Food, Inc
Le 03/12/2009 à 19:05Par Matthieu Conzales
Que savons-nous vraiment des produits que nous achetons au supermarché ? Que savons-nous de ce qu'on nous dit sur l'étiquette ? Si peu (le manque d'informations sur l'origine et la conception du produit) sinon des mensonges (le marketing et l'image de la ferme quand tout vient de l'usine). Food, Inc. propose de décortiquer nos assiettes pour mieux nous expliquer en quoi l'agriculture se meurt et s'impose comme un portrait efficace d'une industrie sacrifiant la santé des consommateurs et contribuant à détruire notre environnement sur l'autel des bénéfices.
Découvrez ci-dessous la critique du documentaire Food, Inc
Mélangeant ses prises de vues à des images d'archives et entrecoupant son discours de nombreuses interviews, Kenner trouve rapidement le bon rythme qui lui permettra de fluidifier son propos. Dès le générique de début qui se situe dans un supermarché, très cinématographique, on se croirait presque dans un film de fiction, assez proche des apparences d'une société faussement idéale, au conformisme dérangeant, comme le Blue Velvet de Lynch ou encore le Edward aux mains d'Argent de Burton ont pu nous les esquisser. A la différence près, qu'ici, c'est bel et bien notre monde (les rouages de l'industrie agroalimentaire aux Etats-Unis pour être plus précis) qu'il s'agit de regarder. C'est notre histoire qui nous est contée et là-encore, ce n'est pas un conte de fée. Il est d'autres moments où le film, non dénué de sentimentalisme (notamment la disparition du jeune fils de Barbara Kowalcyk après qu'il a mangé un hamburger contaminé à la E. Coli) tend à s'éloigner de l'objectivité pure telle qu'on aimerait parfois l'attendre d'un film documentaire. Nous ne lui en tiendrons pas rigueur, la perte réelle d'un être cher n'étant jamais simple à évoquer et tous les moyens étant bons quand il s'agit de défendre ses idées pour convertir le spectateur. Ainsi, sur la forme, pas grand-chose à redire : un documentaire classique mais efficace.
Si on a juste l'impression, parfois, de se disperser dans le flux d'informations et de perdre par moment la trame principale, heureusement, la structure du film, en chapitres, vient recentrer efficacement notre attention. On pourra reprocher aussi l'impression désagréable que l'on peut avoir de se sentir impuissant face à ces problèmes mais l'intelligence est là, qu'après nous avoir coupé l'appétit et montré en quoi ceux qui veulent se dresser contre les magnats de la malbouffe s'embourbent dans un combat perdu d'avance, le film nous présente enfin la possibilité d'un mieux, les réminiscences d'une ferme qui n'est pas qu'un dessin sur un emballage et nous propose enfin un avenir plus lumineux qui finalement ne tient qu'à nous. Reste alors la question de la culpabilité : je consomme mal = je ne vaux pas mieux qu'eux (Monsanto et consorts). A ceux qui vraiment se sentent coupables, qu'ils réapprennent à consommer.
Le propos, justement, n'est pas complètement novateur, que ce soit dans le cinéma ou dans la littérature, du film Super Size Me de Morgan Spurlock au livre The Omnivore's Dilemma de Michael Pollan qui, avec le Fast Food Nation (le livre) d'Eric Schlosser (ici co-producteur et expert en alimentaire), a d'ailleurs largement influencé le film. On a parfois l'impression d'avoir plus ou moins déjà entendu où déjà vu ce que nous présente Food, Inc. En même temps, cela paraît tellement énorme, tellement scandaleux, et tristement toujours tellement actuel qu'il n'est pas vain qu'on nous le répète encore. A sa manière, Food, Inc. est celui qui vient synthétiser ce qui a été dit précédemment et appuyer une énième fois là où ça fait mal. Tant que l'histoire n'aura pas changé, ces films-là trouveront toujours leur utilité sinon leur nécessité. La vraie réussite de l'entreprise ne dépendra finalement pas de l'avis que nous porterons sur le film mais de sa capacité à nous pousser à agir. Plus qu'un plaidoyer pour une meilleure agriculture, le film est un véritable manifeste pour de meilleurs consommateurs. Nous l'aurons compris, la balle est dans notre camp.