Gladiator 2 : brutal, viril, excentrique, merci Ridley Scott (notre critique)
Le 12/11/2024 à 12:47Par Maxime CHAO
Ce qui fascine le plus avec Gladiator 2, ce n'est pas tant qu'une suite débarque comme ça, presque à l'improviste 24 ans après le premier épisode qui est considéré comme un monument du cinéma, mais parce que Ridley Scott, du haut de ses 86 ans, est capable de sortir une suite tellement contemporaine, tellement inscrite dans l'ère du temps qu'on a l'impression que ça été réalisé par un jeune metteur en scène d'une trentaine d'années. Et c'est ce que j'adore de Ridley Scott, de son cinéma, qui a énormément évolué ces 20 dernières années. Il est à l'origine de nombreux chefs d'oeuvre, mais aussi de films plus controversés, à tel point que certains disent de lui qu'il est dans une entreprise de démolition de ses propres oeuvres. Non, Ridley Scott sait que son temps est compté, qu'il a envie de faire le cinéma qui lui plait, quitte parfois à se mettre une partie du public à dos, et avec Gladiator 2, Ridley Scott livre une suite avant tout pour le spectacle. Du temps des Romains, on allait voir les gladiateurs s'entretuer pour le plaisir des yeux et c'est exactement ce que Ridley Scott offre au public aujourd'hui avec son Gladiator 2, un film de gladiateurs avec le show qu'on attend de lui. De l'action, de la violence, de la brutalité, de la virilité, de l'excentricité, mais surtout du spectacle, du grand spectacle, avec en plus cette vibe des films des années 90 où l'on se prenait beaucoup mais alors beaucoup moins la tête...
Il y a quelque chose de vraiment fascinant avec Gladiator 2, qui est un film qui n'arrête pas de convoquer son passé, sans cesse, tout le temps. Sans le premier Gladiator, cette suite n'a tout simplement aucune de raison d'exister. Gladiator 2 est à la fois le prolongement de son aîné, son miroir avec un cheminement et des personnages similaires dans dans leur traitement, mais aussi son anti-thèse parfaite et c'est en cela que le public risque d'être divisé. D'ailleurs, quand je suis sorti de la projection presse la semaine dernière, les avis étaient partagés. Des journalistes étaient déjà en train de débattre sur l'authenticité de certaines scènes, du fait que cette suite ne ressemblait pas au premier, ou qu'à l'inverse, il lui ressemblait trop, mais la patte émotionnelle en moins. Gladiator 2, c'est un film qui va faire parler, en mal comme en très bien, mais il ne laissera personne indifférent c'est certain. En revanche, s'il y a bien une chose sur laquelle personne ne peut rien lui reprocher, c'est sur sa démesure, sa mise en scène, son envie de grandeur et pour cela Ridley Scott a mis le paquet. Plus de 300 millions de dollars de budget et je peux vous le dire, tout ce pognon, on le voit à l'écran. C'est un délice pour les yeux, notamment les costumes et d'ailleurs, je tiens à féliciter le travail de Janty Yates, la costumière en chef du film, qui travaille avec Ridley Scott depuis maintenant 24 ans sur chacun de ses films quasiment. Le premier Gladiator, c'est elle qui a fait les costumes, Kingdom of Heaven aussi, Robin des Bois, Napoleon, le grand Napoleon, que j'ai défondu bect et ongles et que je continuerai à défendre, surtout depuis la version longues de 3h30 et bien sûr ce Gladiator 2. C'est visuellement somptueux. Moi qui accorde une importance aux costumes, qui scrutent le moindre détail, j'en ai pris plein la gueule.
'RESPECT & ROBUSTESSE'
Même constat pour les décors : rien n'a été laissé au hasard et surtout, Ridley Scott a imposé à la production de faire fabriquer un véritable colisée grandeur nature. Signe encore de la démesure du projet. Et faire fabriquer un véritable colisée, ce n'était pas juste un caprice de grand cinéaste, non, c'est aussi pour le bien du film, pour retrouver des méthodes ancestrales, cette façon de faire à l'ancienne, ce côté practical, réel, dont Hollywood s'est fait une spécialité en termes de marketing ces dernières années. Attention, je ne suis pas en train de vous dire qu'il n'y a aucun effet numérique dans le film, il y en a même des tonnes, mais il y a cette vibe Top Gun Maverick dans cette envie de faire, de retrouver un cinéma qui s'était un peu perdu ces 15 dernières années. De toutes les façons, on les voit les plans dans Gladiator 2 qui ont eu recours aux images de synthèse, notamment avec les différents animaux qui ont fait jaser sur les réseaux sociaux. D'ailleurs, très très propres les effets spéciaux de tous les animaux dans le film, notamment le rhinocéros qui donne le sentiment d'être réel. Les singes enragés aussi ont bénéficié d'un travail soigné, les requins un peu moins, mais ça passe bien aussi. Tout cela pour vous dire que ce côté practical, avec de vrais décors, et c'est aussi en cela que cette suite convoque le premier de 2000, car il n'a pas souhaité trahir son héritage en basculant dans le fond vert à outrance ou le tout numérique. Bref, c'est une orgie visuelle pour les raisons que j'ai citées.
Je vous l'indiquais plus haut que Gladiator 2 ne fait que convoquer son passé, ça l'est aussi pour son histoire et son casting. On va donc s'intéresser à Lucius, qui n'est autre que le fils de Maximus Decimus, le personnage qui était joué par Russel Crowe. Dans le premier, c'était la revanche d'un ancien général romain qui va devoir devenir gladiateur pour retrouver son honneur et sa liberté. C'est peu ou prou le même schéma narratif dans Gladiator 2, sauf qu'il faut prendre en compte les années qui sont passées, peut-être une vingtaine, et l'empire romain qui a continué à avancer, ou devrais-je dire à se dégrader. Il y a d'ailleurs un parallèle assez évident que Ridley Scott fait entre la chute de l'Empire Romain dans ses fondations à celle des Etats-Unis, et j'irai même plus loin à l'Occident de manière générale. Cet empire qui est dirigé par des personnes inexpérimentées, malveillantes, et qui a besoin de retrouver ses racines pour retrouver sa grandeur de l'époque.
Dans tous les cas, ce Gladiator 2 a peut-être perdu la fibre émotionnelle qui caractérisait le premier film, mais il a gagné en intrigue, avec un discours politique plus travaillé et qui va rendre le récit aussi, voire plus intéressant que le premier, à travers notamment le personnage de Denzel Washington. Un Denzel Washington absolument esquis et démoniaque dans son jeu d'acteur, mais qui je vous le confirme fait parfois du hors sujet. Cette sensation qu'on avait de lui, qu'il sortait tout droit de Training Day mais au temps des Romains, bah je suis désolé, mais y a un peu de ça dans le film. Parfois, et je dis bien parfois, on a l'impression qu'il est un peu hors sujet, ou plutôt hors du temps, avec un jeu qui ne colle pas assez à cette période de l'empire romain. C'est pas désagréable en soi, parce que Denzel Washington, c'est Denzel quoi, et on a tendance à pardonner son génie, mais ouais, le sentiment qu'il débarque parfois des rues de Los Angeles pour finir dans un colisée de Rome, le sentiment est là.
CASTING 5 ÉTOILES
De toutes les façons, le casting de ce Gladiator 2 est aussi l'une de ses plus grandes réussites, avec des acteurs parfaitement choisis dans chacun de leur rôle. Il n'y a aucune fausse note, que ce soit dans les rôles principaux comme secondaires, avec toujours ce renvoi permanent au premier Gladiator et qui pourra peut-être gêné certains. Perso, j'y vois un hommage, surtout qu'il faut se rappeler que cette suite débarque 24 ans après le premier, et autant vous dire qu'il y a des générations et des générations de jeunes personnes qui n'ont pas découvert le premier Gladiator, encore moins au cinéma. Parce que oui, Gladiator 2 est un film de cinéma, à voir dans la plus grandes des salles pour que l'expérience soit totale. Mais revenons au casting si vous le voulez bien, parce que je dois chanter les louages de Paul Mescal. Un comédien qui je ne connaissais, j'ai vu aucun de ses films ni série, mais bon sang, quel charisme, quel acteur. C'est le digne héritier de Russel Crowe, non pas en tant qu'acteur, mais en tant que personnage qui doit succéder à Maximus. Un rôle casse-gueule, mais qu'il réussit avec brio, que ce soit physiquement, avec une carrure massive, mais pas trop musculeux, dans le sens, muscles saillants, trop dessinés, genre Brad Pitt dans le rôle d'Achille, où il faisait davantage gravure de mode que combattant de la Grèce antique. Non là Paul Mescal a pris du muscle, mais surtout de la force brute, comme Russel Crowe à l'époque aussi. Et d'ailleurs, je trouve que Paul Mescal a également la même voix, cette même tonalité et surtout cette force en lui de porter un message, d'entraîner dans ses convictons des hommes qui sont prêts à mourir pour lui. Les passages dans le film où il doit motiver ses troupes, c'est tellement puissant que mec, moi aussi j'suis prêt à mourir pour toi.
Tout ça pour vous dire que Paul Mescal est déjà considéré comme une étoile montante de Hollywood, mais je peux vous garantir qu'après ce film-là, les contrats vont se multiplier pour lui. D'ailleurs, il va jouer le rôle de William Shakespeare dans le Hamnet de Chloé Zao. Ce ne sera pas vraiment un biopic de Shakespeare ni une variante d'une de ses oeuvres, mais un film historique fictif, se déroulant dans l'Angleterre de 1580, en pleine peste noire. Ça s'annonce fort intéressant aussi.
Pour en revenir au casting, il faut aussi féliciter le travail accompli par Joseph Quinn et Fred Hechinger qui jouent respectivement les deux empereurs, Geta et Caralla, deux frères dont les références à Rémus et Romulus sont évidentes. Sauf que si ces derniers sont connus pour être les pères fondateurs de Rome, eux c'est plutôt les frères destructeurs de cet empire, mais je ne vous en dit pas plus. Tout juste qu'ils sont absolument esquis, eux aussi, dans leur rôle qu'on pouvait déjà préshot dans les bandes annonces, avec ce côté excentrique, limite caricatural que j'ai adoré. Je sais que beaucoup de personnes ne seront pas de cet avis, mais cet aspect décalé de ces deux empereurs au ton très 1er degré du personnage de Lucius, ça marche bien, ça matche bien je trouve. Et puis, il y a quelque part, une certaine rupture avec Commode, le personnage joué par Joaquin Phoenix dans le premier film, qui était davantage dans la retenue, alors qu'on sentait bien qu'il avait qu'une envie, exulter de rage et de jalousie. Ces deux empereurs qui arrivent et naissent après Commode représente ces sentiments qui étaient enfouis et qui ne demandaient qu'à exploser.
Quant à Pedro Pascal, il est bon, mais pas non plus extraordinaire, et j'ai l'impression de voir davantage Pedro Pascal que le général Acacius. Après, pour sa défense, c'est un personnage dont l'écriture est moins travaillée que les autres, parce que justement, il n'est jamais dans les extrêmes, tout l'inverse de Lucius ou des deux empereurs. Parce c'est son rôle qui veut ça et malheureusement, je ne vais pas pouvoir aller plus loin, sinon ça part en spoil et au moment où Paramount autorise la publication des reviews, c'est deux jours avant la sortie, donc on va éviter de tout divulgâcher. Avant de passer à la suite, j'aimerai glisser un mot sur Peter Mensah, qui est un peu l'équivalent du personnage de Djimou Hounsou dans le premier Gladiator (quand je vous dis que cette suite est le miroir parfait), que j'ai aimé dans ce rôle et que tout le monde connaît puisque c'est lui qui se fait balayer d'un front-kick par Leonidas dans 300. De même, mention spéciale au comédien Tim McInnerny, qui est lui aussi parfait dans le rôle du lâche Thraex. Absolument savoureux.
Gladiator 2 est un film qui va sans doute diviser ses fans, je vous l'ai dit. Pourquoi ? Sans doute par nostalgie, parce qu'il est entré dans la culture populaire et qu'il a atteint un statut de film intouchable. Beaucoup de personnes ne voulaient pas de cette suite et même Ridley Scott lui même non plus. Il a même refusé une première version de Gladiator 2 en 2020, mais il y a 2 ans, les astres se sont alignées, à tel point qu'il en est fier aujourd'hui. Ça été rabâché en interview, mais cette version de Gladiator 2, c'est son film, sa version, il a eu le cut final et que non, il n'y aura pas d'autres versions du film après sa sortie ciné, comme ce fut le cas pour beaucoup de ses films, Napoleon par exemple à qui on a quand même rajouté 1h de film tout de même...
Ce qui va être reproché à Gladiator 2 par les adorateurs du premier, c'est que cette suite a été vidé de toute sa substance émotionnelle. C'est vrai que vous n'aurez pas besoin de version votre larmichette, par contre, vous allez exulter de joie pour la brutalité des combats. Non seulement il y en a beaucoup plus que dans le premier Gladiator, mais en plus, elles sont toutes réussies, même celles avec les animaux, surtout celles avec les animaux. J'étais le premier à rechigner quand j'ai vu les bandes annonces, mais en vrai, quel plaisir animal ces séquences, au point même où je les trouve pas assez longues limites. La baston avec les singes, elle est incroyable, il se dégage une rage, une férocité qui convoque nos instincts les plus primaires, les plus basiques. Quel pied !
Le premier Gladiator était très mythologique, porté aussi sur les émotions, ce qui n'est plus le cas dans cette suite. Ridley Scott a opté pour une suite radicalement différente, avec moins de sentiments. On a gagné en revanche en spectacle, en politique aussi, avec un déroulé qui va droit au but, grâce notamment à un rythme plus soutenu, aussi bien maîtrisé. Sans doute parce que cette suite a été faite pour des besoins commerciaux, mais aussi parce que Ridley Scott a évolué, avec moins de sensibilité et l'envie de faire le cinéma qu'il veut pour ses dernières années en tant que grand cinéaste. Oui, les fans hardcores du premier épisode pesteront sur l'absence de romantisme, mais c'est très bien que Gladiator 2 se détâche de son modèle pour proposer quelque chose de différent. Avec 300 millions de dollars engagé, le but est aussi de retomber sur ses pattes et le choix d'en faire un péplum pour le grand spectacle se justifie et se comprend aussi. On pourra pester que la dimension politique ne soit pas assez développée, ou plutôt que ça va beaucoup trop vite, notamment dans le dernier tiers, mais il aurait fallu partir sur un format série télé de 8-10 épisodes si on voulait développer suffisamment l'intrigue politique. Oui, il y a des raccourcis évidents, mais ce Gladiator 2 a tellement de choses qu'il devait traiter que ce n'était pas évident, surtout en 2h30. D'ailleurs, ces 2h30 de péloche, on ne les voit pas assez, parce que le rythme est maîtrisé, presque parfait. Je crois bien que Ridley Scott a compris qu'il devait donner au spectateur ce que le spectateur voulait avec cette suite, un vrai film de gladiateurs.
Et j'imagine que vous aussi vous aimez les films de gladiateurs ? Vous l'avez ?