Critique de Street Trash 2024 : un remake inventif mais imparfait
Le 29/11/2024 à 17:14Par Pierre Champleboux
Avec Street Trash (2024), Ryan Kruger signe un "requel" audacieux qui s’attaque à l’un des monuments du cinéma gore indépendant des années 80. Si le film respecte l’esprit délirant et craspec de l’original, il s’aventure sur un terrain plus structuré et politisé, quitte à perdre un peu de l’anarchie brute qui avait fait le charme du premier opus.
Plus léchée, plus ambitieuse, mais aussi un poil plus lisse, cette relecture moderne propose des personnages attachants et des effets spéciaux globalement stylés, tout en adoptant un ton différent. Un film divertissant et inventif, mais qui ne restera certainement pas autant dans les mémoires que son cultissme prédécesseur.
Street Trash, un film culte et inclassable
Petit flashback : en 1987, Street Trash s’imposait comme une anomalie hallucinatoire issue du cinéma d’horreur indépendant. Réalisé avec un budget microscopique par Jim Muro, ce film grotesque et outrancier voyait des SDF exploser littéralement sous l’effet d’un alcool bon marché et frelaté, le Viper.
C’était une œuvre anarchique, marquée par des effets spéciaux cradingues et un humour noir clairement assumé. Plus qu’un simple film gore, Street Trash proposait une critique sociale implicite, évoquant la déshumanisation des sans-abris dans une société capitaliste qui les laisse de côté.
Devenu culte avec les années, ce monument du mauvais goût semblait intouchable… jusqu’à ce que Ryan Kruger (Fried Barry) relève le défi d’un remake, qui s’avère être en réalité une suite spirituelle.
Une suite moderne et politiséeAvec son Street Trash de 2024, Kruger choisit de transposer l’univers dégoulinant de l’original dans un contexte actuel : l’Afrique du Sud dans un futur proche, où un maire corrompu utilise une arme chimique – le Viper – pour éliminer les sans-abris dans des flaques de dégueulis.
Mais cette fois, l’intrigue va bien au-delà du quotidien de pauvres clochards qui meurent en se transformant en slime coloré. Là où Jim Muro ne faisait qu’effleurer le thème des inégalités sociales et la déshumanisation des marginaux, Ryan Kruger s’y attaque frontalement.
Si ce ton engagé apporte une dimension supplémentaire, il perd aussi l’esprit anarchique et irrévérencieux de l’original, en adoptant une approche plus cadrée et classique.
Une esthétique léchée, mais trop lisse
Visuellement, Street Trash 2024 impressionne par son mélange d’effets pratiques généreux et d’esthétique rétro. Les scènes de melting, marque de fabrique de l’original, sont ici encore plus inventives et grotesques, avec des corps qui explosent et se déforment dans des visions cauchemardesques.
Cependant, le film opte pour une patine néo-grindhouse, rappelant des œuvres comme Turbo Kid ou Father’s Day (2011). Si cette esthétique est plaisante, elle manque du côté brut et sale qui faisait le charme du Street Trash de 1987.
De plus, en haute définition, certains trucages révèlent un peu trop leurs ficelles, ce qui peut nuire à l’immersion des spectateurs les plus attentifs à ce genre de détails.
Des personnages plus humains
L’un des points forts de cette relecture réside dans ses personnages. Là où l’original misait sur des figures caricaturales et antipathiques, Street Trash 2024 propose une galerie de protagonistes plus attachants, menés par Alex, une jeune femme à la dérive qui rejoint un groupe de sans-abris après une agression.
Ce groupe hétéroclite, porté par des figures marquantes comme Ronald, un vétéran de l’armée, un duo de frangins allumés qui ne pensent qu’à se défoncée, et Gary Green, la star de Fried Barry, qui incarne une brute possédant un ami imaginaire, apporte une dimension humaine qui manquait au film de 1987.
Une satire sociale parfois trop appuyée
Si l’original effleurait à peine les thématiques sociales, Kruger les met ici au premier plan, avec une critique directe des inégalités et du capitalisme. Mais ce ton engagé est souvent trop appuyé, perdant en subtilité ce qu’il gagne en ambition.
L’humour, souvent balourd, et une bande-son synthwave trop envahissante et marquée, alourdissent également l’ensemble, rappelant un peu trop les clichés des films de série B modernes assumés, dont l’exemple le plus populaire est Kung Fury.
Verdict : un hommage honorable mais imparfait
Street Trash 2024 ne surpasse pas son modèle, mais il lui rend hommage tout en proposant une relecture moderne et respectueuse. Ryan Kruger injecte une énergie nouvelle dans cet univers grotesque, mais sans retrouver l’anarchie brute et irrévérencieuse du film de 1987. Il reste néanmoins un réalisateur à suivre, et on espère le retrouver prochainement aux commandes d’un nouveau film zinzin.
En l’état, son Street Trash est une œuvre divertissante et inventive, idéale pour les amateurs de cinéma de genre en quête de nouvelles péloches barrées, mais qui risque de frustrer les puristes qui ne jurent que par la version de 1987.