G.I.Joe - Le réveil du Cobra
Le 30/07/2009 à 00:01Par Arnaud Mangin
S'il est difficile de pardonner quelques égarements de Stephen Sommers dans le passé, on lui reconnaitra en tout cas une faculté à foncer sans raison, ni réflexion, et à faire de l'adaptation de G.I.Joe sur grand écran exactement l'énorme folie totalement irréfléchie et régressive qu'elle devait être ! Des jouets prennent ouvertement vie à l'écran, avec des gros fusils et des gros avions, et en font des tonnes, le torse bombé, comme au bon vieux temps des dessins animés, au service d'un spectacle parfois démentiel. Cet été G.I.Joe, c'est un peu comme son héros : un chevalier blanc, tous derrière et lui devant...
G.I.Joe nous a radicalement pris de court. Si le projet se montrait aussi fébrile qu'intriguant, parce qu'on reste tout de même dans le registre d'une adaptation au cinéma d'une gamme de jouets et surtout parce que Stephen Sommers nous a montré film après film qu'il n'était pas vraiment un bon réalisateur (excepté pour son très rigolo Deep Rising), le résultat sur grand écran se montre franchement plaisant. Evidemment, Sommers n'a aucun véritable style et semble se contenter de copier platement un story-board droit dans ses bottes, mais dire que l'on boude son plaisir devant cet étrange spectacle relèverait de la mauvaise foi pure et simple. C'est une chose que l'on doit probablement à Hasbro qui, à l'instar de Marvel, semble mettre un point d'honneur à prendre par la main ses franchises maison et faire du cinéma le créneau d'une totale continuité avec les joujoux dont il s'inspire. Et en l'occurrence, il n'y a pas tromperie sur la marchandise : G.I.Joe le film, c'est clairement du G.I.Joe tel que s'en souviennent nos bribes d'émotions. Des jouets qui prennent vie et extrapolent l'exagération avec laquelle les enfants faisaient (et font toujours) évoluer leurs petits bonshommes. Une surenchère totalement folle, joyeusement régressive, tirée par les cheveux jusqu'au scalp et qui finit par incarner plus ou moins en live un hallucinant fantasme de gosses.
C'était déjà le cas avec les deux opus de Transformers, bien que ''parasités'' par un Michael Bay qui avait néanmoins mis énormément de lui-même dans ses films, mais ici c'est un peu la cour des miracles. Ou une cour de récré, au choix... Comme nous l'avons pratiqué, comme vous l'avez tous pratiqué, les créateurs du film ont sorti leur carton troué et ont renversé par terre leur collection de figurines articulées (vous savez, celles dont l'élastique dans le bassin finissait par claquer un jour ou l'autre), les gadgets et les véhicules qui vont avec et ont organisé une grosse bataille en mélangeant un peu tout ce bastringue, en laissant de côté le bon sens et ces ridicules lois de la gravité. Histoire de parfaire un peu plus ce petit plaisir, Sommers, à qui l'on reconnaitra un évident recul sur son sujet casse-gueule (comme il l'avait admirablement fait avec son Deep Rising - Un Cri dans l'océan, largement meilleur que La Momie, sa suite et surtout Van Helsing) pour en faire un machin fun au 12ème degré, a saupoudré l'ensemble de cette espèce de naïveté de la série animée. Et oui, on baigne en plus dans cette petite atmosphère TV des 80's qui y allait à fond les ballons pour en mettre plein la vue aux petits garçons, lorsque Hawk fonçait dans le tas avec son char, le poing levé pour arrêter des méchants qui voulaient détruire la planète sans véritable motif...
Et bien là, c'est pareil ! Enormes sont les chances de livrer une œuvre totalement hermétique à une majorité du public qui considèrera (à juste titre) être devant un machin totalement débile. Mais pour la poignée de trentenaires qui a grandit avec ça, M.A.S.K, Pôle Position, Silver Hawks, Jayce et les conquérants de la lumière et autres cadors du petit écran, c'est la nostalgie qui prendra le dessus. Les gentils sont intègres, bagarreurs, volontaires, en première ligne, Dennis Quaid cabotine avec une hystérie communicative et les méchants mettent le paquet pour anéantir le monde sans véritable autre raison que celle... d'anéantir le monde ! En plus ils sont moches, respirent avec des masques bizarres, rigolent fort quand ils commettent une monstruosité et suivent une espèce de cinglé comme on n'en avait justement plus vu depuis les cartoons US des années 80. L'artillerie est donc de sortie, déployant à l'écran tout ce qu'il est possible pour chambrer gentiment le patriotisme engagé (certes, on n'est pas dans Starship Troopers, mais les intentions sont bien là) en en rajoutant une couche sur des clichés caricaturés jusqu'à l'extrême, avec des vaisseaux, des avions, des sous-marins et des grosses ailes dorsales qui tirent plus de missiles qu'elles ne peuvent en contenir. Des jouets grandeur nature. Du pur, du vrai, du gros G.I.Joe, appuyé par une partition musicale d'Alan Silvestri qui roule des mécaniques au-delà de toutes espérances.
Enfin, on ne pourra pas terminer notre plaidoyer sans évoquer LA scène du film ! A peine entraperçue dans la déjà spectaculaire bande annonce, et longue d'une bonne douzaine de minutes, la poursuite à travers Paris s'impose comme le point culminant de ce foutoir (à tel point que le reste paraitra un peu fade en comparaison) et sans doute l'un des spectacles les plus exaltants du genre de ces dernières années. Qu'importe si certains effets spéciaux se montrent hasardeux (c'est le cas sur tout le film, où le moindre hélicoptère pue la synthèse) et si le respect de la géographie parisienne laisse franchement à désirer (ou alors les méchants ont paumé leur GPS), parce que c'est ouvertement du concentré de délire. Tout, tout, tout ce qu'il est possible d'exploiter est essoré jusqu'à la dernière goutte (des armures bioniques, un hummer qui se transforme, un ninja accroché tour à tour dessus, dessous et sur le côté, des immeubles bousillés, des bagnoles qui voltigent dans tous les sens ou une moto qui traverse la place de l'étoile à 200 à l'heure pour finalement passer sous l'Arc de triomphe) pour assurer une scène d'action particulièrement démente. Le genre de séquence qui risque de tourner en boucle dans les platines Blu-Ray !
On prend notre béret, notre couteau, on essaye de se rappeler qu'un jour on a eu 10 ans et on accepte de se laisser prendre dans une espèce de délire qui s'assume à 300%, à tel point que ses aberrations et défauts ne font qu'accroitre l'édifice de cet évident plaisir coupable. Stephen Sommers a en tout cas - et enfin - atteint l'exploit de nous rappeler qu'il est parfois délicieux de ne pas réfléchir au cinéma !