CARRIE : un remake 2013 pertinent ? [Critique]
Le 04/12/2013 à 08:00Par Jonathan Butin
Remake du grand classique de Brian De Palma avec Sissy Spacek et Piper Laurie, lui même adapté du premier roman de Stephen King, Carrie : La Vengeance reprend presque à l'identique la structure du film de 1976. Nul besoin d'être familier de l'œuvre de Stephen King ni d'avoir vu le film de Brian De Palma, l'histoire de Carrie ayant de grande chances d'être parvenue aux oreilles de la plupart d'entre vous. Carrie fait presque partie de la culture populaire et ses personnages sont devenus des archétypes. Impossible de placer les mots "télékinésie" et "bal de promo" dans la même phrase (ce qui est assez rare on vous l'accorde) sans penser immédiatement à cette jeune fille dans sa robe ensanglantée, se vengeant de plusieurs années d’humiliations et de vexations en tous genres en faisant griller tous ceux qui l'ont harcelée. Mais dans le doute un rapide résumé s'impose : ATTENTION SPOILERS !
Carrie White est une adolescente vivant recluse avec sa mère Margaret, fanatique religieuse pur jus et pratiquante convaincue de l'auto-flagellation. Souffre-douleur en chef de son lycée, Carrie est une fille gentille, une bonne âme qui n'aspire qu'à s'intégrer à ce microcosme lycéen dont elle ignore les lois, les coutumes et les interdits. Du pain béni pour ses camarades qui, depuis sa plus tendre enfance, ne manquent pas une occasion de tourner en ridicule les moindres faits et gestes de la jeune marginale. Evidemment, ils ne le savent pas : Carrie est douée de pouvoirs télékinétiques capables de ravager le lycée, la ville et l'équipe de football au complet...
Tenaillée entre la folie ambiante du foyer familial et les persécutions quotidiennes de ses camarades de classe, il ne manquait à Carrie que l'humiliation finale, un seau rempli de sang de porc, pour passer en mode vengeance aveugle sur tous les participants au bal de promo, élèves, professeurs, chaperons et le gars qui sert le punch aussi.
Si le concept même de remake est loin de faire l'unanimité auprès du public, force est de constater que certains d'entre eux comme La Colline à des Yeux d'Alexandre Aja ou Halloween version Rob Zombie (bien qu'il s'agisse plutôt d'un reboot) ont su viser juste à la fois en respectant l'original et en apportant un second regard, voire de véritables nouveautés. Cet équilibre minutieux est le pré-requis pour que l'existence d'un remake soit justifié. C'est à peu de chose près le cas de Carrie : La Vengeance. A peu de chose près car Carrie 2013 n'apporte pas vraiment de nouveautés hormis quelques scènes ajoutées (dont la naissance douloureuse de Carrie) et la transposition de l'histoire des années 70 à notre époque avec tout ce que cela implique de vidéos compromettantes postées sur Youtube. L'itération 2013 bénéficie bien évidemment des progrès réalisés en matière d'effets spéciaux au cours des 37 années qui séparent les deux films et jouit d'une mise en scène bien plus convaincante des terribles pouvoirs de Carrie.
Au-delà de ces évolutions naturelles, la vision que propose Kimberly Peirce (réalisatrice de Boys Don't Cry) de la tragédie de Carrie est pertinente à plus d'un titre. A la science de l'image de Brian De Palma, Peirce privilégie une réalisation plus académique. Moins travaillée esthétiquement elle gagne toutefois en réalisme par rapport à son aînée. On sent dans la version de Peirce l'envie de démystifier Carrie, d'en faire un personnage auquel on peut s'identifier et plus seulement un instrument de vengeance. L'implication émotionnelle est minime dans la version de Brian De Palma, une lacune que Kimberly Peirce semble avant tout vouloir rectifier dans sa copie. Une volonté qui se ressent également dans l'interprétation de Carrie par Chloë Grace Moretz. Moins farouchement inadaptée que la Carrie jouée par Sissy Spacek (qui lors de la scène des premières règles de Carrie dans les vestiaires, se jetait comme une folle sur ses camarades) celle de Moretz se montre plus modérée, plus humaine même à l'heure des règlements de comptes (cette fois Carrie fait preuve de discernement et épargne les innocents), plus ostensiblement jolie aussi. Les fans de la première heure verront peut être dans ces changements comme un signe de compromission par rapport à l'original et, à fortiori, par rapport au roman de King dans lequel la jeune fille détruisait toute la ville, l'idée sous-jacente étant de faire de Carrie une héroïne au lieu d'un bourreau. Au spectateur ensuite de décider quelle Carrie lui sied le plus...