From Inside
Le 10/02/2009 à 08:26Par Yann Rutledge
D'années en années, le Festival de Gérardmer semble décidé à mettre en avant des films d'animation originaux portés par des partis pris artistiques radicaux et exigeants. Une entreprise louable qui permet de confirmer à ceux qui en doutaient (mais en reste-t-il ?) que le dessin animé n'est pas un art puéril destiné aux simples têtes blondes. Tandis que l'année précédente était présenté le très réussi Peur(s) du noir, film collectif de graphistes/dessinateurs d'initiative française (cocorico !), les programmateurs du festival ont cette année décidé de projeter radicalement l'inverse, From Inside étant le projet d'un seul et unique homme, John Bergin. Artiste pluri-disciplinaire (musique, graphisme et dernièrement cinéma), il transpose avec From Inside sur grand écran son propre roman graphique où l'on suit une jeune femme enceinte, passagère d'un train à vapeur qui avance lentement, très lentement dans un paysage post-apocalyptique, et qui malgré les inondations, la guerre et la famine qui menacent les passagers, lutte courageusement, tiraillée entre le deuil de son mari et la naissance imminente de son enfant...
Une histoire cafardeuse qui relève de l'intime sur lequel l'artiste désirait visiblement garder le contrôle absolu. En effet, plutôt que d'embaucher une armada d'animateurs pour l'assister dans cette aventure, Bergin s'est lancé dans le pari fou de réaliser le film comme il a conçu son roman graphique : en solitaire. En résulte un film d'animation extrêmement fidèle au matériau original, avec toutes les qualités et tous les défauts que cela implique.
Indubitablement, c'est sa rigueur esthétique associée à son originalité graphique qui font la force de From Inside. Quasi intégralement constitués de plans fixes conçus au fusain, les mouvements d'objets et de personnages sont réduits au strict minimum. Un dépouillement qui chez certains cinéastes exprimerait l'état ataraxique de la future mère mais qui chez John Bergin témoigne de son affliction à mettre au monde un être innocent dans un monde dévasté. Une ascèse graphique qui par refus de trop en faire finit malheureusement par abandonner le spectateur sur la touche, lassé qu'un plan sur trois soit consacré au train filant vers nulle part, assommé qui plus est par le monologue en voix off de la future mère, barbant et monotone. Formellement austère et imbitable, From Inside tente de se rattraper sur le fond. Mais là encore, le pari est raté. Nous nous retrouvons paumés au milieu d'images dont nous comprenons l'évidente portée symbolique (la pluie de sang symbolisant les menstruations ; le train défonçant les digues comme symbole phallique...) mais qui nous dépassent lorsqu'il s'agit de les connecter entre elles. Nous en arrivons même à douter de l'existence d'un sens véritablement logique.