Trance de Danny Boyle : la critique
Le 06/05/2013 à 10:00Par Jonathan Deladerriere
Notre avis
Frôlant souvent la surenchère scénaristique et stylistique, parfois la prétention, Trance laissera nombre de spectateurs dubitatifs face à ce "récit-pieuvre" comme il en surprendra d'autres, conquis par ce puzzle psychédélique peu conventionnel. Expérience cauchemardesque autant que malaise érotique, Trance laissera à coup sûr et pour longtemps un goût de souffre dans la bouche des spectateurs. L’un des films les plus marquant de l’année, tout simplement. Découvrez ci-dessous notre critique complète de Trance.
Un remake de téléfilm anglais (et oui encore) datant de 2001 mais mis en scène par le réalisateur des excellents 28 jours plus tard, Trainspotting ou 127 heures, il n’en fallait pas plus pour mettre la bave aux lèvres de la rédaction de Filmsactu. Alors, qu’en est-il réellement de cette sombre histoire de gangsters au pays des enchères ?
Pour l’histoire qui nous intéresse aujourd’hui, inutile de dissimuler que le réalisateur de Slumdog Millionnairenous a habitué à mieux. Simon, un commissaire-priseur (James McAvoy) s’associe à un gang mené d’une main de fer par Franck (Vincent Cassel ici tout en retenue) pour tenter de dérober un tableau de Goya d’une grande valeur lors d’une vente aux enchères… Mais Simon tente de les doubler. Lorsque Franck s’en aperçoit et le frappe violemment, notre commissaire-priseur perd connaissance et par là même tout souvenir de l’endroit où il a caché le tableau. Franck décide alors de faire appel à une hypnothérapeute (magnifique Rosario Dawson) et ainsi entamer une recherche poussée dans le psyché de Simon, veritable coffre-fort. La frontière entre réalité et fantasme s'efface alors peu à peu.
Sujet casse-gueule par excellence nécessitant une écriture rigoureuse et un schéma scénaristique en béton armé, les films psychologiques tentant de faire perdre au spectateur tous ses repères sont, lorsqu’ils sont réussis, souvent sujets à étude et aux revisionnages intensifs. Lorsque le résultat est en demi-teinte, il laisse au cinéphile un goût amer, celui d’avoir été pris pour un con, ou pire, celui de l’être vraiment car n’ayant rien intégré de l’intrigue… Heureusement, suvent sur le fil du rasoir, Danny Boyle réussit à faire oublier une seconde bobine bien trop obscure par un dernier tiers dantesque et aux généreuses révélations, bien que trop didicatiques.
Dixième long métrage du responsable du fantastique Sunshine, Trancelorgne souvent du coté de certains films fantastiques des 80’s ou de nombreux huis clos à la sauce Polanski. Parvenant de justesse à gagner son pari avec ce grand huit scénaristique (on passe du film de braquage au thriller psychologique noir), Danny Boyle nous convie à un voyage unique pour lequel il est toutefois difficile de s’abandonner. Hypnotisant son spectateur avant de le mettre K.O, Boyle multiplie les pirouettes émotionnelles, les fulgurances visuelles, et sacrifie les personnages secondaires pour se recentrer sur cette femme médecin que l’on croyait béquille scénaristique et finalement cœur du récit.
Perdant son spectateur dans les méandres d’une intrigue à tiroirs un peu trop tentaculaire, on est souvent au bord de l’indigestion, perdu dans une psychologie des personnages nous faisant finalement oublier la fameuse quête du tableau… Manquant de simplicité et peut-être un peu d’humilité, il est difficile de ne pas regretter certains errements. Eclectique est le moins que l’on puisse dire au regard des multiples prises de risques du cinéaste. Un péril évident que l’on retrouve plus marqué qu’à l’accoutumée tant l’audace et l’expérimentation transpirent dans chaque plan. On y reconnaît ainsi la patte de l’époque Trainspotting avec ses plans de nuit, sa folie lors de son dernier tiers, ou son ambition pour s’être attaqué au genre. Impossible toutefois d’adouber sans réserve ce dernier opus.
Force est de constater que Danny Boyle maitrise son sujet, au risque mais risque fort de laisser le grand public sur le bas côté. Exigent et faussement confus, le film est, à coup sûr, une date marquante dans le parcours du cinéaste. On appréciera d'autant plus cette audace la pensée d’un second visionnage synonyme de nouvelle relecture. L'apanage des très bons thrillers, peut être ?