Capitalism : A Love Story
Le 26/11/2009 à 18:31Par Elodie Leroy
Michael Moore met en œuvre toutes ses qualités d'enquêteur, de journaliste, de conteur ou encore de showman pour appuyer sa démonstration et pousser un cri de colère retentissant contre le système capitaliste, passé sous acide jusque dans ses fondements idéologiques. Comme dans les films précédents du cinéaste, certains arguments de Capitalism : A Love Story peuvent s'avérer contestables, notamment le chapitre tendancieux sur la religion ou l'idéalisation des pays étrangers, mais la sincérité est évidente et la plupart des éléments font mouche.
Découvrez ci-dessous la critique du film Capitalism : A Love Story
Après avoir passé à la moulinette le système de santé des Etats-Unis dans Sicko, Michael Moore s'en prend aux bases mêmes de la culture américaine telle qu'on la connaît aujourd'hui pour apporter son éclairage sur la crise économique. Construit selon une structure pyramidale, Capitalism : A Love Story commence par dénoncer les effets de la crise sur des particuliers issus des classes moyennes (des familles exclues de leur domicile, des employés licenciés, des héritiers dépouillés de leur héritage) et remonte peu à peu jusqu'aux pontes de la finance et des grandes entreprises pour mettre en lumière leurs magouilles criminelles, dénonçant l'enrichissement d'une minorité sur le dos d'une population de plus en plus désespérée. Si les premiers pas de la démonstration pourront paraître simplistes, à commencer par le parallèle entre l'Amérique et l'Empire Romain, Capitalism : A Love Story prend progressivement son envol et fait mouche à de nombreuses reprises, au point de faire véritablement froid dans le dos. Mobilisant tous ses talents d'investigateur mais aussi l'incroyable culot qu'on lui connaît (le seul nom de Michael Moore suffit à énerver les vigiles des grandes banques), le documentariste dévoile des aberrations et des pratiques d'un cynisme stupéfiant et malheureusement crédibles aux yeux de toute personne ayant eu un jour ou l'autre à en découdre avec les banques.
C'est un véritable cri de colère que pousse Michael Moore avec ce Capitalism : A Love Story qui lui permet une fois encore de prouver sa capacité à captiver presque immédiatement son auditoire avec des révélations chocs. Car comme nous le savions déjà, Michael Moore est aussi un excellent showman qui n'hésite pas à se mettre lui-même en scène, ce qui donne lieu à quelques moments tout simplement jubilatoires - le cinéaste se fait de plus en plus présent à l'écran au cours du film et finit par un geste hautement symbolique. Pourtant, ce showman peut aussi se révéler assez manipulateur lorsqu'il a décidé de laisser ostensiblement de côté toute objectivité. Au rang des reproches, nous citerons surtout le chapitre tendancieux utilisant la religion pour appuyer le propos et prôner sans nuance aucune le Socialisme, l'idée maîtresse étant que le Capitalisme n'est pas conforme à la Bible ! Rappelons à ce titre que Moore est un fervent catholique ; or selon le sociologue Max Weber, le capitalisme serait directement dérivé de la mentalité protestante (voir l'ouvrage L'Ethique Protestante et l'Esprit du Capitalisme). Tout comme Farenheit 9/11 avec l'Irak et Bowling For Colombine avec le Canada, Capitalism : A Love Story confirme par ailleurs la fâcheuse tendance du cinéaste à idéaliser les autres pays (c'est tout juste si Mao Tse-Dong n'est pas érigé en référence), un défaut qui entame légèrement la crédibilité du documentaire auprès des non-Américains.
Pourtant, en dépit de ces quelques dérapages, la sincérité du coup de gueule de Michael Moore est évidente, ne serait-ce que lorsqu'il fait intervenir son propre père pour témoigner sur le drame des licenciements. C'est là toute la force de Capitalism : A Love Story. Derrière le documentariste et l'entertainer se dévoile un homme qui n'hésite pas à exposer une parcelle de l'histoire de sa famille, ce qui confère à son film une dimension très humaine car très personnelle. Tour à tour fin et borné, tour à tour drôle et irritant, le personnage médiatique de Michael Moore fait constamment réagir, en bien ou en mal, de par ses pratiques particulièrement rentre-dedans. Mais à l'heure où la crise s'abat sur une génération de jeunes gens totalement dénués d'intérêt pour la politique, la persévérance du cinéaste à dénoncer l'injustice et à défendre coûte que coûte ses idées force le respect. Que dire si ce n'est que l'on aimerait bien avoir un Michael Moore en France !