Birdemic : Shock and Terror

CRITIQUE Birdemic : Shock and Terror

Dès qu'un buzz ronronne quelque part sur le web, même si l'on sait pertinemment que c'est une façon maladroite de masquer un projet faisandé, on ne peut s'empêcher d'y fourrer le bec pour étudier la chose de près. En l'occurrence, Birdemic : Shock and Terror, c'est du dossier "poids lourd" de compétition. Un dérapage incontrôlé artistique et surtout médiatique auquel nous aurions dû nous préparer depuis des années maintenant (en tout cas depuis qu'internet et le cinéma marchent main dans la main), mais qui a fini par voir le jour et prendre des proportions inexpliquées : un amateur (très mauvais en plus) s'est pris pour un pro. Lors du visionnage (le calvaire dure tout de même 1h35), on a largement le temps de sentir notre moue expressive se détendre et de se poser toute une série de questions. Outre "Mais pourquoi j'ai décidé de regarder ça ?", on s'interroge franchement sur le sérieux de la chose tant on a parfois l'impression d'assister à une longue et interminable farce dont nous serions le dindon. Et pourtant, rien de tout ça... Birdemic démontre seulement que faire du cinéma, c'est un métier (très difficile) qui nécessite autant de talent que de bon sens technique mais aussi qu'on ne s'improvise pas réalisateur du jour au lendemain en sortant sa DV du placard, comme un touriste...

Touriste est d'ailleurs un terme de circonstance tant Birdemic ressemble à n'importe quelle vidéo de vacances de tonton René (mais si mais si, nous avons tous un tonton René quelque part) et que rien ne semble avoir été mis en place pour lui donner un semblant de texture filmique. Dans le genre négligence absolue, on atteint les tréfonds du nawak, la caractérisation de la glande crasseuse, le mépris artistique global et surtout un crachat plutôt violent au visage de gens comme Peter Jackson ou n'importe quels autres petits malins de talent qui sont parvenus à signer de véritables chefs d'œuvre avec des moyens inexistants. De tous les bricolages amateurs qui existent de par le monde (fouillez sur le web, il y en a à foison) dont certains mettent même à l'amende de gros produits populaires, c'est l'un des plus pourris qui est parvenu à sortir du lot, poussé par un réalisateur/producteur/scénariste forcément mégalo mais complètement à côté de ses pompes. On n'attaque bien évidemment pas les talents, mais écouter James N'Guyen, ou tout simplement jeter un œil à son film démontre que la frontière entre l'incompétence et la truanderie est parfois fine.

Le plus triste dans cette histoire, c'est que Birdemic n'a même pas la saveur d'un nanar. Malgré son pitch con et attrayant (une romance entre deux têtes de nœuds qui vire dans le survival écolo lorsqu'une horde d'aigles tueurs s'en prend aux humains consuméristes) et une accumulation de bourdes qu'on jurerait volontaires, la moquerie qu'on nous arrache sans mal s'estompe rapidement pour laisser place à la consternation. Rien ne fonctionne là-dedans. Absolument rien ! Et les moyens ne sont plus à remettre en cause : acteurs médiocres, bande originale bidouillée électroniquement par des logiciels au rabais, aucune notion de cadrage, de découpage ou de gestion de rythme. Les raccords sont plus foirés les uns que les autres et lorsque c'est moins frappant à l'image, c'est sur le plan sonore que le fatras prend une ampleur démesurée. Le tout étant enregistré avec le micro interne de la caméra, les tonalités ne sont jamais suivies d'un plan à l'autre (même dans une scène dialoguée) pour ne pas dire inaudibles lorsque le bougre ose tourner des séquences sur le bord des côtes sans avoir peur des bourrasques qui explosent nos tympans comme il se doit. Ce qui nous amuse un peu pendant une vingtaine de minutes frôle la torture pure et simple sur les soixante-quinze restantes...

Rien de tel qu'un bon cintre pour se défendre !

Car sorti de ses carabistouilles techniques qui donnent un peu de vie à ce merdier, l'incompétence se déploie sur la façon de maintenir l'attention du spectateur. Si l'on excepte quelques perles involontaires, comme une scène de sexe (enfin, une scène de maillots de bain, plutôt) illustrée par une reprise de Imagine de John Lennon en wav (voire le chapitre précédent sur les conditions musicales), l'intervention de deux enfants qui jouent encore plus mal que les adultes ou les attaques des dits oiseaux qui éclaboussent soudainement des gens avec un liquide toxique, on s'emmerde d'une façon royale. De quoi raviver tous vos petits désagréments physiques enfouis ça et là, en se forçant à rester patient dans l'espoir de déceler là dedans quelque chose qui pourra porter Birdemic au panthéon des grosses daubes à découvrir absolument. Ce ne sera même pas le cas. Non seulement cette chose atteint un degré de nullité rare, au point que rien au monde ne justifie son existence, mais il est même impossible d'avoir une empathie quelconque pour ses maladresses, plus énervantes qu'amusantes.

Faux phénomène et surtout pas nanar culte et poilant, Birdemic n'est qu'un pur produit de démagogie culturelle qui voudrait faire croire à l'égalité des chances devant le talent. Quand on a des mains de boxeur, on ne pratique pas le point de croix !