko.

Difficile de savoir exactement quelles étaient les intentions premières du duo Zero/Royer, même si l'image publique chaplinesque de George permettait de quoi monter quelque chose d'assez vivifiant. Les règles sont d'ailleurs les mêmes que dans leur essai précédent: un grand imitateur local (le film est monté en anglais) s'improvise comme conscience du principal intéressé pour retracer en 1h30 chrono une carrière controversée. Mais les deux "petits" français ont néanmoins saisit l'ampleur internationale de leur projet, bien évidemment pas comparable d'un film à l'autre et dont l'esprit déviant n'aurait aucun intérêt. Le but ici est donc de rester le plus possible dans une véracité historique comme dans l'analyse identitaire du bonhomme pour livrer un portrait aux antipodes de ce qu'on aurait pu imaginer. Au final, même la narration imagée du principal intéressé flirte un poil avec la science fiction, l'aboutissement de l'enquête empêche tout  dérive ou adoption humoristique concrète.

Oui, George Bush adopte parfois un côté Benny Hill lors de ses manifestations devant une caméra, donc pas la peine d'en rajouter. Mais comme tout comique du dimanche, Monsieur le Président nous fait rire jaune. Et encore plus lorsque les boutades en question ne servent qu'à distraire l'attention de son audience. On oublie donc les caricatures vraiment lourdingues des Guignols (de toute façon Bush n'était pas encore au pouvoir la dernière fois où ils se sont montrés drôles) pour découvrir un espèce de clown manipulateur qui mise l'étendue de sa carrière sur la réception spongieuse de son électorat en communiquant avec les artifices les plus absorbables. Le malaise est palpable durant le visionnage du film, tant l'audace du bonhomme frise parfois l'incompréhensible, comme lorsqu'il casse un discours larmoyant post-11 septembre aussitôt par une boutade de derrière les fagots le jour même des attentats, au point qu'on ne discerne même plus la maladresse de la propagande.

Un portrait finalement assez inquiétant d'un homme (d'un clan, d'une famille) parvenu au pouvoir suprême et  qui a parfaitement saisi les faiblesses de son peuple pour les triturer, telle une pâte à modeler, à son avantage pour tous les intérêts que l'on connaît. L'inconvénient, c'est que c'est encore suffisamment frais dans nos esprits pour nous laisser surprendre par la grave tournure des péripéties évoquées ici. L'avantage, c'est que le portrait du diable, de ses méthodes et de ses pirouettes n'a jamais été aussi fascinant, même derrière le masque du benêt. Au début du film, il nous l'indique lui-même "A la fin, vous comprendrez pourquoi j'ai fait tout ça"... En effet, d'une certaine façon, le bonhomme a admirablement bien fait son travail...