Chasseurs de Dragons
Le 19/02/2008 à 09:48Par Elodie Leroy
A l'origine, il y a une série animée en 2D produite par Futurikon (Minuscule) et diffusée sur France 3. Créée à partir d'une histoire signée Arthur Qwak et de personnages imaginés par Valérie Hadida, Chasseurs de Dragons repose sur un concept simple, à savoir les aventures de Lian-Chu et Gwizdo qui se disent « chasseurs de dragons » et monnaient leurs services. En réalité, leurs talents se résument à la carrure titanesque du premier et aux dons d'arnaqueur du second. En 2006, la série connaît une première adaptation sous forme de bande dessinée publiée chez Delcourt. La tentation d'en faire un long métrage était trop forte. Réalisé avec des moyens européens, à commencer par un budget avoisinant la modique somme de 12 millions d'euros, Chasseurs de Dragons ambitionne clairement de rivaliser avec les grosses productions Pixar ou Dreamworks. Au final, on obtient un bien joli film signé Arthur Qwak et Guillaume Ivernel, une fable intelligente et attachante qui peut aussi se targuer de bénéficier d'une mise en scène haut de gamme.
Si Chasseurs de Dragon se distingue immédiatement d'un Azur et Asmar sur le plan stylistique, le métrage partage une immense qualité avec celui de Michel Ocelot : savoir s'adresser au jeune public sans pour autant prendre celui-ci pour une bande d'idiots. Et ça fait plaisir, car ce n'est pas forcément le cas de toutes les grosses productions en 3D sorties ces dernières années. Si les habitués de la série retrouveront facilement leurs repères, les novices se plairont à découvrir l'univers très ludique de Chasseurs de Dragons, un univers qui lorgne volontiers vers un esprit très jeu vidéo puisque les personnages évoluent en passant d'une île à une autre, chaque île étant suspendue dans les airs et offrant son lot de créatures originales. Premier constat, le film bénéficie d'un soin artistique indéniable, qu'il s'agisse du character design, stylisé sans être irritant, du bestiaire fort sympathique qui peuple ce petit monde ou du travail remarquable réalisé sur les décors, très fouillés sans confiner à la surcharge. Si le scénario ne se compare pas à celui d'un Happy Feet ou d'un Ratatouille - le top niveau en la matière -, il bénéficie toutefois d'une écriture plutôt réussie reposant sur un savant dosage entre l'action et les échanges souvent humoristiques, parfois touchants entre les protagonistes principaux. Ces derniers participent d'ailleurs pleinement au charme du film, entre la petite Zoé qui rêve d'apprendre le métier de chasseurs de dragons, le duo impayable de losers formé par Lian-Chu et Gwizdo, et bien sûr Hector, la créature rigolote de rigueur dans ce genre de films.
Comme on s'en doute, les personnages vont suivre un parcours initiatique qui va les mener, chacun leur tour et de manière différente, à révéler leur bravoure. Une thématique certes archi classique mais qui s'agrémente ici non seulement d'un humour un tantinet plus mordant qu'à l'accoutumée mais aussi de purs moments de poésie. L'une des qualités majeures de Chasseurs de Dragons s'avère en effet être sa mise en scène d'un incroyable dynamisme, chose suffisamment rare dans le cinéma d'animation français pour être remarquée. Utilisant pleinement l'espace, les mouvements de caméra simulée sont dignes des plus grandes productions américaines ou japonaises - l'influence de Hayao Miyazaki est palpable - et confèrent à l'univers du film une véritable ampleur. Loin de se résumer à une simple démonstration formaliste de la part des réalisateurs, cette mise en scène se voit joliment mise au service des sentiments des personnages, notamment lors d'une scène entièrement musicale (belle composition de Klaus Badelt) au cours de laquelle Lian-Chu et Gwizdo voient leur amitié mise en danger. Enfin, si l'on a souvent reproché (à raison) au doublage des productions françaises de manquer de naturel, Chasseurs de Dragons n'atteint sur ce plan pas encore la perfection (quelques seconds rôles forcent un peu le trait) mais marque tout de même un net progrès. La présence au générique de Vincent Lindon et Patrick Timsit, excellents dans les rôles de Lian-Chu et Gwizdo, pousse incontestablement le niveau vers le haut.